Review VO – Doctor Fate Vol. 1 : The Blood Price

Les points positifs: Une modernisation réussie du personnage Une relecture du mythe du super-héros C’est beau à en pleurer ! Les points négatifs: Risque de paraître redondant chez certains spécimens humains.

« Heal the World, Fate. » – Nabu

• Scénario : Paul Levitz – Dessin : Sonny Liew – Couleur : Lee Loughridge

• DC Comics – Doctor Fate Vol.1 : The Blood Price – 29 Mars 2016 – 176 pages – Prix 14.99$ – TP – Collectionne: Doctor Fate #1-7 et le DC SNEAK PEEK: DOCTOR FATE #1

Vous êtes certainement au courant désormais que s’il y a bien un titre que je défends corps et âme, et dont je trouve l’annulation complétement injuste, il s’agit bien sûr de Dr Fate. Sans jamais m’être intéressé aux retours de critiques ou autres avis généraux, cette série aura été un coup de cœur comme j’en ai rarement eu, et plus particulièrement vis à vis de sorties récentes. Ce premier volume regroupe le Sneak Peak de Convergence, et les sept premiers numéros de cette série scénarisée par Paul Levitz, un scénariste particulièrement connu pour son attachement à l’équipe Legion of Super-Heroes et par là même, à sa technique d’écriture un peu datée. Pour contre balancer ce préjugé, il est accompagné par Sonny Liew un jeune artiste particulièrement prometteur qui est passé de chez Marvel à Image pour atterrir sur ce titre.

Le personnage de Docteur Fate aura connu peu de succès et est resté « caché » depuis de nombreuses années. Il n’est jamais sorti de l’ombre si ce n’est dans la série Earth 2, dans un univers parallèle donc, qui ne nous a jamais laissé ne serait-ce qu’apercevoir le personnage depuis les New 52. DC You, ce « Relaunch » rectifie le tir et nous propose une toute nouvelle vision du personnage. Khalid Nassour, un jeune étudiant, se retrouve choisit par Nabu pour protéger et soigner la Terre du mal que provoque Anubis. Un pitch simple, mais qui se révèle plus complexe dans son traitement. On retrouvera souvent Khalid demandé à plusieurs endroits, essayant de gérer sa vie de famille, sa relation avec sa petite amie, son rôle d’étudiant et son nouveau rôle de super-héros, dont il doit encore apprendre et maitriser les pouvoirs qu’il doit acquérir par lui-même à l’aide du casque.

Une multitude de directions, chacune au potentiel très vaste, mais aussi aux grands risques de s’éloigner de ses propres pistes et de bâcler quelques aspects au profit de l’action. Puisqu’au final, un lecteur de comics, que demande-t-il de plus que des affrontements entre gentils et méchants ? C’est pas plus compliqué que ça les comics ? Et c’est ici que s’expose et s’impose l’expérience de Paul Levitz. Chacune de ses pistes est traité avec réalisme, puisqu’il s’agit d’un ton qu’il essaie de donner aux relations tournant autour de Khalid. Un ton qui ressemble fortement à ce que l’on peut trouver dans Invincible chez Image, dans l’approche et même le synopsis de base d’un jeune héros découvrant ses pouvoirs et essayant de gérer tant bien que mal ses problèmes, et relations de tout ordre. Similaire, mais pas identique. Khalid reste un jeune assez perdu, à qui l’on impose cette tâche de super-héros et qui va s’appliquer à la tâche, non pas comme une personne stupide, mais quelqu’un qui se sent impliqué dans ce qui se passe autour de lui, mais que seul lui voit. On assiste alors à l’accomplissement d’une mission menée par un jeune héros qui ne connait pas ses pouvoirs et doit s’entrainer de manière spirituelle. Un élément particulièrement intéressant qui se développe dans le second volume.

Dr. Fate trouve ici un côté géo-politique, menant à des réflexions d’actualité, sur la tolérance, sur la liberté, et par là même sur ce que sont les limites d’un héros. Quand doit-il agir ? Quel partie du peuple doit-il défendre ? Le peuple ou l’état ? Alors qu’un certain Frank Miller oppose deux héros ayant choisi l’un et l’autre, Paul Levitz laisse son personnage devant ce dilemme tendu. A peine héros, en ressent-il les pires désagréments. Avant d’en arriver là, et c’est, je pense, ce qui a pu gêner la plupart des lecteurs, Khalid se découvre en tant que jeune homme à peine sorti de l’adolescence, pour de suite se découvrir de nouveau en tant que héros, sans jamais en vouloir le titre. Et je pense bien que tout ce temps de découverte a pu sembler long à certains lecteurs, mais qu’une fois lu sous cette forme reliée, l’ensemble est moins difficile pour les lecteurs les plus allergiques au calme présent dans une bande dessinée.

Héros, oui. Mais l’on se retrouve à la fois loin du Doctor Fate mystique (du moins l’idée que l’on peut se faire d’une histoire classique de Doctor Fate) et loin d’un super-héros classique qui cherche à affronter la menace. Le personnage est dors et déjà face à une menace qui le dépasse, et si l’on ne craint pas pour sa vie dans l’idée du cliché du jeune héros qui se révèle être je ne sais quel élu, on devrait toujours s’inquiéter pour le personnage. Après tous ces clichés brisés par l’auteur, la maitrise des dialogues, des relations entre ses personnages, comment pourrait-il tomber si bas ? Et bien sachez qu’il ne tombe à aucun moment de ce volume, sans parler du reste de la série.

Sonny Liew est comment dire, un pur génie. En plus du fait que Paul Levitz joue avec l’aspect surréaliste et limite psycho avec un univers des dieux, l’instabilité du héros à porter le casque de Fate, Sonny Liew appuie fortement sur ces effets pour ajouter le dynamisme nécessaire au script de Levitz. Touché. Cet aspect graphique aux allures indés, correspond à une sorte de mélange des genres. L’on a cette impression de lire une bande dessinée franco-belge avec ce style à la fois un peu brouillon dans le crayonné mais très soigné dans la colorisation. Le tout donne donc ce sentiment de BD franco-belge dans les scènes de dialogues, et une sorte de retour à un comics très coloré et flashy dans les scènes d’action, qui donne un sentiment inédit. Une redécouverte des comics DC à travers ces pages. Comme si toute la volonté de DC You résidait entre ces pages qui délivrent cette brise recherchée et annoncée. Il est bon de savoir que Sonny Liew est chez DC, et que, même si Dr.Fate s’est vu annulé, l’un des gros points forts de la série réside encore dans la boîte à rêves.

Pour finir, Dr.Fate c’est juste génial. Je pense que je me répète, encore plus si vous écoutez les podcasts depuis un petit moment, mais je ne cesserai pas de le dire, encore et encore. Ce titre ne plait pas à tout le monde, on me l’a souvent dit, mais je ne peux que vous le conseiller, et vous demander d’au moins essayer. Le titre ne sera pas sauvé pour autant. Mais il n’est jamais trop tard pour lire un bon comics. Et alors que beaucoup reprochent, à DC comme à Marvel, de trop se focaliser sur une continuité, de ne pas laisser la place méritée aux auteurs, et leurs libertés, ce titre est comme un essai d’association entre les richesses de l’univers DC et le talent d’une équipe artistique libre, et qui plus est talentueuse, dans cet esprit indé que ces mêmes gens recherchent. Juste, une perle qui roule vers vous.