L’humeur du Lundi #35 – Rebirth : un an après, succès et déceptions d’un relaunch réussi

C’était il y a maintenant une année, déjà, que les lecteurs pouvaient découvrir le one-shot DC Universe : Rebirth #1, promesse de Geoff Johns de remettre l’univers DC, fortement abimé par cinq ans de New 52/DC You, sur de bons rails, en réalisant sur 80 pages un mélange de mea culpa et de teasings pour assurer les lecteurs que, oui, lire du DC Comics allait redevenir un vrai plaisir.

Avant que l’on m’attaque d’emblée, je ne dis pas que la période New 52/DC You était nulle dans son ensemble et malgré tout il y a eu de très bonnes lectures au cours de ces cinq dernières années. Mais un certain manque de cohésion directoriales, de bouleversements créatifs et d’opérations commerciales plus ou moins réussies (qui se rappelle du Villains Month ? Du WTF Month ?), et l’event le plus pété de l’histoire de DC (Convergence, saloperie du démon) ont réussi à mettre l’éditeur dans une impasse avec d’un côté, une impossibilité de se réconcilier avec les « anciens » lecteurs puisque le nouvel univers DC avait perdu une partie de son âme – en témoigne le devenir de Superman, symptomatique de cette période – et de très grandes difficultés à vouloir à tout prix faire du « neuf » en plongeant dans la « mode » indé/progressiste (qui ne sied d’ailleurs pas forcément à des éditeurs historiques tels que les Big Two) et l’échec cuisant de DC You. Malgré les excellents perles que l’on a pu découvrir pendant cette courte période.

Rebirth, donc. Je ne vous refais pas le dessin (il y a un joli dossier par là) : continuité, retour des liens entre personnages, Watchmen, rideau. Un an après, alors que la trame principale de Rebirth a été à nouveau teasée dans The Button et qu’il faudra attendre le mois de novembre prochain pour que Johns se décide à nous en raconter plus, je me permets de prendre quelques lignes pour vous livrer mes réflexions sur l’état qualitatif de DC – un jugement purement personnel, et c’est pour ça qu’il se trouve dans un édito.

Globalement, le Rebirth de DC Comics est de bonne qualité

Ce qui me permet d’avancer une grosse généralité comme ça, c’est de simplement s’attarder sur l’état de la Trinité de DC. Je vous rappelle qu’au moment de DC You, nous avions un Gordon punk dans un Bat-Chappie, un Superman sans pouvoirs en t-shirt et crâne rasé, et une Wonder Woman finie à la pisse. Force est de constater que les trois symboles de l’éditeur ont pu se relever de ces différents affronts ; si on peut ne pas être sensible à l’écriture de Tom King, son Batman relève d’une cohérence tout du long ; le retour de Greg Rucka sur Wonder Woman aura été plus que salvateur avec une construction narrative qui aura aussi permis une belle continuité graphique ; et l’exemple le plus parlant se tient pour Superman, qui n’aura jamais été aussi plaisant à lire depuis cinq ans que sous la plume d’un Peter J. Tomasi qu’on voudra garder sur le titre (et : avec Super Sons, meilleure idée du relaunch ?) pendant longtemps.

Mais de façon générale, et malgré ce statut « conservateur », c’est un retour à des codes et des relations connues qui font qu’on apprécie également l’univers DC actuel. Même s’il n’y a pas eu de changement d’auteur, Green Arrow a profité du retour de Black Canary dans sa vie. Idem pour Aquaman et l’implication plus importante de Mera (hashtag demande en mariage) dans ses histoires (parce que : Cullen Bunn, hein) ; de retrouver Wally West et un esprit d’équipe pour les Titans. L’esprit familial, et la dimension d’héritage, retrouvée également pour The Flash. Un sentiment similaire qui se retrouve avec l’univers des Green Lanterns, qui a aussi retrouvé un Hal Jordan dans un statut reconnaissable. On aurait pu craindre que Nightwing (pour lequel DC You aura été l’une des séries qui en a profité) perde de sa superbe avec un passage Grayson vraiment réussi sauf sur sa fin, mais Seeley aura tenu le cap. Et je pourrai continuer à vous faire un listing pendant pas mal de temps mais ce n’est pas le but, l’idée étant de dire que oui, les personnages sont revenus dans des postures connues – ce qui ne sera pas sans conséquences – mais que ce sont celles qui donnent leur charme à cet univers, permettant de rallier les lecteurs déçus des bouleversements des New 52, et de s’attirer le coeur des nouveaux arrivants.

Des têtes d’affiche en perdition

Bien sûr tout n’est évidemment pas tout rose et si la Trinité a bien profité du relaunch Rebirth il est en revanche des séries qui, par leur histoire ou l’exposition au grand public actuelle (parce que les films, les séries, etc), sont en revanche dans une perdition totale de qualité. Et le plus criant se trouve dans Justice League, dont Bryan Hitch n’a pas l’air d’avoir grand chose à foutre, accumulant les arcs qui reprennent les mêmes structures narratives, et qui s’entoure d’artistes qui ne sont absolument pas au niveau de ce que devrait proposer l’éditeur pour l’un de ses titres porte-étendard. Il en va de même pour la 2e poule aux oeufs d’or de DC, la célèbre Harley Quinn qui accuse le coup de près de quatre années d’histoires écrites par la même équipe, avec les mêmes ressorts, les mêmes délires ; et sans parler de cela, le fait d’avoir tant développé le casting secondaire est un grand frein pour les nouveaux arrivants de pénétrer dans cet univers. Pour l’une comme pour la Ligue, il me paraît urgent de proposer quelque chose de neuf (et de bien), d’autant plus que mince, on a Justice League qui arrive en fin d’année, et j’ai une pensée pour ces quelques curieux qui, enthousiasmés par cette venue, voudrait tenter un Justice League de Bryan Hitch pour découvrir cette équipe.

Je serai un peu plus mitigé sur le cas Suicide Squad car il faut avouer que depuis le 16e numéro et l’arrivée de Tony S. Daniel aux dessins, et surtout d’avoir des numéros complets (et pas découpés de façon bizarre en deux, plus ou moins sans back-up), l’équipe nouvellement bankable de DC a repris un peu de la bête. Mais qu’est-ce que la déception a été dure au départ, notamment à cause du fameux découpages à la mords moi le noeud imposé par l’inefficacité de Jim Lee à rendre un véritable numéro à temps. Il sera aussi obligatoire de constater que tous les titres de l’éditeur n’ont pas la même superbe, avec par exemple Deathstroke ou New Super-Man qui se sont révélé être d’excellents outsiders, à côté de titres comme Cyborg (premier à passer au rythme mensuel), Blue Beetle, Supergirl ou Batgirl qui n’ont soit pas réussi à décoller, soit se sont effondrés avec des débuts pourtant prometteurs (pour les deux dernier).

Une réussite commerciale indéniable

Je suis toujours le premier à dire que si quelque chose se vend, ce n’est pas forcément que la qualité est là. Au jeu des chiffres de ventes, je me suis toujours passionné d’essayer d’analyser l’état de DC par rapport aux rentrées d’argent engendrées par ses productions. Et après un an, j’ose affirmer que Rebirth est une très belle réussite de ce côté là. Au mois dernier encore, DC plaçait 30 singles dans le Top 50 des ventes, une performance que l’on avait plus vue depuis, depuis… depuis fort longtemps. Certes, Batman reste toujours le mieux côté, mais on voit maintenant Superman et consorts atteindre de jolis niveaux qui n’auraient pas été imaginables il y a quelques temps ; alors oui, on peut prendre en compte le fait que le bi-mensuel peut paraître trompeur puisque deux numéros à priori cumuleront plus de ventes qu’un seul (question de mathématiques niveau brevet), encore que les choses soient toujours plus compliquées. De même, on retrouve forcément aussi des titres à un très bas niveau (et je ne vous parle pas de Vertigo) mais on malgré tout vu DC prendre la tête des chiffres de ventes pendant presque 4 mois d’affilée, et ce sans la remise de numéros #1 à chaque mois, mais juste parce que les lecteurs ont décidé de suivre l’éditeur dans son relaunch – et continue de le faire.

Il faudrait également que je touche un petit mot sur les à côtés de Rebirth. D’un côté, l’émergence des nouveaux imprints DC’s Young Animal et Wildstorm (qui n’a qu’un seul titre pour le moment) a été qualitativement très profitable (si vous n’avez toujours pas découvert Cave Carson, je ne sais pas ce que vous attendez), alors que les ventes de ces titres ne sont pas faramineuses. Mais preuve est, pour le moment, que DC a pu diversifier ses approches, et donc certainement son lectorat, sans pour autant sacrifier ses personnages sur l’autel de la diversité forcée. Dans une optique moins réjouissante en revanche, on constatera aussi que l’éditeur persiste à publier des mini-séries qui ne jouissent que d’un très faible potentiel, et qui sont ensuite portés par des équipes créatives qu’on se demande ce qu’elles foutent là. Outre l’aspect « remplissage du marché », je me pose encore beaucoup de questions sur l’existence de titres tels que Odyssey of the Amazons, Fall and Rise of Captain Atom ou encore le tout récent Bane : Conquest. D’autres initiatives telles que Raven se sont révélées un poil plus intéressantes, reste à voir si DC continuera dans ce genre de directions (à ce titre, le Nightwing : New Order promet déjà d’être plus intéressant).

Des interrogations sur le « Year Two » de Rebirth

De façon générale, je ne me fais pas trop de soucis pour les séries ongoing de Rebirth qui arrivent, malgré quelques perturbations plus ou moins graves (le départ de Phil Jimenez de Superwoman ou celui de Jonboy Meyers de Teen Titans) à maintenir le cap même au niveau du rythme de publication. A quelques très rares exceptions (de mémoire, Harley Quinn et Flash seuls ont été concernés), les numéros sont toujours à l’heure et la qualité graphique n’est pas à plaindre sur une majorité de titres (disons que sur ceux où les dessins sont moches, ça reste constant également – Justice League, si tu m’entends – signe que ce n’est pas le rythme de publication qui entraîne cette lacune). C’est un rythme qui a également permis la lecture de crossovers plutôt agréables, avec un chapitre par semaine, ce qui permet de suivre la chose sans trop d’attentes, bien qu’il faille du coup ne pas s’attendre à trop de révélations. On prendra ici l’exemple de The Button qui, malgré les promesses, n’aura servi surtout que de gros teasing pour Doomsday Clock. Pour l’avenir à court terme en vérité, la seule crainte réelle que j’ai concerne Wonder Woman, n’ayant aucune idée de ce que pourra faire Shea Fontana, surtout après la belle relève de Greg Rucka.

L’autre vraie inconnue, c’est d’une certaine façon l’insertion de Dan Didio dans la ligne initialement pilotée par Geoff Johns. Avec l’arrivée du Dark Multiverse au sein de l’event Dark Knights : Metal et des séries qui en découlent, j’ai peur d’une opération éditoriale foireuse, qui en plus exerce une sorte de hold-up sur les artistes les plus doués – sinon, les plus bankables – de l’éditeur, pour des titres qui pourraient s’avérer être un gros gâchis. L’ombre de Dan Didio pèse sur cet event (qui fort heureusement, ne devrait pas avoir de vrai impact sur l’ensemble des titres Rebirth) et c’est à ce jour une des grandes inconnues qu’il faudra surveiller de près. Ca tombe bien, Dark Days : the Forge #1 arrive le mois prochain.