Review VO – The Complete Major Bummer Super Slacktacular!

On parle souvent des années 90 comme des années catastrophiques. Seulement, en France, nous n’avons que des Kingdom Come, de la Justice League de Morrison et des Batman sélectionnés (et encore, nous n’en avons pas les meilleurs). Les publications françaises sont sélectionnées, ce qui fait que nous sommes passés à côté du pire, croyez moi. Parmi les étrangetés inconnues de ces années, j’ai décidé de me plonger dans cette ongoing de deux artistes assez connus aujourd’hui.

Toxic Avenger

L’histoire est celle de Lou Martin, un raté de 19 ans, ne vivant que pour ses journées passées sur la Super Nes dans un canapé miteux, nourri uniquement de céréales et de macaronis au fromage. Il reçoit par mégarde un colis qui le transformera en géant à la masse musculaire que seules les années 90 ont su développer et exhiber. Lou se réveille sans surprise, rencontre des personnages secondaires qui le suivront au fil de la série. Le titre ne se lancera réellement que bien plus tard, après un premier règlement de compte avec les aliens qui ont envoyé ce colis avec un autre objectif en tête.

Le scénariste, John Arcudi, est connu aujourd’hui pour avoir repris les séries secondaires de l’univers riche de Mike Mignola (B.P.R.D. , B.P.R.D. 1952, Abe Sapien), mais est également scénariste de l’excellent Rumble publié en France chez Glénat Comics. A ses côtés, Doug Mahnke, qu’on ne présente plus pour son travail réalisé chez DC : Batman Under The Red Hood, The Man Who Laughs, JLA, Green Lantern, et j’en passe. Il s’agit, en ce qui nous concerne, de son premier travail réalisé chez DC. Le duo a déjà collaboré chez Dark Horse avec la série Walter : Campaign of Terror, mais ont surtout travaillé ensemble sur les mini-séries The Mask. Ce duo d’artistes déjantés se lancent chez DC après avoir rendu culte la plupart de leurs travaux chez Dark Horse, et plus particulièrement, après avoir été repérés suite à leur récit Lobo/The Mask. Cette folie déjà présente dans leurs précédents travaux résume l’intégralité de cette série publiée chez DC Comics, malgré une réédition complète chez Dark Horse.

Mamène, sale héros

Les artistes cherchent à créer l’objet de leur folie, tourner en dérision tout ce qui peut toucher aux comics populaires de l’époque, et en profiter pour mettre en avant la culture underground dont sont passionnés les auteurs. A l’instar de l’idée dont on peut se faire des éditeurs comme Marvel ou DC, celle des grandes entités propres sur elles, c’est lorsqu’elles sont au plus bas, qu’elles cherchent à plaire à un public plus varié. Ce récit fourmille d’interdits, d’éléments que refuserait l’éditeur d’office. Le récit s’offre une critique complète du super-héros imbécile implanté dans la transposition d’une Amérique telle qu’elle est perçue par ces auteurs. Un pays où l’argent est roi et pervertit l’icône même dans l’unique but d’en tirer le plus de bénéfices.

Major Bummer, derrière son titre de gros muscles, est avant tout un titre punk. Un titre révolté sur tous les plans qui s’imprègne de toute une culture et baigne dans un tas de références à commencer par le nom de son protagoniste. Lou Martin n’a rien à voir avec cet ado sorti du monde, mais était un pianiste et chanteur Irlandais pour le groupe Killing Floor dans ses premières années. Une référence parmi d’autres dans cet album qui voit d’autres œuvres du même type cachées derrière ces clichés ressassés et exagérés dans le seul but de moquer les comics, et dépasser ce statut de divertissement vieillissant en lui apportant cet aspect révolté et déjanté, attisant autant la curiosité que le rejet. Les artistes profitent de leur présence chez DC pour jouer les multiples références. Ainsi on a droit à la « Just Ice Cream of America » ou à la célèbre « Crisis On Infinite Jerks« .

Grunge Tycoon

Une fois passé la lecture référentielle, et la sympathie de cette destruction du comics mainstream, le titre souffre de graves problèmes communs à ce genre de production. A tomber volontairement dans l’excès, tout en conservant une certaine intrigue, on ne sait plus sur quel pied danser. Rien n’indique si on fait face à un problème de structure scénaristique ou si l’effet est volontaire. Toujours est-il qu’un certain dérangement en émane. L’action simultanée est très mal gérée par le scénariste et rend l’action parfois difficilement compréhensible. Les informations viennent de toutes parts et créé une saturation chez le lecteur, sans tenir compte de nombreux illogismes désirés que le lecteur doit accepter. L’histoire se disperse volontairement pour être drôle et passer d’une scène absurde à une autre, ce qui n’aide en rien à la compréhension du lecteur.

Cet aspect trash, sale ou encore punk se retrouve également dans les dessins de Doug Mahnke. L’exagération était très connue de l’artiste avec ses dessins d’une violence extrême présente dans ses séries The Mask. L’artiste joue la carte de l’exagération sur tous les plans, ce qui est une réussite pour les intentions. L’encrage ajoute à cet aspect sale du titre, seulement, Doug Mahnke semble ne pas maîtriser ses personnages, ni sa mise en page. On ne peut, non plus, parler d’une forme classique de mise en page. Doug Mahnke est loin de ses capacités pour lesquelles il est reconnu aujourd’hui. S’ajoute à ça une comparaison assez douloureuse à côté de la pièce maîtresse du genre : Tank Girl de Jamie Hewlett.

Néanmoins, Doug Mahnke donne à la série une forme correspondant au ton général. Derrière toute cette déconstruction du comic-book, John Arcudi en conserve quelques ficelles. Major Bummer est d’une lourdeur que beaucoup ne supporterons pas, mais a ce mérite de contenir une richesse tirée de la culture underground de l’époque, et une critique aussi ridicule, dans sa forme, qu’intéressante dans son fond.