Comics Books #2 – Batman/Superman : Stars de l’écran

Mais qui s’intéresse encore aux comics de nos jours ? Sur DC Planet, j’ai souvent l’impression qu’une majorité du lectorat se soucie bien plus des représentations des super-héros de l’univers DC sur les écrans, quels que soient les formats, plutôt que leur support originel, fait de papier, d’encre et de couleurs. Il faut reconnaître que les adaptations au cinéma (et parfois même, à la télévision) des héros qui sont très chers à certains, ou font juste partie d’un imaginaire collectif pour d’autres, réussissent à fédérer un grand nombre de personnes dont le centre d’intérêt n’est pas forcément le même à la base. Mais plutôt que de chercher à diviser les publics en deux, avec l’idée des « connaisseurs » versus les « quidam lambdas » (bien que je sois un partisan avéré de cette séparation élitiste), l’entre-deux peut-être fait malgré tout pour présenter des figures Ô combien populaires, mais dont on ne connaît pas forcément toutes les facettes de l’histoire, à des personnes qui ne sont pas sensibles culturellement aux bandes dessinées ou à l’histoire du cinéma, et qui n’ont pas envie de parcourir des heures de web à rechercher les dossiers les plus pointus dans le domaine (alors que la réponse est pourtant toute simple : ils sont tous sur DC Planet !).

C’est pourquoi je vous présente dans ce second volet de notre « chronique littéraire » un ouvrage tout récent écrit par le jeune auteur Vincent Péréa, qui propose à mon sens une introduction classique, mais efficace, aux adaptations de Batman et Superman sur le grand écran au travers des époques. Un livre qui, je crois, se destinera plus à un public non-expert qu’il faudra convaincre aussi d’aller lire – et à l’heure du sacre de la télé-réalité, c’est pas encore gagné.

Batman/Superman : Stars de l’écran

Faudra-t-il encore rappeler à quel point l’année 2016 aura été importante pour les personages de DC Comics et le cinéma ? C’est en effet l’année pendant laquelle Batman et Superman se sont enfin, après des années à avoir leurs propres films, rencontrés sur grand écran. Vincent Péréa a compris l’enjeu de cette rencontre et a profité de l’évènement pour nous proposer un historique des apparitions sur l’écran des deux super-héros les plus importants de l’Histoire. Le livre a un peu loupé le coche en ne paraissant qu’en septembre (Batman v Superman est sorti alors en mars, et Suicide Squad, également mentionné dans le livre pour la présence du Joker, est venu à notre rencontre en août) – l’un des aléas liés au parcours de ce livre, qui est auto-édité. Ce n’est pas si anodin à mon sens, l’auteur ayant expliqué que de nombreux éditeurs pensent que le sujet de ce livre n’est « pas vendeur ». Ce qui m’a énormément surpris, il faut bien l’avouer, alors qu’on nous raconte qu’il y a une overdose de super-héros qui monopolisent toute l’attention, qu’il y a un énorme effet de mode. Mais non, un livre sur les deux figures les plus importantes de cet univers (j’veux dire, c’est pas un livre sur Booster Gold et Blue Beetle non plus, là je comprendrai que le grand public s’y intéresse moins) n’attirerait pas assez. Bon, soit.

On peut découper Stars de l’écran en deux grandes parties : une partie actuelle, qui s’occupe de retracer l’évolution du projet BvS depuis son annonce à la SDCC 2013 (putain, oui, c’était il y a si longtemps…) et s’attaque également au récent DCEU ; et une autre partie plus historique, qui propose de revenir sur les différentes versions ciné’ des personnages au travers du temps. Au cours de la première, j’ai eu l’effet d’un grand rappel de toute cette période passée à scruter d’incessantes actualités et rumeurs concernant la suite de Man of Steel, un chemin qui m’a rappelé à quel point l’attente avait pu être longue – et les rumeurs nombreuses également. Le point d’ancrage est le choix de Ben Affleck pour incarner la version 2016 du Chevalier Noir, un ancrage qui permet d’aller ensuite voir qui par le passé à occuper ce rôle. Bien entendu, vous serez alors en terrain connu (du moins, si vous fréquentez le site) puisqu’on retrouvera les parcours d’Adam West et Burt Ward, de Michael Keaton, Val Kilmer, George Clooney ainsi que Christian Bale. On se rend compte que les décisions de ces castings n’ont pas souvent été reçues avec la plus grande tendresse et Vincent Péréa relie beaucoup les films Batman par rapport aux publics, ses attentes et leur réception une fois le film sorti. Les projets qui sont passés sous silence ou tués dans l’oeuf les plus connus sont également mentionnés (de la même manière que certains dossiers présents sur le site, dont l’un est d’ailleurs cité en source dans l’ouvrage : le monde est petit !).

Du côté de Superman, le constat est similaire (même si la longueur du passage est moitié moindre que celle accordée à Batman : favoritisme, quand tu nous tiens) – et si personnellement il y a eu ici plus de découverte de mon côté parce que je ne suis pas expert de ces films (et que j’en suis d’ailleurs pas très fan), les habitués seront également en terrain connu, en retrouvant les figures bien connues de George Reeves, Christopher Reeve ou encore Brandon Routh (dont les propos sur l’après Superman Returns sont assez amusants d’ailleurs) qui ont précédé Henry Cavill. C’est donc bien la question d’à qui s’adresse ce livre qui se pose, et je vous en ai déjà donné la réponse au début de cette chronique. Vincent Péréa ne cherche pas à prêcher les convaincus mais a une démarche d’ouverture vers le plus grand nombre. Le grand public, les quidams lambda, appelons-les comme on veut, mais en partant du principe que le sujet ne les intéresse pas de prime abord, alors Batman/Superman : Stars de l’écran saura apporter des éclairages sur les questions premières de l’histoire de ces deux super-héros au cinéma. Parce que la structure est claire et que l’auteur réussit à faire un certain compromis entre la précision et l’accessibilité ; ce qui ne plaira pas aux experts qui trouveront forcément un oubli, ou une précision à faire, mais qui est essentiel pour ne pas perdre tout de suite ceux qui ne demandent qu’à découvrir. A ce jeu là, le pari est plutôt réussi pour qui n’a pas envie d’éplucher internet dans ses moindres recoins à la recherche d’informations. Et c’est bien plus plaisant à lire qu’une page wikipédia.

Deux choses à dénoter en plus dans cet ouvrage qui sont pour moi importantes. La première répond à la question de la plus value, de ce que vous ne retrouverez pas ailleurs. Ici, Vincent Péréa est allé à la rencontre de nombreux comédiens et comédiennes de doublage qui ont porté leurs voix françaises pour les personnages gravitant autour de Batman et Superman – avec notamment Philippe Valmont, qu’on a encore vu il y a peu pour le Lego Batman. Ce sont des petites interviews qui permettent d’aborder d’autres points de vue, de faire un retour sur une expérience de travail et essayer de voir les rapports qu’entretiennent ces professionnels avec des personnages immenses de la pop-culture américaine. Malheureusement tout le monde n’était pas disponible et ces interviews sont donc peu nombreuses, et assez courtes – mais hé, il faut parfois se contenter de ce qu’on a. Le second point, et il m’est cher vous le comprendrez aisément, c’est que Vincent Péréa n’oublie pas de parler dans son livre de comics.

C’est un point qui peut paraître idiot énoncé comme ça mais dans un ouvrage qui s’adresse au grand public avec pour thème le cinoche de Batman et Superman, croyez-moi que je ne m’attendais pas forcément à voir des comicbooks mentionnés. Et je suis certain que d’autres pourraient faire le même exercice en parlant au strict minimum de papier. Ici le détail n’est pas exhaustif non plus, mais on sent que les recherches ont été faites et que le fait que ces personnages aient pris naissance sur le papier n’est pas oublié. Un détail qui part de rien mais qui peut en dire beaucoup. Ce qui ne m’empêcherait pas d’avoir quelques critiques à faire (notamment sur le manque de place accordé à Bill Finger – oui je sais, ce n’est pas le sujet) ou quelques choix que, personnellement, j’aimerais discuter (par exemple, de parler de Batman : TAS sans mentionner son versant Superman). Mais j’ai compris au fil de ma lecture que Vincent Péréa n’a pas écrit son livre pour moi.

Et d’ailleurs peut-être pas pour vous, vous qui lisez une chronique rébarbative sur un site qui traite déjà d’un sujet de niche. Vous en savez peut-être déjà beaucoup et n’avez peut-être plus rien à apprendre ? Ce n’est pas forcément le cas de votre entourage, plus ou moins proche, des personnes à qui vous avez envie de discuter de cinoche, de super-héros, qui sait même de bande dessinée ? Parce qu’à ceux-là, vous pourrez leur conseiller d’aller se renseigner sur les wiki, de consulter nos (excellents, par ailleurs) dossiers par exemple. Mais à l’exercice fastidieux de la lecture sur écran et aux longues heures de recherche sur le net, Vincent Péréa a une alternative à vous proposer. Batman/Superman : Stars de l’écran me semble être un bon point de départ avant d’aller chercher à approfondir ses connaissances. Si l’expérience vous tente, pour vous ou un autre (après tout, c’est bientôt Noël, hé) vous pouvez aller regarder par ici. De mon côté, j’ai encore quelques questions à poser à l’auteur avant de vous abandonner !

Entretien avec Vincent Péréa

Tu as commencé par écrire des biographies de célébrités réelles. Pourquoi choisir Batman et Superman pour ton premier essai sur des personnages fictifs ?

Depuis mes débuts dans le milieu de l’édition, j’ai toujours désiré faire un livre sur l’univers cinématographique de Batman. Parallèlement à la sortie de ma première biographie sur Natalie Porman, en 2014, j’ai appris qu’un film opposant Batman et Superman allait voir le jour. J’ai donc décidé de faire ce livre, afin de revenir sur le passé cinématographique de ces deux super-héros, même si je reste un inconditionnel du Chevalier noir. 

Je pense notamment au fait que les héros Marvel sont généralement plus populaires en France… Tu ne voulais pas faire d’historique sur le MCU ?

Si je devais faire un historique sur le MCU, je choisirai le personnage de Spider-Man, car c’est le personnage que j’apprécie le plus chez Marvel. Mais faire un historique sur le MCU en général, non ! Je reste un pro-DC(E)U (rires)

Quel est ton rapport personnel avec Superman et Batman ? Quand les as-tu découverts, que représentent-ils pour toi ?

J’ai découvert Batman au début des années 90, grâce à la série animée produite par Bruce Timm. J’ai directement adhéré à ce personnage et à son univers sombre. Je me souviens particulièrement de sa manière de déjouer les plans machiavéliques du Joker à chaque épisode. J’étais trop jeune pour avoir vu les films de Tim Burton, mais lorsque « Batman Forever » est sorti en 1995, c’était quelque chose d’incroyable… je voyais le Chevalier noir pour la première fois sur grand écran. Deux ans plus tard, « Batman & Robin » m’a beaucoup plu également, car il était destiné aux enfants dont je faisais partie à l’époque. Ces deux films me ramènent à l’enfance et à la façon dont je voyais le personnage, c’est pour ça que j’ai du mal à dire que tout est à jeter dans ces deux nanars. Avec la trilogie de Christopher Nolan, j’ai découvert un Batman beaucoup plus sérieux et engagé dans son combat contre la criminalité. Quant à Superman, je connaissais le personnage sans véritablement le connaître. J’ai vraiment commencé à m’intéresser à lui et à son univers pour mon livre. Je le trouvais beaucoup moins passionnant que Batman, car c’est un homme doté de super-pouvoirs, et que cela n’existe pas dans la réalité. Pourtant, en approfondissant son histoire et sa psychologie, j’ai découvert un personnage avec des problématiques très humaines. Je reste un fan absolu de Batman, mais le récent film de Zack Snyder m’a convaincu du potentiel de Superman et de sa dimension culturelle et universelle.

Concrètement, comment s’est passée la rédaction de ce livre ? On voit beaucoup de références internet pour les parties les plus récentes, mais pour le reste ?

Mon livre commence par l’avant « Batman V Superman ». Cette première partie apparaît comme un journal de bord de la production du film, jusqu’à sa sortie dans les salles en mars 2016. Je voulais contextualiser la rencontre de ces deux super-héros mythiques. J’ai donc suivi quotidiennement les news sur Internet pour en faire une synthèse. Pour le reste, j’ai lu et écouté de nombreuses interviews des réalisateurs et acteurs de l’époque (magazines, ouvrages, DVD). Il y a aussi des interviews de doubleurs français des personnages, qui permettent d’approfondir les films que nous avons vus au cinéma.

As-tu regardé toutes les œuvres que tu abordes dans le livre (notamment les vieux sérials des années 50) ?

Pas toutes, faute de temps, et parce que je préférais vraiment me consacrer à l’étude des œuvres cinématographiques, plutôt qu’à celle des vieux sérials ou séries des années 60.

Tu portes attention dans ton livre aux comicbooks dont sont tirés les personnages dont tu parles, es-tu également un lecteur ?

Oui, il était important selon moi de parler des origines des personnages à travers les comicbooks dont ils sont issus. Toutefois, je ne suis pas un véritable lecteur de comics. Il m’arrive seulement de lire ceux adaptés de la fameuse série animée du début des années 90. Cette année,Urban Comics avec Urban Kids nous a gratifié de très beaux albums sur l’univers de la série de Bruce Timm. Ce sont les seuls comics que je me suis procuré.

Penses-tu que les publics qui vont voir les films de super-héros s’intéressent forcément à leurs histoires sur papier ?

Non, pas forcément, car je fais justement partie de ceux qui préfèrent voir les films, plutôt que de lire leurs histoires sur papier. J’apprécie toutefois de regarder les nouvelles productions animées du DCAU, qui apparaissent comme des bandes-dessinées vivantes.

Beaucoup d’éditeurs t’ont dit que le sujet du livre n’était « pas vendeur ». Et d’un autre côté on parle d’une surexposition des super-héros, avec des films qui font toujours plus d’entrées. Tu arriverais à nous dire concrètement en quoi parler de Batman et Superman au cinéma n’intéresserait pas grand monde ?

Les éditeurs français préfèrent traduire les ouvrages américains sortis sur le sujet, car ce sont des licences. Ils estiment qu’ils sont le mieux placés pour parler de leurs propres créations. Il s’agit souvent de beaux livres, avec de belles photographies, au détriment d’une véritable analyse du mythe. Il est donc difficile pour un auteur français de prétendre parler de super-héros américains.

Plus précisément, y a-t-il encore une forme de snobisme à l’égard des super-héros en France ?

Je pense que non, car les français apparaissent de plus en plus friands de ces univers de super-héros. Le comic-con de Paris démontre à quel point les mentalités ont évolué. Nous reproduisons ce qui se fait outre-Atlantique. Par les temps que nous parcourons, je pense que nous avons besoin d’avoir des super-héros à travers lesquels nous pouvons nous identifier. 

Si on regarde ton ouvrage, on voit que tu as accordé le double de pages pour Batman que pour Superman. Une préférence personnelle ?

Oui, comme je l’ai dit précédemment, je désirais faire un livre uniquement sur le personnage de Batman. Mais l’annonce de sa confrontation avec Superman dans le film de Zack Snyder m’a convaincu de me pencher également sur l’Ange de Métropolis. J’ai appris à apprécier ce second personnage, mais je garde une préférence ultime pour Batman, dont la complexité me fascine toujours autant.

Question bonus : au final, tu en as pensé quoi de BvS et Suicide Squad ? 

Contrairement à beaucoup de monde, j’ai adoré ces deux films sortis en 2016. Ils comportent des imperfections, c’est certain, mais ils remplissent grandement les attentes que j’avais placées en eux. En outre, j’aime le fait que « Man of Steel », « BvS » et « Suicide Squad » soient reliés. Les évènements sont clairement exposés à chaque film, et cela facilite la compréhension du spectateur. Les goûts et les couleurs, ça ne se discute pas… mais je n’ai pas honte de dire que je les trouve déjà mythiques et je suis très impatient de voir ce que l’année 2017 nous réserve avec « Wonder Woman » et « Justice League ».