« Derrière ce masque se cache plus que de la chair. Derrière ce masque se cache un idéal, M. Creedy. Et… Les idéaux sont à l’épreuve des balles. » – V
- Réalisation : James McTeighe – Production : Joel Silver, Grant Hill, Lana & Lilly Wachoswki
- Scénario : Lana & Lilly Wachowski
- Acteurs : Hugo Weaving, Nathalie Portman, John Hurt, Stephen Rea, Stephen Fry
Haut les coeurs, valeureux vagabonds voyeurs, voguant au vent des velléités sans vergogne des vendeurs de revue, car voici venu le vrai, valable et véritable, V. Vitriol des vindicatifs vexés, mais preuve véritable de la valeur des versions vidéos de vos œuvres vénérées. Volume virtuose, colonne vertébrale d’un vestige virulent vanté par la vaste vox populi vieillissante, véhiculé par la vague du vieux continent, et non en vain, vu qu’il verra avec d’autres la venue du label Vertigo. Un veni vidi vicci au visionnage, mais invalide dans la vision de l’auteur, vis a vis duquel il n’est qu’un virus visqueux et vicié. Vindicte d’un vioc vociférant, ou vraie violation d’une version volée, visiblement trahie par le vice virtuel des grands vizirs du vinéma, vontre veux ve la vande vessinée ? (S’cusez, je me suis perdu en route). C’est ce que nous allons voir aujourd’hui, avec la critique du film V for Vendetta. Entrons dans le vif.
Un soir, alors qu’elle a rendez-vous avec son supérieur hiérarchique, une jeune anglaise du nom d’Evey est agressée par des homme de la milice d’état. Un individu masqué intervient. Il la sauve du danger, se présente au fil d’un long monologue et signe de deux traits une lettre sur une affiche placardée. C’est V. La jeune femme suit le mystérieux individu au sommet d’un toit, où il mime armé d’une baguette de chef d’orchestre une salle d’opéra. Les hauts-parleurs de la rue diffusent tout à coup l’ouverture 1812 de Tchaïkovsky, et le bâtiment du Old Baley explose dans un vaste feu d’artifice. C’est ainsi que s’ouvre l’adaptation de V for Vendetta, long-métrage de James McTeigue produit, écrit et pensé par les soeurs Wachowski, considérablement actualisé et modifié du comics original. Et, l’ensemble est quand même très bon.
V for Vendetta, en comics comme en film, retrace l’aventure d’un homme défiguré cherchant à se venger de ceux qui l’ont, autrefois, privé de liberté. L’oeuvre s’inspire grandement du Comte de Monte Christo d’Alexandre Dumas, référencé plusieurs fois, et du Fantôme de l’Opéra de Gaston Leroux, dans une moindre mesure. La société futuriste dépeinte reprend plusieurs éléments du 1984 d’Orwell et de l’iconographie du IIIème Reich. Si la BD est une réponse directe à la politique de Margaret Thatcher, et un brûlot anarchiste du « land of do-what-you-want » voulu par V, le film actualise le propos de Moore, pour universaliser la réponse à un pouvoir vacillant, mais également faire rentrer dans son présent la présidence de George Bush (symboliquement), l’instrumentalisation médiatique, la haine de certaines communautés (gays, musulmans) et, d’une certaine façon, l’industrie corporatiste avec la figure de pharmaco-légal.
Là où beaucoup de gens prêtent au Matrix des même Wachowski un propos politique sous-jacent, V for Vendetta est frontal, métaphore de la société du présent et de la passivité du peuple qui suit les dirigeants corrompus où suprématistes. La réponse donnée par le film est là-encore différente du comics, et résulte dans une union populaire symbolique, qui inspirera plus tard le mouvement Anonymous. La métaphore du pouvoir inquiète d’autant plus en cette période d’élections à venir, tant en Europe qu’aux Etats-Unis. A la manière d’un Transmetropolitan, les enseignements politiques de V sur la manipulation des masses, les liens entre pouvoir, médias et la passivité du peuple restent toujours aussi actuels, comme l’espoir de rébellion encore porté par certains. Voilà pour l’idéologie.
Derrière, le film est une réussite esthétique d’ensemble, sans être nécessairement la meilleure réalisation d’une adaptation de comics, voire plus généralement. James McTeigue officie à la caméra avec les meilleures intentions, quoi que certaines scènes manquent de prise avec le réel (la première, sur le toit) ou, au contraire, portent un aspect générique presque télévisuel et dépouillé qui manque souvent de corps. Le réalisateur alterne entre cette platitude du quotidien, qui nous ramène au parti-pris réalise de ce futur qui n’en a que le nom, pour impliquer dans son message. Choix soutenu par certaines images du peuple en révolte, filmés comme des émeutes diffusées au journal TV. Ces choix contrastent par certains moments d’étrange – comme la scène finale des couteaux de V, nourris d’effets techniques douteux inspirés du bullet-time de Matrix. Rien de choquant, mais un déséquilibre pas aussi réussi que prévu.
En terme de réalisation, le film a quelques moments de bravoure. Les scènes du conseil politique restreint, en hommage à 1984, sont toujours réussies, l’idée dystopique maîtrisée. L’ouverture qui superpose Evey et V en train de se préparer, en miroir – les meilleurs moments restent bien entendus ceux du personnage central, fantomatique ou théâtral comme une figure d’opéra. Elégant, mystérieux ou précis dans sa façon de se mouvoir, le personnage est en décalage avec le reste du film. Mais, parce qu’Hugo Weaving le dote d’une certaine charge poétique, ou parce que l’écriture des Wachowski en font un idéaliste moins absolu que la version de Moore (moins nuancé et plus totalitaire), cet Edmond Dantès moderne porte toute la charge symbolique du film. D’abord terroriste, puis héros vengeur, avant de devenir un symbole et un idéal à travers le pays. Une critique souvent entendue concerne la torture que subit Nathalie Portman, qui là encore s’explique sans doute mieux dans la BD (où elle reste présente, et pas spécialement nuancée).
Sans passer des heures à détailler chaque élément, V for Vendetta est une réussite d’ensemble. Si le film ne brille pas d’une folie de mise en scène, et prend parfois des allures de feuilleton policier, son propos et son écriture font du bien dans l’écosystème du comic book movie (ou du cinéma en général). Avec un héros passionné de culture, d’art, de musique et de cinéma, dont les discours apolitiques passent comme un quatrième mur adressé au spectateur, un ajout de propos sur la condamnation des gays en dictature ou du bannissement du coran dans la société anglaise, la transition du personnage de Nathalie Portman, qui passe d’une jeune fille de 16 ans dans le comics prête à se prostituer pour gagner sa vie à une figure de jeune femme proche des classes moyennes cible plus vaste (là encore, ces choix sont contestables) et enrobe le propos dans une posture plus actuelle et moins anarchiste que l’oeuvre d’origine. D’aucuns préféreront lire, d’autres voir. Mais V constitue, comme Watchmen, une actualisation intelligente de la BD sans sacrifier au génie de son auteur, qui grogne dans sa tanière en repensant à From Hell et La Ligue des Gentlemen.
En terme d’acteurs, tous sont à peu près bons. Nathalie Portman s’efface un peu, avec sa sobriété habituelle, plus fragile puis plus endurcie et émancipée. Stephen Fry est brillant, John Hurt joue aux dictateurs – l’ensemble humain du casting est assez réduit, et se focalise surtout sur l’inspecteur Finch d’un côté et sur l’aventure d‘Evey et sa relation à V de l’autre. Quelques jolies scènes éclosent çà et là, comme l’assassinat du Dr. Surridge ou la découverte des trésors de Gordon. La musique est quant à elle plus anecdotique, exception faite des deux passages de Tchaïkovski. Lle montage est très bon, et accélère sur la fin pour réussir à capter l’énergie de la révolte populaire en unifiant l’ensemble des figures dans le tout du grand final. Voilà !
V for Vendetta. Mais au fait, pourquoi ? Si le titre donne la réponse d’emblée au V, patronyme adopté par le héros. Le V de la vengeance, aussi le chiffre cinq en latin, numéro de la cellule où il était enfermé, et jour du mois de novembre où Guy Fawkes a tenté de faire sauter le parlement. C’est ce jour qu’est arrivé son accident, et celui où les britanniques brûlent traditionnellement l’image du révolutionnaire – voilà, en exemple, le genre de couches d’écriture qu’Alan Moore met dans ses récits. Depuis les monstres de Watchmen à la signature de V, un symbole anarchiste renversé. Les Wachowski sauvent du monument qu’aura été le comics V for Vendetta toute sa charge politique, en y ajoutant un peu de moderne et un réalisateur. Si celui-là n’est pas le génie que l’oeuvre aurait mérité, il ne démérite pas dans sa mise en scène générale pour livrer un film qui pourra d’autant mieux faire découvrir la BD à un lectorat moins informé. Citons Hugo Weaving, citons quelques grandes phrases, un message et un impact culturel certain et un film encore actuel dix ans plus tard – voilà V for Vendetta, et une seconde preuve de la qualité à trouver dans de bonnes adaptations. Celles qui comprennent, respectent, et adaptent (avec ce qu’il faut de changements) les grandes BD de notre medium.
Nathalie Portman’s Shaved Head en négatif… tu n’as
pas de goutpas de race…Si ça avait été Emilly Blunt t’aurais moins fait le malin.
Excellente review Corentin avec laquelle j’approuve tous les points. Je me demande par contre toujours ce que Moore reproche à cette adaptation.
Parce que pour une histoire très politique les cinéastes sont passés complètement à côté ?
Depuis La Ligue, Moore rejette en fait le concept même d’adaptation, estimant que ses histoires sont pensées pour un médium précis, le comics, et qu’on ne peut leur faire justice à travers un autre médium quel qu’il soit, et peu importe la qualité ou le soin apporté à l’adaptation. Pour lui, ces « adaptations » n’ont rien à voir avec son œuvre, il s’agit d’entité complètement distinctes. Pour V, Il prétend même d’ailleurs ne pas l’avoir vu.
Ses arguments sont que le régime n’est pas réellement supprématiste, que le portrait peint des fascistes n’est pas assez nuancé (dans le comics, les figures sont très différentes, beaucoup plus ambiguës), que V n’est pas un anarchiste et que le propos politique oppose davantage le neo-conservatisme au libéralisme (là, faut être dans sa tête pour comprendre ^^).
A part ça, comme Watchmen, perso je vois les deux comme complémentaires – le comics est plus dur, plus radical, et V y est assez différent. Mais comme dit Harle, Moore est surtout un vieux râleur qui refuse de voir ses projets adaptés en général, comme il refuse d’associer son nom aux majors depuis qu’il a quitté la maison.
mais si je ne me trompe pas, il refuse vraiment d’être associé aux projets et donc ne prend pas d’argent, c’est toujours mieux que d’encaisser un gros chèque pour quelques années après cracher sur les producteurs/le réalisateur. Au moins il est droit dans ses bottes
Ca, effectivement. Maintenant, faudrait surtout voir ce qu’il touche en terme de royalties comics. Parce qu’on ne va pas se mentir et prétendre que les ventes de V n’ont pas été influencées par le film, ou que des gens qui ne connaissaient pas Watchmen se seraient tournés vers le comics sans l’adaptation dédiée. Je me demande s’il a été jusqu’à refuser les royalties pour être raccord avec son désengagement de DC et Vertigo.
Pour Miracle Man en tout cas il a coupé les ponts…
http://1.bp.blogspot.com/-GGl7j3DPicA/UuU5_Ako2NI/AAAAAAAAo6w/IG9LkyceoMs/s1600/miracleman.png
Pour Vertigo, il détaille pas mal dans cet article http://www.seraphemera.org/seraphemera_books/AlanMoore_Page1.html. Pour résumer il touche un peu de thunes mais ne récupèrera les droits que si les ouvrages sont out of print, autant dire jamais
Du coup je me pose la question pourquoi avoir vendu les droits de ces bouquins si il voulait pas les voir adapter au cinéma ?
il peut pas bloquer, l’éditeur et le dessinateur ont aussi des droits
Frere wachowski pas soeurs. Un putain de chef doeuvre en tout cas, je connaissais pas l’oeuvre avec un bon petit parfum à la 1984, a te faire déprimer sauf que là sa se termine bien
Non, non, ce sont bien des soeurs maintenant :)