Review VO – DKIII : The Master Race #9, dernier numéro

Rideaux tirés, clap de fin, conclusion et épilogue : la trilogie Dark Knight s’achève sur cette note, et quoi que l’auteur aime à dire que la suite est dans les cartons, on imagine difficilement ce qu’il y a de plus à ajouter. Fin brouillonne sur le plan narratif (où on sent que tout s’est hélas décidé trop vite), c’est encore une fois la symbolique qui sauve Miller et Azzarello, mais surtout Miller, où on sent un sourire renaître sur le visage du grisonnant homme au chapeau.

Dark Knight III était la fronde d’un auteur contre le terrorisme – son cheval de bataille depuis le 11 septembre. Il y a eu Dark Knight Strikes Again, critique acerbe de l’Amérique et de la mort de l’esprit héroïque d’autrefois, et Holy Terror, un défouloir purgatif où l’auteur s’applaudissait d’en mettre une belle aux bien pensants et s’amusait en interview de cette réponse abjecte qu’il proposait sans se prononcer sur le fait de la prendre au premier ou au second degré. Et récemment ? Récemment, Miller semblait s’être apaisé. Dans ses convictions et ses propos, qu’il s’agisse de sa fin de vie (qui semblait aux dernières nouvelles elle aussi devoir se précipiter) ou de sa carrière qu’il regarde désormais avec un vaste coup d’oeil rétrospectif, les faits sont là : nous avons retrouvé de l’optimiste dans l’univers DK. Joie.

Pour ceux qui ont eu la chance de suivre sa riche carrière, il ne serait pas inintéressant de voir Bruce Wayne sous sa plume comme un avatar de ses propres convictions. Lui-même disait avoir rendu le personnage vieux parce qu’il ne supportait pas que le héros de son enfance reste plus jeune que lui, qui attaquait la trentaine. Puis, furieux et frustré par les attentats, il en fit un héros terroriste et vociférant, totalitaire et destructeur, quand ce qu’il laissait à voir de lui même était au même diapason. Dans DK3, on trouvait au départ un Wayne sur un lit d’hôpital, oublié, déclinant, obsolète. Et puis, le monde, comme DC Comics, a eu à nouveau besoin de lui. Pour l’argent ? Peut-être, et lui même semble en avoir conscience vu la fronde laissée en filigrane contre les tenants du pognon dans ces quelques pages de clôture. Mais taisons un instant cette dissert’ de philo pour collégiens et allons au coeur des faits.

Ce dernier numéro remet en perspective tout le propos du bouquin, parfois un peu brumeux. La métaphore terroriste convient à ce qu’était la métaphore de la bombe et de la paranoïa des années ’80 dans DKRQuar est toujours la secte fictive que Daech représente dans le réel, et comme pour dire que les super-héros sont toujours d’actualité, on leur applique un filtre de surhomme, pour les faire s’affronter avec d’autres surhommes. Ici, le combat final va très vite, enchaîne les deus ex machinas et une résolution facile sur un scénographie assez pauvre – attendez, partez pas, vous allez voir, c’est bien quand même.

Avoir rendu Bruce Wayne plus jeune (et kudos à Kubert pour le coup, puisqu’à défaut d’être bon, le dessinateur rend hommage à une certaine école de dessin sur Batman qui ressemble à celui de plus vieilles BD), si c’était une métaphore pour Miller de signer le retour de son message dans un monde plus actuel, c’était aussi la meilleure des façons de rejustifier l’idéal intemporel du super-héros. Métaphoriquement ou concrètement : un héros devient vieux, meurt ou est assailli de continuité, on le relaunch, on le rend plus jeune, on le recrée, parce que le héros dépasse son auteur, son éditeur ou son lectorat. Ce qui compte, c’est que son idéal persiste, et la conclusion du mini-comics est éloquente à ce sujet.

De cette façon, le scénario remet au goût du jour un Bruce apaisé, qui se met bien avec Superman en répondant à ce que DKR avait posé à l’époque (et ce combat rentré dans la légende des comics). Comme si Miller comprenait avec le poids des ans son propre héritage différemment. De la même façon que le rôle de Jordan rejustifie DKSA plus joliment, et que les tacles mis au monde réel, aux médias et à la politique soient, comme d’hab dans cet univers, on ne peut plus bienvenus.

Parce que la trilogie Dark Knight brasse énormément de thématiques. Un auteur, qui utilise Batman pour mettre en scène ses idées et sa vision du monde (forcément amenée à évoluer avec les ans), un idéal de héros confronté à une réalité symbolisée, l’héritage de Carrie Kelley et Lara El en image d’auteurs ayant été inspirés par le boulot des légendes des années ’80 (ou plus directement, d’Azzarello lui même, ou de Scott Snyder, ou de tous les auteurs qui ont continuité d’enrichir le mythe), de politique, d’héroïsme, et de la guerre et du combat façon Miller, indéniablement versé dans la vision grandiloquente de l’exercice martial – inspiré par la féodalité des samourais et les récits de Guerre pendant toute sa carrière.

Alors que retenir de tout ça qui puisse être général ? Que DKIII #9 arrive à être décevant en tant que conclusion de story arc, et pourtant assez extraordinaire comme conclusion d’un auteur sur trente années de carrière à l’effigie de la chauve-souris ? Qu’on peut se relever du fascisme et de l’islamophobie, au moment où on réalise que l’homme est plus fait pour s’inspirer de l’optimisme que de la haine ? Que les fanboys surinterprètent les comics et qu’en fait tout ça était juste un produit marketing pour vendre des bouquins ? Je vous laisse juge. En attendant, pour la forme, je dirais que tout ça était de la bien belle BD.

Frank Miller, encore lui, aura écrit l’alpha et l’omega de Batman et de sa carrière. Year One d’un côté, la trilogie Dark Knight de l’autre, un de ces travaux qu’on peut suivre comme le travail de romanciers ou de cinéastes, qu’on a le droit de creuser ou à laquelle on peut associer une personnalité plus que l’envie de faire un run qui marque bien, ou qui se révèle efficace ou divertissant. C’est le boulot de types comme ça qui permettent de voir dans ces pages imprimées plus que des récits de super-héros à cahiers des charges et d’arcs bien foutus qui vendent et restent géniaux à lire de leur côté – ici, sans jugement qualitatif, on tape sur du comics d’auteur, à sa façon étrange et difficilement explicable. Enrobé dans un message que d’aucuns trouveront facile, et que ceux qui pensent connaître l’auteur comprendront comme quelque chose de grand, un numéro qui conviendrait presque pour l’épitaphe d’une carrière assez unique dans le monde du comics, tant il remet en perspective des années de boulots et de crachat sur la société et différentes communautés. Hé, on vous l’avait dit depuis le début que c’était pas un mauvais gars, le Frank. 

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Corentin

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