Review VF – Superman : Adieu, Kryptonite !

Les points positifs : Un récit décisif et important dans l’histoire de l’Homme d’Acier La narration à l’ancienne (priceless) Une belle réflexion sur le pouvoir et les responsabilités qui s’y adjoignent Les couvertures de Neal Adams Les points négatifs : Des éléments sci-fi ou fantastiques parfois un peu tirés par les cheveux

« Je n’ai jamais agi avec une telle confiance… En sachant que rien au monde ne peut me blesser. » – Superman.

• Scénario : Dennis O’Neil – Dessins : Curt Swan – Encrage : Murphy Anderson, Dick Giordano

• Urban Comics – DC Archives – Superman : Adieu, Kryptonite ! – 09 décembre 2016 – 192 pages – 17,50 € – Contient: Superman #233-238, #240-242

L’éditeur Urban Comics nous ressort un vrai trésors de la malle à comics de l’Âge de Bronze de DC Comics. Il s’agit de Superman : Adieu, Kryptonite ! Le récit, relativement court si on le compare à certains arcs rassemblés dans la même collection, est le premier que Dennis O’Neil (qui avait auparavant redynamisé le duo Green Lantern/Green Arrow – aussi disponible chez Urban dans la même collection) a produit sur le personnage de Superman. Entouré par une préface de Paul Levitz et une postface d’O’Neil himself qui mettent bien en lumière les décisions de ce dernier quant au personnage, il nous livre une histoire intéressante, aussi bien en terme de scénario qu’au niveau de son importance pour l’Homme d’Acier.

Superman tout-puissant, vraiment ?

Le pitch est le suivant : suite à une expérience scientifique qui a mal tourné (encore une), toute la kryptonite de la planète est transformée en acier. Cela rend de fait Superman invincible car, au fil de son évolution depuis sa création et au moment de la parution d’Adieu Kryptonite, le minéral radioactif vert (se déclinant aussi en d’autres couleurs, selon les besoins des scénaristes – dont c’était devenu une béquille) était la seule faiblesse du Grand Bleu. O’Neil a admis qu’il avait eu de la peine à envisager d’écrire un personnage qui peut jongler avec des planètes et détruire la notre en un battement de paupière. Et pourtant… il le rend invincible dans son arc. En réalité, c’est seulement pour mieux affaiblir Superman plus tard… et permettre de faire une réflexion sur le pouvoir absolu, sa corruption et ce qu’il se passerait si Clark Kent n’était pas l’homme généreux au grand cœur qu’il est devenu.

Au cours de l’histoire, Superman doit lutter contre une mystérieuse créature qui semble lui voler ses pouvoirs, mais aussi contre des ennemis hauts en couleur qui veulent tous profiter de la faiblesse momentanée du héros. Les éléments tirés de l’univers fantastique, merveilleux et même bibliques sont nombreux dans ce récit (à un moment, on cite même le livre de Cthulhu). En effet, l’Homme d’Acier doit se battre contre des anges et des démons (du moins, des personnages qui leur ressemble fortement), un personnage mystérieux ressemblant trait pour trait à Pan ou encore des fourmis géantes. Bref, même si les scènes hallucinatoires des années 1980 ne sont pas encore présentes (ce récit a été originellement publié au début des années 70), il y a déjà une bonne dose d’action improbable et, avec la narration caractéristique des comics old-school (bulles de pensées pour expliquer les choses, par exemple – ce qu’on n’utilise quasiment plus aujourd’hui), est parfaitement vintage et délicieux.

C’est finalement avec l’aide de Diana Prince et de son mentor Yi-King (à cette époque dans l’histoire de Wonder Woman, elle avait perdu ses pouvoirs et a pris pour mentor un mystique Chinois) que Superman retrouve sa force perdue… mais, à cause d’un coup à la tête, il débloque complètement et devient beaucoup trop confiant. Ce qui permet de faire remarquer au lecteur pourquoi un Superman surpuissant et ayant une confiance en lui-même sans limites serait dangereux pour tous. Heureusement, tout redevient normal mais le héros, s’il retrouve la tête, fait le choix de ne pas recouvrir l’entier de ses pouvoirs… car il a eu la même réflexion que nous.

Je trouve la manière dont O’Neil fait intervenir tous ces éléments dans son récit relativement subtile et surtout, cela ne nous empêche pas d’avoir de bonnes histoires de Superman à l’ancienne, avec rebondissements, blagues pourries jetées à la tête des méchants et évènements qui s’enchaînent sans que personne ne pose vraiment de questions.

Dessins classiques et dynamisme

Pour ce qui est de l’aspect visuel de la chose, les dessins de Curt Swan sont old-school mais d’un dynamise qu’on retrouve peu aujourd’hui. Les visages sont toujours soignés et réussis, les corps sont proportionnés (si on peut appeler le corps de culturiste de Superman proportionné – mais n’oublions pas qu’il n’est pas vraiment humain, même s’il se considère comme tel). Si O’Neil et Swan ont changé plusieurs choses au personnage (par exemple, Clark est désormais – et bien contre sa volonté – reporter TV et non pour la presse écrite, ou alors la romance entre Lois et Clark ne semble pas avoir cours sous la plume du scénariste) mais son costume et son look reste identique à celui de l’Âge d’Or.

La seule chose un peu dommage est la coloration (le ou vraisemblablement la coloriste – le métier était majoritairement féminin à l’époque, c’était même un des seuls métiers créatifs de l’industrie du comics ouvert aux femmes – est anonyme). Elle est apparemment faite – du moins, partiellement – avec l’aide de trames et a assez mal vieilli, ce qui ternirait presque les dessins. Mais encore, ce n’est pas le cas sur toutes les cases. Heureusement, l’encrage fin et précis d’Anderson nous permet de remarquer que le crayonné est de qualité et la coloration vieillotte ne gâche en rien la précision et le dynamisme de l’équipe Swan-Anderson. Le découpage est relativement classique. Les cases qui s’étendent dans toutes les directions viendront plus tard.

Les couvertures de Neal Adams (dont la réputation n’est pas à faire – il a aussi travaillé avec O’Neil sur Green Lantern/Green Arrow) sont aussi d’une qualité exceptionnelle, et leur coloration (apparemment faite à la main, cette fois) a mieux subi le passage des ans. Bien entendu, c’est très personnel, mais j’apprécie particulièrement la manière dont il dessine Superman.

En bref, c’est ce genre de comics qui m’ont rendue amoureuse de Superman. Donc, Superman : Adieu, Kryptonite ! est un must-have dans la collection de tout amateur du personnage. Et même si on n’est pas particulièrement fan de Superman, ce récit vaut la lecture – à moins de vraiment détester le style de l’Âge de Bronze, ce qui serait se priver de beaucoup de bonnes œuvres. Il est intéressant d’observer l’Homme d’Acier s’adapter aux situations dans lesquelles le met O’Neil, de le voir se faire les mêmes réflexions que nous sur ses pouvoirs et sur ce qu’ils impliquent. Alors qu’aujourd’hui, la puissance des héros et les risques qu’ils posent aux simples mortels sont toujours au cœur des comics, sur le papier comme à l’écran, Adieu Kryptonite est des plus actuels.