« Un comics avec un vampire, un mec qui baise avec de la barbaque, un homme à tête de fion, et le tout sur fond de Texas arriéré ? Tu te fous de ma gueule ? Pas moyen que je lise ce truc ! »
– Blue, 18 ans, le 23 janvier 2015, date de sortie du premier tome.
Après deux longues années d’attente, c’est au tour de Preacher de tirer sa révérence avec ce dernier tome venant conclure un des chefs d’œuvre de Garth Ennis.
Let’s Kill God !
Jesse Custer est enfin prêt à livrer la bataille finale, et botter le train de Dieu le père et toutes les personnes mal avisées qui tenteront de se mettre en travers de sa route. Mais avant tout cela, c’est avec Cassidy qu’il a des comptes à régler. Soulevant diverses thématiques, c’est sur la relation entre les deux hommes que se concentre la majorité de cette dernière aventure, après un début pourtant assez lent. En effet, le tome s’ouvre sur un flashback dépeignant la jeunesse de Jesse et Tulip sur les routes, l’époque où vivre d’amour et de bières fraiches semblait encore possible entre deux trois vols de voitures et quelques balles distribuées par-ci par-là. Les dialogues s’enchainent, les blagues acides aussi, et c’est avec son sens très particulier du cynisme et son humour corrosif que Garth Ennis réussit à faire avancer son récit. Les personnages sont placés face à leurs propres contradictions et leurs faiblesses qu’ils assumeront ou non. « Juge une personne pour ce qu’elle est, pas ce à quoi elle ressemble ! » comme dirait Papa Custer. Chacun subit les conséquences de ses actes, et cela non sans quelques idées de plus ou moins mauvais goût, restant toujours à la limite du grotesque, sans jamais franchir la ligne. Les dessins de feu Steve Dillon sont toujours aussi efficaces et accompagnent les protagonistes bons ou mauvais jusqu’au bout de leurs aventures personnelles. L’heure du bilan est arrivée.
Love is love sous vitriol
Alors que la soixantaine de numéros précédents avaient dépeint une Amérique et plus généralement un monde en proie à la déviance, conséquence du nivellement par le bas de plus en plus prononcé entre sexe, stupre, meurtre, et drogue, c’est avec une bienveillance assez surprenant que Ennis conclut sont récit. Des humains qui s’aiment et qui trouvent progressivement leur place, admettant être imparfaits, mais tendant à devenir meilleurs. L’auteur finit une bonne fois pour toute d’enfoncer le clou, réaffirmant sa vision des relations hommes/femmes, la prédominance de virilité étant de bon aloi lorsqu’il s’agit de faire preuve de courage, mais ne justifiant en aucun cas une surprotection de la gente féminine, basée sur le cliché du chevalier servant et protecteur. Comme de juste, c’est au final la religion qui prend le plus cher dans cette conclusion. Quand bien même Dieu existerait, le monde a fini par s’émanciper de sa tutelle, et il n’échappe pas aux lois qu’il a imposé aux Hommes : lui aussi doit être jugé.
Preacher fait partie des monuments de Vertigo, de DC, et du comics moderne. Viscéral au sens propre comme au figuré, le récit repose sur des personnages drôles, mais surtout terriblement humains que ce soit dans leurs motivations, leurs relations, ou juste leur rapport à la vie. De par ses thématiques et surtout sa conclusion, la série de Garth Ennis offre un propos assez intemporel, qui sonnera toujours aussi juste lors de sa prochaine réédition dans une dizaine d’années. Néanmoins, l’humour acide et potentiellement de mauvais goût de l’auteur britannique rendra la série plus ou moins accessible selon votre niveau de tolérance. Vous ne pourrez pas dire qu’on ne vous a pas prévenu !
Je profite ici de cette conclusion pour rendre une nouvelle fois hommage à Steve Dillon, pour m’avoir accompagné au fil de différentes lectures, que ce soit du Preacher, du Hellblazer, et du Punisher avec Garth Ennis, ou du Judge Dredd, du Animal Man, et même une fois du Doctor Who. Ton trait si particulier manque à cette industrie. See you space cowboy…
Merci pour cette critique qui donne envie.
Par contre Blue, niveau calcul, tu te sens comment ? ;)
C’est à dire que c’est moi qui avait 18 ans lors de la sortie du premier tome chez Urban. Du coup, je dirais que ça me rajeunit pas x)
Non ms c’était juste que je te charriais gentiment car, la dernière fois que j’ai vérifié, 2018-2015 = 3