L’humeur du Lundi #28 – Etat des lieux des annonces de films DC

Dans la foulée de la bande-annonce de Justice League, les studios Warner Bros. ont pris de cours le public par l’annonce indirecte (ou une énième fois fuitée involontairement) de Joss Whedon à la réalisation d’un film Batgirl. En sus d’un planning qui n’a cessé de se réinventer depuis le début d’année, c’est d’un commentaire de lecteur qu’est venu l’instant de lucidité personnelle qui étonne et interroge à la fois : il y aurait à l’heure actuelle douze films prévus dans ce qu’on continue d’appeler le DCEU, et force est de le dire, à défaut d’être encore un univers réel et construit, ce dernier n’a effectivement pas fini de s’étendre.

La liste part ainsi des suites de films déjà prévues : Man of Steel 2, avec peut-être Matthew Vaughn (il faudra en reparler), Justice League 2 logiquement prévu par l’absence de Darkseid en frontal dans la première union des « 7 » (?), et Suicide Squad 2 où le studio espère persuader Mel Gibson, à moins qu’il ne s’agisse d’un nouvel écran de fumée. Ensuite, dans les films de  héros en solitaire, Aquaman, le projet déjà arlésien The Flash, un Cyborg pas encore annulé, et le Green Lantern Corps sur lequel lorgne la caméra malveillante du vil David Goyer. Enfin, dans la bat-catégorie, The Batman, Nightwing, Gotham City Sirens et Batgirl achèvent un balai déjà étourdissant, si on n’oubliait pas Shazam qui se peaufine dans son coin. Faites le calcul : pour un studio qui hésite encore à se projeter au-delà de l’année 2020, ça va demander un peu de tassement.

Individuellement, ces projets ont un critère relativement rassurant. Matthew Vaughn, Matt Reeves, Mel Gibson, Chris McKay, James Wan, autant de réalisateurs auréolés de leur(s) petit(s) succès, et sur lesquels on doute moins que dans des annonces moins enthousiasmantes. Regardez la filmographie du réalisateur Goyer, ou celle du un temps présumé réalisateur de Shazam qui comptait dans son CV Voyage au Centre de la Terre 2 pour relativiser. Humainement, cet ensemble artistique qui n’a encore rien d’officiel en grande partie pourrait constituer la relance d’un studio qui cherche le compromis entre le oui-chef et le j’ai-quelque-chose-à-défendre. A voir cependant si la maison ne brime pas les aspirations de ses créateurs, et en ça, l’officialisation de Matt Reeves est peut-être le signal positif que certains espéraient.

Parce que, depuis Suicide Squad, les supers analystes du web attendent. Le départ (ou plutôt, la mise en retrait) de Charles Roven, l’arrivée de Geoff Johns qui aurait du tout changer, le trailer de Justice League ou la confirmation de trucs positifs en général. Le public a une faim soudaine d’un bon signe, et là où certains prétendent que les réptiliens n’attendent que la chute du DCEU (c’est vrai pour certains), mon avis est plutôt que tout le monde aimerait entendre de bonnes nouvelles ou voir un bon film qui pourrait rejustifier toute l’entreprise. Quand Reeves part puis revient – nos amitiés à ceux qui pensent que les rumeurs, c’est du vent – on peut croire que le studio a cédé face à un réalisateur en forme de bouée de sauvetage, qui de son côté a profité d’être le dernier espoir de la boîte pour imposer deux trois conditions. Et si tel était le cas, si les variables de l’appareil de production s’orientaient dans ce sens, peut-être que le studio préparerait un terrain plus propice à la venue de « vrais » réalisateurs comme sus-mentionnés. Peut-être qu’au final le départ de Roven changera deux trois trucs, et expliquerait que Whedon se réengage par exemple dans un projet de super-héros, lui qui n’a cessé de cracher sur l’étouffoir Marvel qui, on l’oublie, a aussi eu sa « période DCEU » avant d’aller chercher Watts, Derrickson ou Coogler.

Cela mis de côté pour la caution positive des choses, on peut aussi se demander : mais au fait, pourquoi ? Pourquoi retaper encore sur un micro-verse Batman, le héros ayant déjà été présent dans les deux derniers films de l’univers, servant de pivot à Justice League et annonçant une armée de films-sidekicks (où Jared Leto reviendra, pour l’amour du lol), là où le Batfleck semble se distancer. Justement, peut-être pour éponger le recul de l’acteur ? Peut-être. Parce que c’est pareil en comics, où la sphère Gotham a toujours été sur-représentée ? Peut-être aussi. Peut-être même pour scorer un Joss Whedon, l’homme derrière Avengers, et avoir récupéré le réal’ symbolique des deux premières phases de Marvel, histoire de se donner une image de challenger. Parce que ce n’est pas la première fois que le réalisateur parle de son envie de bosser avec DC, il avait même été aux commandes d’un projet Wonder Woman avorté en 2008.

Et enfin mais surtout : pourquoi aller si vite ? Depuis le début d’année, les annonces pleuvent de tous côtés. A peine guéris du succès de Suicide Squad au box office (qui a fait tout, sauf envoyer la bonne information au studio), les exec’ doivent trouver une lumière au bout d’un tunnel morbide : faire du fun après BvS, qu’on ait ou pas aimé, ça a payé ses fruits, et le public s’est rendu massivement dans les salles soutenir une équipe de no-names où même le Joker était un figurant coupé au montage. S’il y a d’autres variables expliquant ce succès, difficile pour le studio de remettre en question une stratégie qui a payé ses fruits, et nul doute que les prod’ derrière leurs bureaux en marbres où se prélassent deux trois prostituées n’ont pas été chercher plus loin. Alors, on annonce, on fout des rustines çà et là, on essaye de coller à l’idée d’aller dans telle ou telle direction.

Le problème, c’est que la vision initiale se perd, au point que Flash fait du surplace (ironie), que tout le monde attend Justice League pour voir comment le public accueille Cyborg avant de réellement s’en préoccuper, et que le projet Green Lantern paraît à ce point éloigné vu la myriade de films sensés sortir entre temps que personne ne s’en occupe, au point de laisser le seul mec qui bosse réellement dessus essayer de s’accaparer la caméra, pendant que tout le monde a le regard détourné. Caler douze films en trois ans (bon, admettons, plutôt 4 ou 5, ce qui reste beaucoup), c’est compliqué, surtout quand les deux tiers et la moitié du troisième n’ont même pas commencé la plus petite étape de pré-production. A force de repousser, le studio recule ses plans tout en essayant de maîtriser sa com’, parce que les réseaux sociaux ont tant fait pour scruter la moindre annonce histoire de se marrer gaiement devant les mauvaises nouvelles périodiques.

Dans ce joyeux foutoir, on n’a pas encore eu un film qui n’aura pas été produit en partie par l’ancienne équipe (à laquelle j’associe volontiers Zack Snyder) pour confirmer les bonnes décisions prises, la possibilité de varier le ton et la fantasmagorie générale. Et tandis que les métrages sont repoussés les uns après les autres, cet horizon apparaît de plus en plus lointain. Bref, tout cela étant dit, on peut quand même prendre un regard rétrospectif, pencher la tête en arrière et rire un bon coup, parce que si on se souvient d’il y a quatre ans quand on se demandait si la Warner allait vraiment tenter l’univers partagé après Man of Steel (qui ne donnait véritablement aucune piste en ce sens), se dire qu’en 2017, il y a tellement de films DC à l’étude qu’on ne sait même plus où on va les ranger, c’est quand même un peu marrant.