Review VF – 100 Bullets Intégrale Tome 3

Après mes reviews dithyrambique sur les deux premiers tomes de l’intégrale 100 Bullets proposée par Urban Comics (à retrouver par ici pour l’un, par là pour l’autre), l’heure est venue de s’attaquer au 3ème tome, sur un ensemble de cinq. On aborde donc la partie qui se trouve au plein milieu de l’histoire (le numéro #50 est là). Brian Azzarello réussit-il à maintenir le cap de son fil rouge sans trop se perdre ? Ou l’un des meilleurs titres Vertigo ne réussit pas à échapper au fameux ventre mou ? Réponse là, maintenant, tout de suite.

Dans sa construction ce 3e tome réussit, malgré les deux premiers, à se démarquer puisqu’on pourra le diviser en trois grandes parties. Disons qu’on commence très doucement par un ensemble de petites scènettes (une par chapitre) qui ne semblent pas avoir forcément de lien entre elles et qui permettent à Azzarello de poser quelques pions supplémentaires. On s’aperçoit que les liens entre Shepherd et Graves sont bien plus complexes qu’il n’y paraissaient, loin de la figure des ennemis jurés qui souhaitent juste la mort de l’autre. C’est également dans ces chapitres que l’auteur continue d’aborder les tensions qui prennent place dans le Trust et au sein de ses 13 familles. Des touches brèves et successives qui peuvent rester un frein pour bien rentrer dans le tome, avec l’allure disparate que ça peut donner. Mais ça s’améliore grandement par la suite.

Dans une seconde partie on aura droit à des histoires plus longues, elles aussi à priori déconnectées parce qu’Azzarello cherche ensuite à s’intéresser au sort séparé de ses personnages. On aura donc droit à un grand chapitre sur Lono, une histoire plus courte sur Jack, dont les destins vont amener petit à petit chacun à se retrouver sur une même grande ligne, qui se dessine de plus en plus. Ce qui est intéressant de constater, arrivé aux 2/3 du tome, c’est le mélange des genres que nous donne l’auteur en fonction des histoires. On baigne dans un pur univers carcéral le temps de retrouver Lono, alors que l’ambiance est plus sauvage (à l’image de son personnage) avec Jack, dans une sorte de polar noir – oui parce que même si je parle de mélange de genres, on ne se retrouve pas dans une comédie musicale non plus. Au détour d’un chapitre même, Azzarello se relance dans le pitch initial de 100 Bullets en ramenant l’Agent Graves avec la fameuse mallette. Et le fameux numéro #50 nous permet d’avoir une petite leçon d’histoire pour mieux comprendre ce qui entoure le Trust et ses hommes de main. Merci Brian de ne pas toujours nous laisser dans le vague.

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Viendra ensuite pour moi ce qui est le clou du spectacle, et certainement l’un des meilleurs moments dans la série : l’histoire de Wylie qui se passe en Louisiane – avec une ambiance propre à elle même assez fantastique – et nous met à la rencontre de ce nouveau personnage, dévasté par son passé et qui sera d’ailleurs rattrapé par lui. Avec l’incursion d’autres protagonistes de l’univers 100 Bullets. Certes quelques schémas se répètent, et on les sent venir assez vite (le fameux croatoa) mais en termes de narration, d’attachement aux personnages, et d’intensité dramatique, cet arc, sous la forme d’une belle saga en sept parties, ne vous lâche pas une fois que vous l’avez commencée et constitue pour moi le gros point fort de cet épais ouvrage. Dans 100 Bullets, les personnages secondaires ont tout aussi leur importance et dans cette histoire c’est Gabe (ou Marty) qui devrait vous émouvoir le plus – l’occasion pour Azzarello de nous rappeler à la noirceur de son univers et à l’absence de cadeaux ou de happy ending. Quant aux derniers chapitres du livre, ils préparent tout simplement à l’entame de la seconde moitié du titre, qui va aller sur une route bien plus directe.

Parce que malgré une écriture toujours aussi forte et des personnages très marqués – et marquants, Azzarello doit maintenir le cap sur une série de 100 numéros et forcément, quelques fois ce n’est pas toujours aisé. A quelques numéros d’ailleurs, on peut même se demander quels étaient les réactions du lectorat tant l’auteur parvient à prendre son temps et raconter, finalement, ce qu’il veut sans utiliser d’artifices pour appeler à acheter le single suivant. La résultante, c’est qu’à bâtir un univers très vaste, on peut parfois se sentir, encore, un peu perdu et il faudra bien se rappeler de ce qui s’était passé dans les précédents tomes sous peine de devoir faire quelques retours en arrières. Mais peut-on reprocher à Azzarello la densité de son oeuvre quand elle est si maîtrisée ?

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Un dernier mot, comme toujours, pour vous parler du travail fantastique d’Eduardo Risso sur 100 Bullets – qui profite des couleurs de Patricia Mulvihill, profitons de cette review pour souligner là aussi son travail impeccable. Risso ne fait pas de concessions et dessine avec ses tripes, et ça se ressent à chaque moment. Les traits déformés des personnages permettent de mieux véhiculer les émotions, tout comme l’utilisation à outrance, presque, de l’encrage pour des effets de clair-obscur qui pointent l’importance de certains détails. Et je rajoute toujours cette richesse dans la mise en scène de Risso, les mélanges des actions sur différents plans, et la présence de petits détails qui, même s’ils n’ont pas d’importance, permettent de donner une toute autre saveur. J’ai un exemple en tête tout bête, mais au début de l’histoire carcérale avec Lono, on voit un petit oiseau se poser sur le toit de la prison (voir une des illustrations de la review) ; quatre numéros plus loin, la dernière planche proposera une fin en miroir, avec un retour sur cet oiseau (à présent mort) sur le toit de la même prison. Des idées comme ça, il y en a à tous les numéros et ça ne constitue qu’une partie de la réussite totale qu’est 100 Bullets.

Inutile de me répéter encore plus. 100 Bullets, c’est de la très bonne frappe, du polar qui vous tabasse en permanence, et qu’on en redemande encore. Malgré une construction un peu arythmique et l’impression parfois d’y voir flou, Azzarello et Risso continuent leur saga avec une très grande forme, ce tome proposant ce qui est pour moi l’une des meilleures histoires qu’ils ont proposé au fil de la série. Et même sans ça, si vous avez déjà les précédents tomes, alors continuez comme ça. Et sinon, vous avez deux tomes à rattraper en attendant d’attaquer celui-là !

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