Pas de nouveau numéro de Metal ce mois-ci mais à la place un tie-in qui se révèle être bien plus qu’une simple parenthèse.
Le pitch est plutôt simple au départ, un Bruce Wayne âgé souhaite raconter une de ses aventures à sa petite fille. Celle-ci choisit « The Case of the Chemical Syndicate » soit la toute première histoire de Batman racontée dans Detective Comics #27. Mais rapidement le récit devient flou et nous changeons de temporalité pour la préhistoire. Car Bruce Wayne, Batman, n’est pas tranquillement au chaud en train de raconter une histoire au choix parmi sa longue carrière, il est coincé dans la Dark Multiverse.
Les choses vont alors se compliquer dans un récit puissant qui n’aura de cesse de surprendre le lecteur.
Un véritable hommage à l’héritage de Batman et un bel exercice de style
Dès la première page ce Bruce vieillissant assène un « I see you » qui s’adresse évidemment aussi au lecteur. Les amateurs du run de Morrison sur Animal Man apprécieront. On brise d’entrée le quatrième mur pour une approche méta. D’ailleurs les hommages appuyés à notre sorcier chauve préféré sont un peu partout pour notre plus grand plaisir. Mais attention n’est pas Morrison qui veut et Snyder est beaucoup plus dans la citation pure ou le prolongement d’idées déjà amorcées. Toutefois c’est avec plaisir qu’on ne lira pas de véritable trahison dans ce qui est proposé. Et cela explique d’autant plus l’arrivée prochaine en renfort de Grant Five Stars sur la ligne Dark Matter.
Évidemment cela nécessitera donc une petite piqûre de rappel, le Dark City de Peter Milligan et les essentiels que sont Final Crisis et The Return of Bruce Wayne.
En ce sens le concept même d’Ouroboros et de continuité où tout s’est bel et bien produit est au cœur même du récit. En se prenant lors de final crisis l’Omega Beam de Darkseid Bruce Wayne s’est créé lui même et donc Batman. Avec Barbatos comme invité qui aura donc régi la vie de Bruce pour sortir de son univers. C’est perché mais génial.
C’est un concept fort avec des moments chocs que les scénaristes Scott Snyder, James Tynion IV et Joshua Williamson ont parfaitement géré dans ce délire très Lovecraftien au bord de la folie.
Une histoire intime sur Batman, son histoire et ses démons. On est très loin des moments funs et décomplexés. Ici on ne chevauche pas de raptor. Les trois scénaristes lancent un vibrant hommage à tous ceux qui les ont précédés, une vraie lettre d’amour. Faites bien attention aux costumes, aux détails, il y a beaucoup de choses qui sont intéressantes à suivre.
Je ne vous spoilerai pas les références multiples ou certains moments du récit mettant en scène Thomas Wayne, une jeune femme ressemblant étrangement à Selina Kyle ou même Alan Wayne. Tout se mélange mais fait finalement sens bien que la santé mentale de notre héros favori soit bien mise à rude épreuve.
Dans tous les cas nous sommes transportés de situations tordues plus ou moins horrifiques ou déstabilisantes à travers le temps, les époques, les what if. Un vrai manège émotionnel.
Une partie graphique très réussie qui sert parfaitement un récit intimiste
Avec des allers et retours dans le temps, de l’ésotérisme et énormément de choses à nous conter, la partie graphique se devait de tenir la route. C’est le cas avec la présence de trois dessinateurs, à savoir les brillants Doug Mahnke, Yanick Paquette et Jorge Jimenez.
Il y a finalement de la cohérence vue la multiplicité des lieux et époques traversés. Le premier dessinateur cité est excellent sur les scènes entre Bruce et sa petite fille, Paquette parfait lorsqu’il s’agit de jouer dans la référence et Jorge Jimenez livre un boulot extraordinaire une fois de plus.
Puisque ce script écrit à trois main est malin il nous perd dans un premier temps dans son scénario mais jamais graphiquement. A la relecture rien ne choque et tout est parfaitement clair et limpide au niveau du choix du découpage et des différentes parts réservées aux artistes. C’est aussi un récit qui donne un peu plus de sens au run de Scott Snyder sur Batman ce qui n’est pas plus mal.
Beaucoup plus intimiste et posé que l’event Metal bien qu’il nous fasse traverser les âges et le temps jusqu’aux confins de la folie, ce tie in réserve beaucoup de surprises. Du moins ce dernier met à plat de nombreux concepts chers aux fans de continuité, de multiverse et une suite logique au run du magicien chauve. Si Scott Snyder et ses comparses ne sont pas Morrison ils arrivent dans ce récit Lovecraftien à refondre toute l’histoire de Batman telle que nous la connaissions. Et de laisser le lecteur en plein doute et avide de nouvelles révélations. Ce récit ne serait pas un must have sans sa partie graphique impeccable où chaque artiste trouve sa place, où Jorge Jimenez notamment nous illumine de son talent. Réfractaires aux envolées WTF et parfois un peu ridicules de Metal vous auriez tort de passer à côté de ce tie in. Une lettre d’amour au chevalier noir et à son histoire sur un fond Lovecraftien, tout simplement.
C’était bien, oui.
Wow. Vraiment bon oui. Si tout metal pouvait être de cette stature..!
Agréablement surpris, et j’ai même l’impression que Snyder fait une sorte de mea-culpa sur ses envolées WTF précédentes et revient au Batman que l’on aime, sans renier ce que les autres auteurs ont pu apporter à l’édifice du chevalier noir. A voir si l’avenir nous prouve que le phœnix renaît bien de ses cendres.