Review Cinéma – Supergirl

supergirl

Haut les cœurs, lectorat, puisque le festival de Cannes approche et qu’il nous est apparu utile à nous aussi, en célébration de ce mirifique rassemblement jovial autour de robes et de tapis rouges, de secouer nos vieilles pellicules estampillées DC. Vous vous en souvenez peut-être, l’an dernier un mois thématique nous était venu à l’idée pour rappeler aux jeunes générations le bonheur qu’ils ont de profiter d’un paysage filmique moderne bardé de chefs d’oeuvres (ça commence à rigoler dans le fond là, arrêtez) et de relativiser un grand coup sur la qualité aléatoire des productions modernes, quand on aime à jeter un oeil sur ce qui s’est fait avant. Et justement, il en reste plein, des saloperies, qui dorment dans les coins obscurs de Warner Bros. comme de vilaines cicatrices encore un poil honteuses, mais qu’on a pas honte d’exhiber devant les copains ou pour impressionner les nanas, parce que les blessures de guerre, ça fait viril, et que c’est toujours marrant de les ressortir avec deux bières et trois pizzas.

Souvenez vous donc, pour ceux qui ont eu la chance d’être nées avant l’effondrement du bloc Soviétique, de Supergirl. Sorti en 1984, le film est réalisé par Jeannot Szwarc, et si ce nom vous évoque peut-être un agriculteur de la ferme de votre enfance, il n’est pas une déformation Américanisée d’un patronyme à consonance Européenne, puisque le metteur en scène est un Franco-Américain qui a entre autres bossé sur La Vengeance d’une Blonde pour Les Films de la Colline, avec Christian Clavier, Thierry Lermite, Marie-Anne Chazel et Annie Cordy – c’est fou – entre autres grands moments de sa carrière. On doit aussi à Szwarc d’avoir remplacé Steven Spielberg sur Les Dents de la Mer 2(ème Partie), Santa Claus : The Movie ou Honor Bound, un film de 1988 où le sergent américain Max Young est envoyé en Allemagne de l’Est pour démanteler une base secrète d’ogives nucléaires soviétique ! Une carrière dédiée au cinéma, dont on ne doute pas que Supergirl doit être le plus fier représentant. Des années plus tard, Szwarc rejoindra le pôle de réalisateurs de Smallville, parce que la boucle devait se boucler et que la CW, elle, avait compris.

Pour l’anecdote, le film fait bel et bien partie de la saga Superman lancée en 1978 par Richard Donner, il est d’ailleurs produit par les deux têtes pensantes de cette tétralogie, Alexander et Ilya Salkind, et là, un peu d’histoire : ce couple de producteurs, après avoir chassé Donner de Superman 2, qui partira réaliser les Goonies et L’Arme Fatale en dansant la rumba sur un seul pied parce qu’il est trop génial, le remplacent par Richard Lester, qui s’occupera aussi de Superman 3. Débarrassés de la vision initiale, les Salkind introduiront dans le film un humour burlesque où Superman, affecté par les effets de la kryptonite rouge (qui était verte) se mettra à picoler, et partagera un temps d’écran considérable avec l’humoriste et acteur afro-américain Richard Pryor, un genre d’Eddie Murphy avant l’heure qui ne sauvera pas le film d’un échec mérité.

Alors que le quatrième épisode (et Nuclear Man !!) patientent dans l’ombre pour finir d’achever ce pauvre Christopher Reeve qui ne s’en relèvera pas – et non je n’assume pas du tout cette blague – les Salkind ouvrent l’idée d’un spin-off sur Supergirl pour raviver la franchise. Un caméo de Reeve était d’ailleurs prévu, mais celui-ci ne participera finalement pas, seulement présent dans le film sous la forme d’un poster sur lequel joueront quelques notes du célèbre thème de John Williams, ne canonisant le métrage qu’à moitié et ne l’incluant pas dans les box de DVD anniversaire avec les quatre autres films de la série, et on aura tôt fait de ranger Supergirl dans un placard d’essais oubliés, avec Superpup et le pilote de Wonder Woman en série TV – bref, que des bons souvenirs. Mais ça parle de quoi, au juste, Supergirl ?

Le film s’ouvre sur la colonie kryptonienne d’Argo, un lieu paumé du cosmos où on aime manifestement les maquettes moches et les fonds noirs avec des spots mal dissimulés pour représenter le soleil. Là-bas, les kryptoniens apparemment pas des masses au courant de la destruction de leur planète d’origine vivent une vie heureuse avec des cours de physique incroyable où on enseigne les fondamentaux de base d’une vie épanouie (« les ondes électroniques dans les liaisons covalentes kryptoniennes », oui, il y a ça dans le film, et oui, avouez que ça fait super sérieux). La jeune Kara encore ingénue fréquente régulièrement l’artiste philosophe mentor du coin, un certain Zaltar joué par Peter O’Toole (qui avait besoin d’argent après Lawrence d’Arabie). Pour ses créations étranges, Zaltar utilise l’un des réacteurs d’Argo, une sphère noire rétro-éclairée qui tourne sur elle-même avec un petit bruit de soucoupe volante des années ’50, l’Oméga-Edron, qu’on va appeler la Gemme d’Infinité random pour le reste de cette critique.

Evidemment, l’objet se perd dans le cosmos infini quand cette teubé de Kara veut elle aussi jouer à l’apprenti-sorcière en sculptant une libellule cosmique artificielle (typique ! Foutus ado’), et Kara prend la « capsule binaire » – oui – pour partir le chercher aux tréfonds de la galaxie, sous le regard fragile de papa Zor-El qui n’a jamais eu l’air aussi peu menaçant. La gemme d’infinité random tombe sur Terre par la volonté du scénariste feignant, dans les mains de la méchante, jouée par Faye Dunaway (qui avait besoin d’argent après L’Affaire Thomas Crown) parce que celui-ci est vraiment super feignant, une sorcière-prestidigitatrice évidemment mue par la volonté démentielle de dominer le monde, et ça tombe bien, le monde en a apparemment bien envie lui aussi pour te filer les clés du machin comme ça, sur une aprem’ pique-nique. La méga gemme est en effet aussi un vecteur de pouvoirs très puissants, qui va, par le biais de la magie scientifique, donner à la sorcière le pouvoir de contrôler les éléments et d’invoquer des créatures – parce que les réacteurs kryptoniens ont été foutus pour ça. Kara arrive sur Terre peu à peu, déjà pourvue de sa tenue de Supergirl – comment et pourquoi ? Arrêtez avec vos questions, ces effets visuels de voyage spatial sont beaucoup trop stylés – et commence pour l’héroïne l’exploration de la Terre, où elle sait sans aucune explication que s’y trouve déjà son cousin – là-encore, oubliez toute forme de question et focalisez vous sur cette jupette tellement sexy.

Petite volette autour du monde pendant que la méchante malveillante fomente de maléfiques desseins pas gentils, jusqu’à ce que Kara intègre une université histoire de s’intégrer au monde civil. Le proviseur de l’école, un certain Mr Danvers (wow, mais quel clin d’oeil gracieux aux comics, c’est fort) lui accole comme camarade de chambrée Lucy Lane la petite soeur de Loïs, qui est fan de Superman mais se tape Jimmy parce qu’il est moins fortiche mais plus disponible. Au fil de son enquête pour retrouver l’Oméga-machin, Kara combat des créatures, humilie les moches du lyçée qui voulaient se venger des jolies filles en cassant leurs douches (superbe référence à Carrie, dans le mauvais sens mais c’était pas mal) et fait des bisous à l’ouvrier de chantier du coin, qui est vraiment super mignon. De son côté, la méchante apprend en trois jours l’art du bankai et arrive à bannir Supergirl dans la Zone Fantôme (c’es fort), où Zaltar s’était exilé pour ses péchés.

Bref, mort du mentor en tentant de s’échapper de la prison stellaire, banane à la vilaine dans des superbes plans débullés pas superbes, Kara récupère la gemme machin truc de saloperie, retourne à Argo (comment ? Je sais pas, celui qui a écrit le film non plus) pour leur ramener le joujou, et générique de fin sur cette résolution climatique incroyable, en gros, c’était Supergirl, et c’était moyen.

C’était moyen pour plein de raisons : d’abord, le film n’arrive pas à se trouver, entre une intrigue de high-school movie où Kara cherche sa place dans un monde adulte, une série de moments loufoques entre la méchante et sa sidekick, et un aspect téléfilm des années ’80 rarement contre balancé par des effets spéciaux de blockbuster plutôt fauché. Le film n’a coûté que 35 millions, ce qui reste honorable comparativement aux deux Superman précédents, mais dans la décennie 1980, on commence à assister à des films de plus en plus réussis esthétiquement, et faire un blockbuster comme on les faisait dans les années ’70, c’est visuellement raté, d’autant que le film accuse un retard dans son traitement de la science-fiction. On sort de Star Wars, Alien et Star Trek, or le côté Hard Science à l’ancienne de Supergirl, avec son Argo qui ressemble à… A rien, hein, on peut le dire, ça fait franchement mal et surtout, très en retard sur son temps.

La réalisation est pour le moins anecdotique, quoi que le film cherche à rendre deux trois effets psyché’ dans certaines scènes, le film n’a pas les moyens de ses ambitions. Le montage est aussi assez grotesque, mettant la méchante presque plus en avant que Supergirl et donnant à l’ensemble un aspect de mauvaise série TV comique – le film se paume complètement entre les genres et oublie de poser des fondamentaux sur son personnage principal, littéralement parachuté dans un rôle de super-héros parce que « c’est la cousine de Superman, donc c’est génétique, cherchez pas plus loin ». Assez mal écrite, l’héroïne est complètement vaporeuse dans cette aventure où elle n’a qu’un rôle assez unidimensionnel (retrouver le caillou rond, faire des bisous à l’ouvrier, être jolie), et ne porte pas grand chose comparé à l’interprétation charmante de Clark par Reeve quelques métrages plus loin.

Encore que, j’ai du mal à être vraiment méchant avec Helen Slater, pour qui ce malheureux choix de carrière était tout de même le premier long-métrage, et à son niveau, compte tenue des exigences manifestes de la prod’ et du réalisateur, elle porte au moins la candeur de Kara à défaut d’avoir d’autres choses à vendre. En parallèle, la performance d’acteurs comme O’TooleDunaway ou même Mia Farrow (qui avait aussi besoin d’argent après Mort sur le Nil) est assez triste, on a l’impression d’une immense réunion croutonnage où de bons acteurs viennent faire les guignols pour une production télé’. Mention spéciale à Lawrence d’Arabie, qui certes a mené la bataille d’Aqaba, mais a réussi à devenir un vieux fou sénile et alcoolique, après avoir été enfermé dans la Zone Fantôme pendant trois pauvres jours. Rien n’a vraiment de sens dans l’ensemble humain du film, ça ressemble à un épisode de Buffy sans l’humour, ça ressemble à un épisode de Loïs & Clark sans les câbles, et ça ressemble à un épisode de la série Supergirl si elle avait été faite dans les années ’80, avec une meilleure musique.

Parce qu’on peut effectivement sauver le score de Jerry Goldsmith, un des très grands noms de la musique Hollywoodienne, qui pour le coup n’a rien à envier à la BO de Williams sur les films précédents. Pour le reste, c’est à peu près tout, tout le reste se découpant dans un croisement bâtard de Ma Sorcière Bien Aimée avec un peu de Ferris Bueller, un peu de Superman II et beaucoup, beaucoup de longueurs. Le film se paume, sans but réel, même pas celui de densifier la franchise vu la fin éclair qu’il balance sans réelle possibilité de suite, on a l’impression d’avoir vécu un passage au pays du rien, c’est limite si l’inter-titre n’aurait pas pu être « pendant ce temps, Clark a une cousine qui fait des trucs. Maintenant, Superman IV, vous allez voir, ça va être mortel ! ».

Pour relativiser, une aprem’ pluvieuse et un chocolat chaud si vous avez comme moi fait l’erreur de grandir avec ce film et les quatre autres, ce n’est honnêtement pas la plaie que ce que décrivent l’élite intellectuelle de paix et tolérance qu’est Rotten Tomatoes. Mais, on peut en vouloir à ce film pour son ratage réel, celui d’avoir présenté au grand public une super-héroïne sous cette forme ultra, méga, giga, sérieusement exagérément, bâclée. Même à l’échelle de la tétralogie Superman qui n’aura pas forcément marqué le cinéma pour une folie d’écriture et de plans de caméras aventureux, c’est une mauvaise version téléfilm, et son échec retentissant au box office aura en partie condamné les personnages féminins des comics au silence pour les décennies à venir. Attendons le comportement économique du film Wonder Woman pour voir si la donne a un jour des chances de changer, mais avec une Batgirl dans les cartons et les female-lead de Marvel de l’autre côté, peut-être qu’en 2017, il est temps de pardonner à cette pauvre Helen Slater pour regarder de l’avant.

  • Réalisation : Jeannot Szwarc Production : Timothy BurrillAlexander Salkind, Ilya Salkind
  • Scénario : David Odell
  • Acteurs : Helen Slater, Faye Dunaway, Peter O’Tool, Maureen Teefy, Hart Bochner, Mia Farrow

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Billy Batson
6 années il y a

Je vais avouer que Supergirl est un peu mon plaisir coupable : dès qu’il passe à la télé, je ne peux m’empêcher de le regarder. Je le trouve d’autant plus intéressant que ce long-métrage représente ce qu’aurait pu être le premier Superman si Donner n’avait pas été là avec Puzo pour élever le tout tant on y retrouve les mêmes caractéristiques. J’espère quand même que cette fois-ci, vous ferez une review du téléfilm Justice League de 1997. U_U

PS : « Qui avait aussi besoin d’argent après Mort sur le Nil »
M’enfin, ça a été un succès commercial Mort sur le Nil !

Billy Batson
6 années il y a
Répondre à  Corentin

Ça te va ça ?
http://www.dailymotion.com/video/x2x3f1s
On aura qu’à dire que c’est une copie pellicule 35 mm qui n’a pas été restaurée numériquement :P

Blue
6 années il y a

Pour rencontrer Linda Lee…. il vaut mieux avoir une bonne couverture.
Allez c’est tout pour moi, je serai en tournée à Quimper le 27, Boulouris le 29 et le 14 à Arcachon.

Billy Batson
6 années il y a
Répondre à  Blue

Au risque de se mettre dans de beaux draps.

Leonidas
6 années il y a
Répondre à  Blue

G ri1 compri lol

Billy Batson
6 années il y a
Répondre à  Leonidas

Je vais éclairer la lanterne :)
https://youtu.be/FzUxqmQuE5c

Porter
6 années il y a

Ptain quand j’étais tout petit j’étais amoureux d’elle…
Tellement belle.
Bon c’était un film de merde mais je sais pas en supergirl elle avait une classe folle quoi, c’était assez magnetique pour moi.

Porter
6 années il y a

Oui jme doute je l’ai revue en étant adulte et je ressentais pas grand chose pour elle pour le coup.
Mais avec les yeux d’un tout petit moi elle me rendait tout chaud, une princesse héroine avec un sacré regard.

stingrayfell
stingrayfell
6 années il y a

Corentin, tu as mal travaillé pour que DCplanet t’inflige ça ?! lol

erik 5
erik 5
6 années il y a

Le seul mérite de ce truc aura été un des apports les plus émouvants de l’histoire DC, a savoir la mort de Supergirl dans  »Crisis on infinite earths ». Outre la médiocrité du métrage, son échec au box office permis à Marv Wolfman et George Perez le sacrifice de cette icone du DCverse dans un combat d’anthologie contre l’anti-monitor.

scouser76
scouser76
6 années il y a

Globalement d’accord avec la review, Supergirl c’est un film au scenar « bordelico-whatthefuckesque » mais ca reste sympathique si on a l’excuse de la nostalgie.
Le score de Goldsmith donne peu etre un appercu de ce qu’il aurait pu faire sur le 1er film Superman puisqu’il fut un temps envisage pour le score (il avait fait celui de La Malediction de Donner) avant de ne plus etre disponible et d’etre remplace par Williams.
(D’ailleurs c’est quand ils veulent les Intrada et autres LaLaLand pour nous ressortir le score remasterise…)
Et puis il y a la toute choupi Helen Slater qui joue et croit en son role a 200%

scouser76
scouser76
6 années il y a
Répondre à  scouser76

Bonus: Évoquer la carrière de Szwarc en ne notant comme point culminant que Jaws2 (suite plutot correcte du Spielberg, bien loin des 2 nanars suivants) c’est oublier sa principale réussite, la romance intertemporelle de Somewhere in time, avec Christopher Reeve en plus!

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