« NoOoOoOoOoO. » – Silas Stone
- Scénario : John Semper Jr. – Dessins : Paul Pelletier – Encrage : Sandra Hope, Tony Kordos – Couleurs : Guy Major – Couverture : Will Conrad, Ivan Nunes, Carlos D’Anda
- DC Comics – Cyborg : Rebirth #1 – 7 septembre 2016 – 32 pages – 2.99$
Depuis l’utilisation du personnage dans la Justice League de Johns au commencement des New 52, tout le monde se pose la question : Cyborg ? Pourquoi faire ? Projet de film inexplicable, premier essai en solo sous les crayons d’Ivan Reis, le héros mi-homme mi-machine interroge depuis quelques années le lectorat de DC incapable de comprendre l’insistance éditoriale de protéger et préserver l’existence de projets alloués à un personnage qui, en définitive, n’a jamais été particulièrement populaire sorti de son sérail initial parmi les Teen Titans. Le premier numéro de cette énième tentative n’apporte, malheureusement, pas d’éléments de réponse concret, et se borne à raconter encore une fois une histoire connue, sous une forme connue. Cyborg, un jeune homme défiguré, transformé par son père, qui affronte de vilaines machines – et maintenant, ce sera deux fois par mois.
En « bonne introduction » fidèle à la promesse de ces pré-numéros au sigle Rebirth (qu’on peut allègrement renommer « numéro #0 »), l’enjeu revient ici à présenter à ceux qui ne sauraient pas ou n’en auraient pas grand chose à faire le destin de Victor et Silas Stone, fils et père unis par la tragédie. Sur le fond de ce récit, le jeune homme emplafonne un adversaire cybernétique lambda qui dissimule en toute logique un plus gros gibier. Rien de nouveau sous le soleil : l’écriture de Semper n’abrite aucune nuance, et abuse même de dialogues convenus voire parfois grotesques, où s’éparpillent toutes les informations utiles à la compréhension et l’avancement de l’intrigue, sans espace dédié pour un propos développé. En dehors de la relation père-fils déjà vue, et apparemment inévitable aux yeux de l’éditeur.
C’est sans envie que se tournent les pages, malgré le joli travail de l’équipe graphique qui (couleurs mises à part) fait un boulot plus que correct pour une série qui aura au moins de quoi tenir aux dessins. Derrière, les scènes s’enchaînent sans subtilité, portées par une lourdeur de narration qui évoque les vieux numéros d’autrefois, avec la subtilité d’autrefois. Sorti d’une page de pré-conclusion où le père bienveillant interroge la condition nouvelle de son fils, mi-homme mi-machine et avatar du transhumanisme et de l’avenir possible d’une humanité assistée par la technologie (c’est succinct, mais peut-être que le scénariste gagnerait à creuser de ce coté là), l’arc prend la direction d’un affrontement logique contre un autre être à la croisée des genres. On devine une conclusion où le héros réalisera que son humanité est plus importante et gagnera à la fin, peut-être après que son père se soit fait tuer – enfin, le tableau est là, je vous laisse deviner les contours.
En somme c’est un nouveau point d’interrogation cybernétique que DC jette dans la marre de son Rebirth, après une première série venue polluer le DC You de sa grande inutilité (remarquez, il n’y a plus de notes pour comparer). Là où on peut très bien comprendre l’envie de Johns de changer (un peu) le roster classique de la Ligue il y a quelques années, on regrette que si ce scénariste là avait des choses à dire sur Cyborg, il aurait mieux valu lui filer la série plutôt que de continuer à l’entretenir vainement en attendant un film qui sera, on l’imagine, plus qu’un simple long-métrage dédié à Stone en solo. Ou alors, c’est pas gagné. Problème de causalité : parce que Johns en a fait un héros important sans jamais le justifier, DC doit continuer à faire semblant d’y croire, là où finalement la question se pose : qui a envie de lire du Cyborg en 2016, et qui va revenir deux fois par mois pour avoir la suite ?
Une réponse plus cynique à cette insistance serait à trouver du côté des quotas Hollywoodiens sur les personnes de couleurs. Imaginez. Depuis 2011, Johns avait déjà prévu le film Justice League et imaginait canoniser en amont la présence d’un héros noir dans ses rangs, sans chercher plus loin à justifier son utilité. Raisonnement cynique, mais appelez moi un théoricien du complot : je n’arrive pas à trouver d’autres explications à l’importance éditoriale de ce héros, qui reste à l’heure actuelle plus présent qu’une galerie de personnages encore absents des publications (comme Booster, Swamp Thing, Jonah Hex et compagnie). En dehors de ça, rien ne change en 2016, Cyborg reste pour l’instant dispensable et j’imagine mal le verdict final des six premiers numéros contredire cette affirmation. Heureusement, il reste Teen Titans Go!.
« Qui a envie de lire du Cyborg en 2016? »
Ben, moi. A condition que ce soit intéressant, comme pour toute série en fait (j’ai tenté la série DCYou, ai été déçu, vu les premiers retours sur celle-ci j’attendrai une autre approche sur le perso).
Par contre je ne comprends pas cette logique qui consiste à s’interroger sur le pourquoi d’une série accordée à tel ou tel personnage qui, visiblement, ne le *mérite* pas, ou peut-être moins que d’autres (logique qu’on retrouve PARTOUT sur les sites de comics d’ailleurs).
Si je ne dis pas de bêtise, le processus de lancement d’une série est le suivant : l’éditeur souhaite lancer une série sur un personnage ou groupe de personnages, demande à un ou plusieurs scénaristes s’ils ont un pitch à proposer, retient le pitch qui le botte et assemble alors une équipe créative. Ca a donné des résultats surprenants pour Vision et Squirrel Girl, alors que peu de gens auraient parié dessus. Je suppose d’ailleurs que les remarques à la con du style « bien sûûûûûûr, aucun rapport avec l’actualité cinématographique » ont fusé pour le premier, enfin résultat quelques mois plus tard DC sécurisait Tom King.
Du coup je ne trouve pas ça très constructif de raisonner en termes de mérite, de « mais qui ça intéresse de lire une série sur ____ ? » (notamment parce que la réponse est « t’en sais rien »). Avec le planning des prochains films DC et Marvel, il est facile de deviner certaines des intentions éditoriales, mais je trouve que ça serait plus pertinent de se demander quel type d’approche serait plus intéressant sur ce personnage (Oliver Sava de The AV Club proposait la suivante par exemple : https://twitter.com/OliverSava/status/773231438598594560) que si ce personnage devrait avoir sa série ou non.
Si je comprends tout à fait ton propos Cosmos et que je pense que cette vision devrait être plus souvent partagé, je me permets de me faire un peu l’avocat du diable (enfin de Corentin, mais c’est pareil). En effet, la question « qui ça intéresse de lire une série sur Cyborg? » doit se comprendre, il me semble comme une longue question qui serait « qui ça intéresse de lire une série sur Cyborg qui ne sera pas grandiloquente, qui tâchera de remettre en jeux les mêmes intrigues, les mêmes histoires, de rester canoniques et de rien bouger réellement ? »
En somme, tu as raison en disant que n’importe quel personnage peut être intéressant : ça dépend du scénariste. Mais certains disposent d’un background qui leurs permet une exploitation. Certes, écrire du « bon spider-man » par exemple peut être difficile, vu le niveau d’écritures de ceux qui sont passés dessus. Mais écrire « du mauvais spider-man », ça par contre c’est au moins aussi difficile. Le personnage a un tel univers à exploiter qu’il offre des vrais richesses.
Pour Cyborg, le scénariste est moins armé, ça doit lui laisser plus de liberté, mais ça amène aussi le risque d’avoir des histoires ultra classiques et ultra-bateaux.
Je ne développe pas plus tant il me semble évident que tu comprendra immédiatement ce que je veux dire d’une bien meilleure manière que je ne l’exprime actuellement.
Je me permets d’ajouter un élément vis-à-vis de Deathstroke, car on en parlait hier et je pense que tu dois implicitement faire référence à ça. Le cas Deathstroke est différent pour moi dans le sens où le personnage gagne en charisme par ses apparitions moins nombreuses et mystérieuses. Faire une série où les projecteurs sont braqués sur lui, c’est perdre ce charme. C’est, dans ce cas, très différent. Certains personnages séduisent les lecteurs par leur mystère, l’enlever est donc dommageable.
Ah, je ne faisais pas référence à notre discussion sur Deathstroke ^^ Mais c’est sans doute l’argument que j’aurais développé si les conditions avaient été plus propices (en terrasse y a du bruit notamment :p c’est plus difficile d’avoir une discussion posée, et puis en plus on n’est pas à l’écrit). Je comprends mieux ton argument à présent que tu parles de son mystère, cependant.
Pour revenir à Cyborg, je ne suis pas tout à fait d’accord concernant ta comparaison avec les autres personnages connus : les seconds couteaux ont moins d’éléments immédiats qui leur sont associés car moins d’histoires leur ont été consacrées, mais ils existent quand même dans un univers partagé très riche, donc les scénaristes ont potentiellement de quoi faire. Pour reprendre la comparaison avec Squirrel Girl au niveau « éléments existants » : dans sa série actuelle, il y a eu un arc où elle affrontait le Dr Doom et qui était un gros clin d’œil à la première apparition de l’héroïne, ses interactions avec Iron Man (le plus souvent dans les récaps de début de chapitre façon fil Twitter) découlent aussi de leur première rencontre et… c’est tout. Le reste, c’est l’utilisation des thèmes chers à l’auteur (Wikipédia, la programmation informatique, les relations saines…), la rencontre avec d’autres personnages plus ou moins connus mais qui ne lui ont jamais été associés directement (Galactus en premier gros ennemi par exemple, contre La Fille Aux Pouvoirs d’Écureuil: wtf?) et la création d’un supporting cast excellent (genre la coloc’ qui dessine des fanfics de Cat Thor). Et puis au fur et à mesure des arcs, la série continue de bâtir sur ce qu’elle a construit.
Du coup je ne vois pas de raison que ça ne puisse pas se produire pour Cyborg, c’est juste que personne n’a encore retrouvé LA bonne formule avec lui.
Oui, en même temps je m’attendais à avoir une réponse détournée du genre. Internet.
Bon, pour aller vite, et éviter la rhétorique mère de tous les débats stériles : si ça t’intéresse, avant d’écrire cette critique j’avais envie moi aussi de proposer des idées d’histoires Cyborg qu’il m’intéresserait de lire. Par exemple, j’adorerais voir le personnage s’immerger dans un monde virtuel organique, façon Le Voyage Fantastique, ou utiliser le royaume des Machines de Soule dans son Swamp Thing – en gros, mettre un peu d’imaginaire dans tout ça.
Mais je me suis rappelé que tu juges une série pour ce qu’elle est, et pas pour ce que tu espères qu’elle soit ou dans tout le potentiel inexploité que tu y trouves (autrement, j’aurais arrêté de lire Aquaman après Jeff Parker. D’ailleurs, j’aurais du). Derrière ce postulat étrangement pas si universel, la question que moi je pose c’est : est ce que cette série est bonne ? Or, la réponse est non. Donc lire du bon Cyborg, oui, dans l’absolu, tout le monde en aurait envie. On aurait probablement envie aussi qu’il n’y ait que des bonnes séries, mais ce n’est pas le cas dans les faits. A partir du moment où Cyborg est un personnage annexe à peine intéressant dans les séries Justice League, qu’il a déjà eu une première série solo’ mauvaise et que cette relance n’est pour l’instant pas meilleure, pardon de te choquer, mais à mon avis on peut commencer à se poser la question.
A plus forte raison devant l’insistance éditoriale. Là, je suis désolé mais tu ne réussiras pas à me convaincre que l’existence d’un (deuxième) titre Cyborg n’est pas un minimum justifiée par l’intérêt économique de sa présence prochaine sur les écrans de cinéma. Ce qui, d’une part, me gène (et ça ne concerne pas que lui), à partir du moment où un éditeur devrait mettre en avant les idées, et éventuellement, les personnages. Je n’ai pas de chiffres à te donner qui pourrait justifier ça, mais à mon sens il y a des personnages avec une fanbase plus importante qu’il serait important de ramener. Parce qu’il y a les bonnes histoires, et oui c’est supposé être valable pour tous, et il y a les bons personnages. Or, il y en a plein qui mériteraient une série dédiée, voire que les lecteurs réclament depuis longtemps. Perso’, je n’ai pas l’impression que qui que ce soit réclame du Cyborg, ou ait un manque particulier de Cyborg à combler. Mais apparemment, toi si, et c’est ça qui est bien.
En dehors de ça, cette étrange leçon me déplaît à partir du moment où j’ai adoré le DCYou justement pour les orientations bizarres ou nouvelles qu’il a su donner à DC – je pense à We Are Robin, une série que j’adore avec des héros inédits, ou à la tournure rock de Black Canary par exemple.
Mais inversement, je te retourne la constructivité de ta question. Si je comprends bien ton propos, tu veux du Cyborg à partir du moment où la série est bonne. Donc, en résumé, tu veux des bonnes séries. Ni plus ni moins. Donc ça n’a rien à voir avec ce personnage en particulier, et cette déclaration là peut aussi s’appliquer à (par exemple) Deathstroke, un personnage qui a lui aussi droit à des séries moyennes ou mauvaises depuis cinq ans du fait de sa popularité en animé et/ou jeu vidéo, voire maintenant au cinéma.
Bref, je reste sur mon avis qui est que Cyborg reste à l’heure actuelle un héros inintéressant (parce que jamais bien écrit), qui occupe une place que d’autres pourraient prendre pour de stupides intérêts économiques, et que plutôt que de jouer les avocats du « laissez leur une chance », critiquer ce genre de séries-marketing est aussi une manière de réclamer de bonnes histoires.
En résumé et pour le prendre par l’absurde, ce n’est pas parce que Cyborg pourrait être bien qu’on doit s’empêcher de dire que c’est nul et que tout le monde s’en fout.
Ah mais je ne te reproche pas de juger la série sur ce qu’elle est (au contraire, l’équipe créative me bottait pas spécialement, et si en plus c’est vraiment pas terrible, j’économise 3$ en n’achetant pas ce chapitre #1 et je passe à autre chose ^^). C’est le jugement porté sur l’intention derrière que je critique : bien sûr que la présence prochaine du perso dans les films fait partie des raisons pour lesquelles il a à nouveau droit à une série solo après l’échec de la précédente, mais bon avec le nombre de séries qui sortent en lien évident avec l’actu cinématographique (genre la pelletée de titres autour de la Suicide Squad, voire JL vs SSQ), à un moment le mentionner ça revient un peu à dire « l’eau ça mouille ».
Je viens de reregarder les crédits de la précédente série Cyborg, et on retrouve exactement les mêmes éditeurs pour la chapeauter : Harvey Richards et Brian Cunningham. Peut-être qu’il faudrait confier le titre à des éditeurs ayant une vision différente, qui feraient appel à d’autres créateurs par exemple ? C’est quand même curieux que David Walker ait fait des trucs appréciés chez Dynamite ou Marvel MAIS pas avec son seul passage chez DC.
Et puis ce qui me dérange avec ton argumentation c’est que tu parles d’abord de mettre les idées en avant, pour ensuite revenir sur la notion de mérite (les personnages qui mériteraient davantage une série, les fans de ces persos qui le mériteraient parce qu’ils sont plus nombreux etc.). Sans vouloir faire mon Woden, personne ne mérite rien. Sinon, dans une logique assez similaire, ça fait plus de 75 ans qu’on raconte des trucs sur Superman, qu’on le tue, qu’on le ressuscite, qu’on le reboote, qu’on le re-tue etc. Est-ce qu’il *mérite* d’avoir non pas une mais DEUX séries mensuelles en permanence ? Est-ce qu’on ne peut pas passer à autre chose maintenant ? Pour plein de héros en vue chez les Big Two, tout le monde trouve ça normal qu’ils aient des séries en permanence. Apparemment Flash et Green Lantern sous Venditti c’était pourri, leurs séries ont été relancées malgré tout. Mais ça n’a jamais été du fait d’idées qui auraient été mises en avant : tout le monde semble partir du principe qu’il *faut* une série Superman chez DC qui sort tous les mois quoi qu’il arrive, et on se précipite pour l’acheter sans se poser la question de la pureté des intentions éditoriales (et si l’éditeur fait la révolution dans son catalogue, ça donne le DCYou qui se vautre en termes de ventes). Je ne vois pas vraiment la différence avec Cyborg en fait. A la limite, l’influence des films sur un catalogue est évidente même pour un lecteur avec peu d’ancienneté, alors que le côté inamovible des personnages phares d’un éditeur est plus ancien et semble aller de soi, donc on est peut-être moins enclin à le remettre en question. Mais les deux sont des choix.
Je précise au passage que j’ai tenté Squirrel Girl et que je trouve ça bien bien naze =)
Ahlala, heureusement que t’as aimé Midnighter :p
Midnighter, c’était formidable ^^ mais je crois que j’ai bloqué à un moment donné sur les séries « déconne » de Marvel. J’aurais probablement du attaquer Squirrel Girl avant Gwenpool ou Spider-Gwen xD
Du point de vue de la Justice League, Cyborg a un rôle important.
Il facilite grandement les problème de veille, de transport et de hack informatique.
Après c’est vrai que pour l’instant la série solo a du mal trouver LA bonne idée.
J’aimerais beaucoup que cette série explore un monde imaginaire complètement délirant. Quelque chose qui serait propre à cette série et qui ne pourrait être nul part ailleurs.
Enfin bon j’essaie toujours de voir les bons côtés : je préfère lire une série Cyborg qu’une série Harley Quinn ^^
Mon dieu que c’était naze. Un robot affronte des robots, très fin.
J’ai pas trouvé ce numéro terrible non plus. En revanche, si la menace teasée à la toute fin n’est pas du flanc, ça peut vite gagner en potentiel ! Je vais quand même tenter les quelques prochains numéros pour voir comment ça évolue.