Off My Mind #52 – L’image du créateur

Numéro 52, le Off My Mind prend de l’âge et touche à un nombre fort en symbole pour l’univers DC. Avec l’arrivée de Rebirth en France, le teasing a traversé l’atlantique et il ne s’agira plus ici de spoiler concernant une grande partie de l’article. Puisque DC Universe Rebirth sous-entend la création de cet univers, et la révélation du possible créateur de cet univers. Un numéro spécial qui pousse à ce demander quelle image peut avoir, ou doit avoir le créateur dans diverses de ses dimensions. Il s’agira du scénariste (celui qui écrit des aventures et celui qui créé ses personnages), du scientifique (fou ou non), comme de cette forte spéculation créée avec DC Universe Rebirth.

It’s Alive ! It’s Alive !

Dans le milieu des comics, l’image du créateur est immédiatement liée à celle du scénariste. Il écrit, il définit le personnage, le fait vivre à travers des aventures. Le créateur se fait discret. Il est invisible, à quelques exceptions près, caché par ce fameux quatrième mur. Le scénariste décide du contenu, du traitement du personnage et de l’intrigue. Image de créateur pour l’univers, et plus particulièrement du héros, d’autant plus forte par l’exercice et son lien entretenu avec l’image de l’artiste. La création est le résultat d’un travail répété et représente un style d’écriture. Seulement, on touche encore une fois à ce système de production massive du comic-book, la création se distingue de la production. Une création doit puiser dans l’originalité là où la production a cet unique soucis de contenter. Et dans le métier en tant que scénariste, il est difficile de distinguer création et production. Les contraires se mêlent et de là naissent certaines exceptions qui font la fierté et créées une passion chez les fans.

Le premier créateur est à proprement dit, notre Major Malcolm Wheeler-Nicholson, créateur de National Comics. Sans quoi, DC n’aurait probablement jamais vu le jour. Ce serait sans compter d’autres créateurs. Jerry Siegel, Bob Kane, Bill Finger, John Broome, Gil Kane et bien d’autres méritent tout autant la reconnaissance de créateur pour les personnages et histoires ayant garni l’univers fictif, et pour leur participation à l’élaboration de figures mythiques tout comme de l’univers cosmique. Un cran encore en dessous, l’ensemble des scénaristes, et nous retrouvons notre nuance, entre production et création. Où, dans les auteurs comme dans les arcs écrits se mêlent histoires cultes, personnelles, originales et histoires classiques à valeur historique (Golden Age/ Silver Age), ou aventure anecdotique se suffisant à remplir les pages. Réduisant la création à la notion d’un simple bien.

Toujours est-il que de ce point de vue, le créateur est auteur. Hors, comme dans les exemples cités, il peut être dessinateur. Donner un aspect, un visage à la création ne dépend, certes, pas uniquement du dessinateur, mais c’est de sa main que le personnage prend vie. Ces artistes ont donc, de leur plus ou moins grande collaboration, donné au DC Universe une apparence. Celle-ci, de son propre chef, avec des auteurs derrière elle, a pu évoluer, dans ses caractéristiques, dans son apparence, mais vient d’un point O appelé origine. Un point connu de tous, par les nombreuses réécritures, mais dont l’originale intéresse toujours. Signes de rappels de l’âge de ces grandes figures. Seulement, nous sommes encore ici en dehors de l’univers fictif du comic-book.

Un bon créateur est un créateur mort

En témoigne les grands artistes/créateurs passés, dont le nom est encore prononcé aujourd’hui. De même, la source de religions, l’identité d’une personne ou d’un dieu, tenant ce statut de créateur. A travers l’art comme à travers la religion, un créateur passe par la mort pour en ressortir comme grandi. Chose d’autant plus étonnante, ce respect de la relation entre dieu/créateur et mort est très respectée dans le monde des comics. Qu’il s’agisse de Nekron et son Blackest Night, Thanos et Le Gant de l’Infini, ou d’un Hal Jordan en quête de pouvoir. Tous ont fini par périr dans leur aventure. A vouloir devenir un dieu, la mort finit par rencontrer ce nouveau dieu. Et ce ne serait qu’en transcendant la mort, que ce personnage viendrait à devenir ce dieu. Pour reprendre l’exemple de Thanos, le personnage revient d’entre les morts, mais n’en est jamais revenu plus fort. De ce résultat, la mort a pu le prendre en pitié, pour une sensibilité au sentiment amoureux aussi forte que cruelle.

Dans son écriture, un créateur est dans l’attente primaire, un être omniscient, tout puissant sur l’univers qu’il a entre les mains – d’où le rapport avec le scénariste. Cela fait-il une sorte de réglementation, un cahier des charges afin de différencier un dieu d’un super-héros ? Pas vraiment. Le super-héros est justement un dieu. Son affiliation à la mythologie, en tant que lecture bien plus moderne et populaire, en fait un nouveau dieu. Néanmoins, il peut ne pas être omniscient ou tout puissant. Je pense notamment à Batman, être humain ordinaire – si on lui retire ses quelques milliards – il reste mortel. Sa construction d’une image et sa ruse le rapproche bien plus du héros des récits d’Homère. Le super-héros est donc en quelque sorte une forme moderne regroupant héros et dieux dans diverses mesures. Superman, par ses pouvoirs presque illimités, et ce que nous pourrions appeler son immortalité (TDKR, Death of Superman, etc.) en font un dieu, sans cet aspect de créateur. Le passage par la mort est réalisé à de nombreuses reprises, chez les héros comme chez leurs ennemis, mais aucun, ou très peu, ont cette prétention de devenir créateur d’univers ou la volonté de le détruire pour un bien. Tout ceci brise assurément la première image que nous nous faisons d’un dieu. Il en sera de même pour celle d’un dieu créateur que, de manière archétypale, nous imaginons avec de longs cheveux blancs, la barbe longue, signe de sagesse, à la manière du sorcier Shazam.

Cherchant comment manifester un possible manque d’originalité appuyant également sur un succès assuré grâce à une fan-base massive, DC appuie sur la théorie fortement prononcée d’amener le Dr. Manhattan en tant que possible créateur de l’univers DC. De même, le scientifique passe par la mort, et acquiert de ce fait des pouvoirs. Il devient un dieu, de par ce sacrifice involontaire. Néanmoins, dans cette transition entre l’être humain et ce nouvel être bleu, le personnage y perd son âme par l’acquisition d’une connaissance allant de l’infiniment petit à l’immensité de l’univers, et certainement au delà du cosmos. Sans parler du changement opéré par ses capacités à interféré dans les événements et bien entendu, dans la création. Ce dieu en question, qui pourrait apparaître dans l’univers DC, serait donc notre Dr. Manhattan. Et pourquoi lui plutôt qu’un autre ? Pour le succès qui en découlera concernant le tirage, mais surtout parce qu’il répond aux attentes. Alan Moore a réussi en une unique oeuvre à créer parmi de nombreux autres personnages, un nouveau dieu, aux caractéristiques concordant avec l’image que nous nous faisons d’un dieu créateur.

Lecteurs VO, lecteurs VF, que vous soyez pour ou contre l’utilisation de ce personnage, vous comprendrez certainement, maintenant les raisons de l’utilisation d’un tel personnage, et sa nouvelle possible appartenance à l’univers DC. Son insertion se fait d’elle-même, et seul l’écriture de sa première apparition et de l’événement qui en découlera peuvent nous faire craindre le pire. Si je reste, à titre personnel, assez enthousiaste à l’idée, certaines réserves sont à fixer. Et l’écriture de Geoff Johns peut tout autant séduire que laisser perplexe (Trinity War, Forever Evil). En revanche, le choix du Dr. Manhattan reste des plus intéressants, et des plus judicieux. Car si l’éditeur a choisi la facilité en sélectionnant le Dr. Manhattan pour ne pas créer un personnage similaire, respecter l’écriture d’Alan Moore sera une autre difficulté. La suite, dans quelques mois.