Off My Mind #51 – Le vs des super-héros : opposés pour mieux régner

Dans un monde où les super-héros luttent ensemble pour la paix, l’opposition devrait évidemment se limiter au bon face au mauvais. La justice et l’injustice. C’est à dire une limitation à la caractéristique définissant l’appartenance du héros à un camp. De cette manière apparaît World’s Finest, mettant en scène Superman, Batman et Robin. Des aventures où tout est beau, personne ne meurt, et le batarang résout les problèmes à la manière d’un kamehameha, suffisant à remettre les idées des vils brigands en place. Ce n’est qu’une vingtaine d’années plus tard que l’opposition se manifestera avec le carton que fera Superman VS Spider-man. Gerry Conway signera l’histoire symbolique qui amènera par la suite de nouvelles rencontres du même type dans l’univers DC.

La raison la plus évidente, concernant la création de ces récits opposant un héros et un autre, est celle du succès et des ventes. Le comicbook c’est une histoire d’entreprise, ce n’est pas la première fois que je le dis, et c’est bien l’aspect le plus flagrant dans le cas présent. D’autant plus qu’il s’agit des motivations ayant mené à la première rencontre entre Superman et Spider-man. Les accords ont duré un certain moment entre les éditeurs, et Gerry Conway était le jeune homme de la situation. Le compromis idéal. Mais dans ce cas, pourquoi est-ce que, justement l’opposition mène au succès d’un numéro devenu célèbre aujourd’hui ? Le succès s’explique déjà par des artistes célèbres, un événement spécial publicité, mais aussi le phénomène d’une rencontre entre deux éditeurs et héros opposés. Je parle bien de rencontre. Alors que la couverture suppose un affrontement, et c’est bien ce qui fait vendre. Ou du moins faisait. On ne compte plus les couvertures mettant en avant l’affrontement entre deux héros. Ce procédé est souvent utilisé pour des séries secondaires ou ce héros ennemi est l’un des plus connus. Récemment le retour de Shazam dans le titre Cyborg en tant qu’ennemi sonne plus comme un appel au secours d’une série à l’agonie qui ne demande qu’à être achevée, plutôt qu’un retour inattendu d’un héros au fort potentiel.

Sur un autre plan, on retrouve l’éternelle comparaison entre super-héros et dieux. Elle se fait d’autant plus pertinente que les dieux existent à travers les conflits et les guerres. Sans quoi, aucune histoire ne serait à retenir en dehors d’un culte à une communauté de divinités. A travers les oppositions et les camps rejoints au fil des histoires contées, devenues des mythes, ces dieux se créent une forme d’immortalité. Cela vaut pour les dieux issus de toute civilisation. On retrouvera par ailleurs des histoires aux étranges similitudes comme avec d’autres textes sacrés. Ceci créant une sorte de courant issu d’une même source, où se nourrissent diverses histoires. L’opposition serait le propre de l’histoire. Il n’y a pas de débat sans conflit, il n’y a pas de guerre sans camps opposés. Mais l’opposition témoigne de la présence d’un vice, et il est bien connu que même les dieux sont touchés par ces vices , par les hommes (cf. l’Illiade). D’où cette opposition entre deux camps, dans le monde réel et celui des comics. Cette présence de vice s’illustre parfaitement dans SacrificeWonder Woman se retrouve forcée de se défendre contre un Superman contrôlé par Maxwell Lord, représentation du vice à travers Infinite Crisis.

Le héros en tant que figure mythologique s’oppose donc, dans notre premier exemple, à une autre figure. Les éditeurs vendent donc cela comme un spectacle. On touche à notre limite avec la  représentation d’une figure mythologique. L’opposition entre héros parle bien plus à ce consommateur amoureux de ces personnages, en répondant à ce qui relève bien du fantasme. Plus communément appelé fan-service, aujourd’hui. Ce fantasme est produit par le soucis de connaître l’identité du héros qui ressortira vainqueur, qui va engager le combat, etc… . L’histoire passe en second plan, car succession de prétextes pour arriver à la scène attendue. Gerry Conway tient bien compte de ces facteurs et jouera sur la rencontre entre les personnages secondaires pour satisfaire au mieux le lecteur ciblé. Si cela suffira à ce numéro, aujourd’hui le public se veut plus exigent. La rencontre doit faire sens et dépasser ce simple statut de rencontre et d’affrontement, dont le concept a été plus qu’épuisé depuis les années 90. Sans parler des ficelles scénaristiques, type « contrôle mental » ou « usurpation d’identité ».

Alors quelle opposition tient aujourd’hui ? L’opposition de base qui est celle d’un conflit lié à l’appartenance à un camp, dont la « reconversion » actuelle de Killer Frost est bien soulignée par le scénariste Steve Orlando dans Justice League of America. Il s’agit dans les comics d’un respect de la loi, et d’une valeur de justice. Cette opposition est en quelque sorte le fondement des histoires de comics, de manière très générale. C’est sur le plan de l’opposition fantasmée entre héros qu’elle doit être bien plus nuancée. Et le cas d’école est encore une fois The Dark Knight Returns. Frank Miller reprend cette opposition de premier degré par l’appartenance à un camp en traçant une ligne entre ces deux héros. Il s’agirait plutôt d’une ligne tracée par le système politique fictif d’ailleurs. Un système que Superman se verra forcé de suivre, et où Batman mènera une résistance. L’opposition est parfaitement construite, se justifie et s’image de la plus belle des manière. Le système, et ses modifications, fait pression sur un peuple défendu par Batman, héros et hors-la-loi, car insoumis. Il devient donc cette résistance à cette pression commune. La nuance se trouve dans l’écriture du personnage, et la beauté de l’affrontement n’est pas portée uniquement par les thématiques développées du récit dont il n’est que la conclusion, mais aussi sur la construction d’une opposition pour mener à l’affrontement final. Là où Conway, avec Superman VS Spider-man se dirige d’office sur l’affrontement pour ensuite partir vers une collaboration et retrouver un affrontement classique entre héros et vilains.

Si ces luttes avaient une signification (Superman VS Spider-man pour être la première, DKR pour le traitement et le symbole), l’habitude a été prise par la suite. La rencontre de deux héros se faisaient par un affrontement, et ce, si souvent qu’il en a acquis le statut de cliché. L’affrontement peut être aujourd’hui plus redouté des lecteurs de longue date, par expérience, là où le néophyte cherchera à satisfaire une curiosité sur ce plan par le fantasme encore présent chez lui. Les New 52 et le DC You sont la preuve que l’éditeur et certains scénaristes n’avait pas réellement compris la leçon avec une lutte mémorable de par son ridicule entre Wonder Woman et Swamp Thing dans Wonder Woman #36 (début du run des Finch). Où l’affrontement ne fait que remplir les pages, donnant au lecteur le sentiment d’être pris pour un con, la faute à une absence totale de sens et de divertissement. Alors même que l’objectif premier de ce genre d’affrontement réside dans cette optique de créer un divertissement par cette valeur d’affrontement plus ou moins original, comme peut en témoigner Dreamwar, un crossover entre DC et Wildstorm.

Au final, si l’opposition prend son sens chez les super-héros, il ne peut pas se définir par une opposition entre super-héros. L’opposition se trouve entre les valeurs représentées et ses antipodes. Alors que l’opposition entre super-héros ne trouve sa justification que dans les nuances dans la représentation ou l’exécution de ces valeurs – entre héros et anti-héros. Ou autres cas d’exception comme l’exemple de Sacrifice. Le plaisir n’est pas dans le combat en lui même, mais dans la valeur qu’il porte à chacun des combattants. Et sur ce point, l’affrontement entre Batman et Superman dans The Dark Knight Returns est certainement la grande référence sur la représentation de l’icône. Le comic-book est capable d’exposer les nuances de l’opposition, je dirais même qu’il joue sur ce facteur depuis sa création. Avec Hulk, le scientifique monstre, le monstre héros, ou l’association Superman/Batman, Deadman, le héros fantôme, à eux seuls ces exemples se limitent pourtant à l’unique présentation brève de héros ou de relations. L’image que le grand public peut se faire des comics (et depuis Batman V Superman) serait celle d’affrontements entre héros ou simplement contre un ennemi. Ce qui n’a rien de faux, mais comme dans toute chose, se suffire de grandes lignes, c’est passer à côté de nombreux exemples comme ceux cités dans cet article.

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Rédacteur depuis 2015, j'écris dans le but de partager ma passion pour les comics et entretenir ce sentiment de découverte. Bercé par Batman, mon cœur se dirige toujours vers l'éditeur aux deux lettres capitales.
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Blue
6 années il y a

« le retour de Shazam dans le titre Cyborg en tant qu’ennemi sonne plus comme un appel au secours d’une série à l’agonie qui ne demande qu’à être achevée, plutôt qu’un retour inattendu d’un héros au fort potentiel. »
Qu’on m’amène un objet contondant sur-le-champs, je m’en charge si c’est demandé si gentiment ^^

mavhoc
6 années il y a

Article intéressant qui gagnerait à avoir une suite sur son opposé : les collaborations entre héros et le moment où c’est devenu une mauvaise idée (je pense notamment, chez Marvel, au team-up Punisher & Spider-man qui est contraire au bon sens le plus basique).

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