Showcase #99 – SUPERMAN’S GIRLFRIEND LOIS LANE #29

À l’occasion de la journée internationale des droits des femmes qui arrive tout bientôt (mardi prochain), les éminences grises de la rédaction ont décidé d’accorder à la série Superman’s Girlfriend, Lois Lane, une seconde chance après le choix d’un numéro dédié à la dernière St-Valentin. « Ce n’était pas un bon choix », s’écriait récemment Arno, entre deux bouchées d’une excellente flammekueche. « Loïs Lane est un personnage très important dans l’histoire de la femme et de la bande-dessinée Américaine. Il serait injuste de ne pas lui accorder cette place dans le showcase de cette célébration majeure, à l’heure de nos sociétés encore bien trop patriarcales », ajouta-t-il en me servant une assiette de délicieuses spaetzle. Débattant de philosophie et d’art contemporain autour d’une dizaine de schutzenbergers encore fraîches, mon rédacteur en chef préféré me remit alors sous scellé un exemplaire du numéro #29 de Superman’s Girlfriend, que j’emportais avec moi en quittant Strasbourg, saluant de la fenêtre de mon train les honnêtes fermiers de la région, encore occupés à violer leurs cousines entre deux meules de foin.

Une couverture plus tard et la lecture achevée, je crus entendre dans le lointain le rire satanique d’Arno et du Riddler, en me demandant pourquoi je continue de postuler à cette chronique, qui risque définitivement de saper toutes mes chances de travailler un jour pour le site Madmoizelle (j’aurais beaucoup apporté à leur page cuisine).

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Superman’s Girlfriend, Lois Lane #29 nous renvoie à nouveau à l’époque du silver age, une période difficile d’accès pour le lecteur moderne, assez obsolète dans la manière d’aborder l’écriture et la construction des histoires. Le genre qu’on retrouve dans les pages de l’époque a surtout pour lui une immense permissivité dans l’absurde, une narration ultra explicative et des choix de scénarios pour le moins aventureux. Comme présentée lors de la dernière chronique, la série Superman’s Girlfriend était l’occasion de suivre les aventures de Loïs en tant qu’héroïne, ce qui va à peu près coller avec ce qu’on qualifie de « série féministe » (surtout à l’époque). Le personnage était cependant traité comme un monstre d’ego et de maladresse, imbue d’elle même et obsédée par Superman au point de vouloir en permanence le piéger pour lui passer la bague au doigt. Généralement mise en échec, ses mésaventures avaient tendance à glorifier Clark, ce qui n’a pas eu l’air de déranger le lectorat de l’époque (le courrier des lecteurs est à ce titre éloquent).

Découpé en trois histoires, ce numéro s’ouvre quand un informateur du milieu prévient Loïs Lane d’un scoop potentiel. Ce soir, à un gala, un malfaiteur mystérieux a prévu de dérober des bijoux. « Dois-je informer Superman ? », se demande Loïs, après que le kryptonien lui a demandé de la prévenir en cas de danger. « Balivernes ! Je n’ai pas besoin de la protection de ce symbole phallique juste bon à procréer » s’écrie alors l’intrépide héroïne, qui oublie aussi de prévenir la police (ces sales gêneurs, qui luttent contre le crime et empêchent d’honnêtes voleurs de travailler correctement). Voilà le plan : pour se protéger, Loïs décide de se déguiser et d’infiltrer la fête pour capturer elle même le bandit, sous un alias de strip-teaseuse burlesque. C’est ainsi que Lorelei Larue (c’est à dire Loïs avec une perruque) pénètre en ces lieux mondains en quête du voleur, partant flâner sur le balcon afin d’être prise pour cible. Le bandit la surprend, l’héroïne le démasque et découvre son identité (oh ! Sac à papier !), ce à quoi le malfaiteur décide de remédier en la balançant dans le vide, parce que les pistolets, tu comprends, ça fait du bruit, et en plus, après, faut les recharger.

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Fort heureusement, Superman passait par là – dis donc, quel bol. Un peu plus, et hop. Haha, c’est dingue, quand même, ce genre de coïncidences. Hein ? – pour la sauver de justesse et arrêter la malfrat. Sans reconnaître Loïs, le héros en bleu tombe immédiatement sous le charme de « Lorelei » et l’invite à un dîner aux chandelles, ne cachant pas son attirance pour cette jeune femme à la perruque soyeuse. Jalouse de la popularité de son propre alter-ego, Loïs l’interroge sur les autres femmes de sa vie, à savoir elle-même et Lana Lang. Le goujat la décrit comme une peste, qui ne fait que le harceler et se mettre en danger, ce qui semble énerver l’héroïne, qui rumine en son for intérieur de saisissantes images de castrations enjouées. Le dîner tourne court, Loïs fumante de rage rentre chez elle après avoir salué Clark, qui dissimule dans les plis de son slip écarlate une formidable érection (« Tu sur-interprètes un petit détail dans le dessin », n’empêche, n’empêche…).

Jalouse d’elle-même, Loïs tente de dégoûter Clark de alter-ego, sans succès, jusqu’à ce que le kryptonien finisse par la demander en mariage. L’héroïne demande un temps de réflexion, face à la perspective de pouvoir enfin épouser l’homme de ses rêves, mais sous une identité mensongère. Elle accepte en définitive, et propose de planifier la cérémonie au lendemain à l’hôtel de ville. Arrivés sur place, les fiancés sont reçus par un juge afin de publier les bans. Celui-ci entame à haute voix la lecture de l’accord de noces QUAND SOUDAIN cet innocent figurant se transforme en Mr. Mxyzptlk – celui qui arrive à le prononcer du premier coup remporte… Cette superbe piñata ! –  qui était en fait le vilain de toute l’histoire, grâce à un astucieux deus ex machina (haha, et vous n’aviez rien vu venir ! C’est… Tout à fait normal). Le lutin malveillant révèle alors qu’il avait, au moment où Superman était intervenu pour sauver Loïs de sa chute, envoûté le héros afin de le dégoûter de la journaliste, et de le rendre fou de Lorelei. Une manière de prendre sa revanche sur Loïs, qui avait quelques jours plus tôt écrit un article défavorable à son sujet. Bon sang ! Mais c’est bien sûr. Tout est clair à présent.

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Sur ces entre faits, piégé par Loïs qui l’a contraint à dire son nom à l’envers (soit Kltpzyxm), le malicieux personnage est contraint à repartir dans sa dimension d’origine, avec la piñata. L’héroïne peut enfin révéler son identité à Clark qui aura en définitive été l’idiot de la farce. Cette fois, c’est bien elle qui a résolu l’affaire, démasqué le vilain et prouvé au lecteur sa capacité à se sortir seule du péril sans Superman, cette immonde paire de testicules rétrograde juste bon à ouvrir les pots de cornichons. Jusqu’ici, vous devez commencer à saisir l’a logique du choix de ce numéro, qui illustre de façon fort à-propos le combat quotidien des femmes pour l’équité, la reconnaissance, et ces moments de la vie où ton mec te prend pour une autre, à cause d’un demi-dieu d’une dimension parallèle (ne riez pas, ce fléau cause chaque année au moins deux divorces dans le monde). La série reprend sur une seconde histoire ensuite.

Au début de celle-ci, Loïs est l’intervenante principale d’un cours destiné aux jeunes journalistes, une occasion pour la première rédactrice du Daily Planet de partager sa grande expérience du terrain. Associant volontiers la collecte d’information au travail d’un détective sur une enquête, elle présente plusieurs cas à un parterre d’étudiants, au cours desquels elle évoque plusieurs situations périlleuses qu’elle a elle même rencontrés. Ces exemples la mettent en scène ligotée, en danger de mort, aux prises avec des hommes armés, une série de cas pratiques pas forcément utiles, pour ceux qui n’aspiraient qu’à un poste de pigiste chez Cuisine Actuelle (encore que, des fois, vous savez, la tapenade aux truffes… Une vraie saloperie), ils ont cependant le mérite de valider les ressources de Loïs comme héroïne forte et femme d’action établie.

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De l’autre côté de la ville, un certain Nick Roker, un truand reconnu, fomente d’assassiner la journaliste qui prépare un article incriminant à son sujet. Deux de ses hommes s’infiltrent dans le parterre d’étudiants, mais Loïs les démasque par un mélange d’adresse et de déduction. Avec l’aide de Superman, elle fait ainsi tomber toute l’opération de Roker, bouclant le deuxième récit de ce numéro sur une bonne note : une autre illustration intelligente de la capacité de l’héroïne à tenir bon face à l’adversité, assez éloignée du cliché superficiel dépeint dans d’autres moments de la série.

« Pourquoi cette couverture dans ce cas, Corentin ? Simple argument marketing ? » l’idée n’est pas à écarter, mais l’euphorie sadique de la hiérarchie en charge de cette chronique serait alors difficile à expliquer. Cette couverture a bien à voir avec le dernier pan du numéro, qui repart aux sources « classiques » de Superman’s Girlfriend, dans un déroulé d’absurde et de n’importe. Cette dernière partie s’ouvre sur une journée banale au Daily Planet, avec un Clark Kent absent, et un Perry en panne de sujets à mettre en une du quotidien. Alors que les secrétaires se tassent devant la fenêtre, admirant les pirouettes de Krypto (le super-chien), qui dessine en lettres de fumée un « L » dans le ciel, Loïs propose à son rédac’ chef une idée de dossier de fond à réaliser. « Et si j’allais en ville embrasser autant de super-héros que possible, pour comparer mes impressions ? » suggère la reporter en mordillant de manière suggestive une innocente gomme de crayon. « Superbe ! Voilà une idée piquante, Loïs », s’écrie avec envie le brave Perry White, immédiatement séduit par cette forme avant-gardiste de clicbait. « A n’en pas douter, un dossier à pulitzer nous attend ». Satisfaite, l’héroïne rentre chez elle se mettre en conditions (en gros, elle se maquille et enfile un push-up), puis part arpenter les sentiers de Metropolis, lèvres au vent.

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Un intrigant défilé de héros commence. Sur la place publique, elle croise Green Arrow. D’une flèche, l’archer émérite fait voler en éclat son collier de perles par maladresse. « Juste ciel ! », scande la journaliste. « Pas d’inquiétudes », rétorque le héros, qui dégaine instantanément sa célèbre flèche aspirateur, outil indispensable de sa lutte quotidienne contre les criminels impitoyables Star City. Le collier remis à l’état neuf, Loïs profite du prétexte pour remercier d’un baiser langoureux l’archer vert (sous le regard de Lana, qui a grave les boules), puis continue sa route vers d’autres horizons.

Au port, elle rencontre un navire au bord du naufrage, et une cargaisons de passagers apeurés face au désastre en cours. Apparaît alors, rutilant sur une planche de surf colorée (non ?) le roi des Mers, Aquaman, qui vient au secours de la foule en panique grâce à son armée de poissons bienveillants contrôlés par l’esprit impérieux du héros d’Atlantide. Le comics n’explique pas pourquoi il est aussi capable contrôler les mammifères dauphins et baleines de son armada  (ce qui pourrait être intéressant compte tenue de – Oh mon dieu, ça veut dire qu’à Aquaman peut contrôler les humains ?). Fascinée par l’intervention providentielle du héros, Loïs le félicite par une nouvelle série de baisers (elle remarque au passage un léger goût de Curry), et la croisade solitaire de l’intrépide journaliste l’emmène sur d’autres chemins, tandis que Lana a toujours les boules. Elle finit par croiser la route de Batman, pour répéter et achever le cycle, avant d’enfin rentrer chez elle préparer ce qui sera, sans doute, le premier Top 5 Melty de l’histoire (avant-gardiste, je vous dis).

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C’est au bord d’une falaise que cet étrange scénario prend une autre tournure. Les trois héros se retrouvent, encore couverts du rouge à lèvres de Loïs, et discutent sur l’éventualité de partir sauver Clark, apparemment en danger. Tous trois s’essuient le visage avec un chiffon commun, souillé du maquillage de l’héroïne. Après cet acte singulier (qui se pratique apparemment toujours, dans certains clubs échangistes), Batman part amener le chiffon souillé à son ami kryptonien, qu’il trouve aux prises avec une bande d’extra-terrestres belliqueux, et pris au piège dans un enchevêtré de kryptonite verte. Le héros rattrape le tissu, s’en imprègne à son tour (à sa décharge, la mononucléose ne sera découverte que trois ans plus tard), et est subitement libéré de sa paralysie. Il peut alors vaincre ses ennemis et repartir en compagnie de Batman retrouver Arthur et Oliver sur la falaise, où Loïs l’attend elle aussi. Sacrebleu ! Qu’est ce que c’est que ce pataquès.

Faisant un débriefing accéléré à ses amis, Superman explique les détails de cette sordide et étonnante aventure, où l’étrange orgie buccale de papouilles prend un sens nouveau (« tu veux dire que c’était pour vendre des copies du numéros avec une cover racoleuse », chut, arrêtez, vous gâchez toute la magie). En réalité, dans le cas où Superman serait piégé par la kryptonite verte, son fidèle Krypto (le super-chien) devait avertir Loïs, qui détient dans son tube de rouge à lèvre un cristal de kryptonite rouge – le remède aux dangers du caillou toxique – et l’amener au héros. Se sentant espionnée par les adversaires du kryptonien, Loïs eut l’idée d’un subterfuge astucieux – « C’est du sarcasme ? », mais non, qu’est ce que vous allez chercher – pour réussir à passer indirectement à son grand amour la clé de sa guérison.

C’est ainsi que jaillit (le mot est faible) cette idée d’embrasser les autres héros de la Justice League capables de secourir Clark et de lui passer par quelques ricochets baveux le salutaire cosmétique channel, une métaphore plutôt intrigante de la MST qui passe de l’un à l’autre dans un groupe de copains (comment ça « l’esprit tordu » ? C’est pas moi qui l’ai écrit, ce foutu numéro). C’est sur cet inégalable facepalm scénaristique que le récit s’achève, dans l’amour et les retrouvailles de Superman et de sa dulcinée, prête à tous les sacrifices, sous le regard bienveillant de ses amis à qui il doit la vie. Une lecture pleine de philosophie, qui nous enseigne trois leçons importantes. D’abord, qu’aider ses amis, c’est important, ensuite que l’actualité de fond était déjà morte il y a cinquante ans, et enfin que c’est tout à fait autorisé de faire tourner votre copine à vos meilleurs potes, à partir du moment où c’est pour sauver votre propre vie (je vous laisse méditer là-dessus, histoire de voir les cas qui se présentent à vous).

En somme, une série pleine de sagesse, qui a transmis à la jeunesse des années ’60, architecte des décennies suivantes, tout un tas de valeurs et de bons enseignements (ce qui explique pas mal de choses sur les années ’70 et ’80, d’ailleurs, si on réfléchit bien).

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En conclusion de cette chronique, la rédaction souhaite à nos lectrices et lecteurs de célébrer comme il se doit la journée journée des droits des femmes (en avance, oui, y a pas de raisons), en n’oubliant pas non plus qu’il y a aussi des bonnes séries de DC Comics qui traitent peut-être un peu mieux du sujet. Dans les autres combats à mener, espérons tous ensemble que les citoyens d’Alsace et de Suisse guériront un jour de ce terrible fléau mésestimé et pernicieux qu’on appelle le second degré (ce qui n’a l’air de rien, comme ça, et puis un matin, on se réveille avec une vache assassinée dans des circonstances étranges…). En attendant, Superman’s Girlfriend s’arrête là, on se donne rendez-vous pour un prochain showcase événementiel, sans doute dédié à la journée mondiale contre l’obésité (je découvre le programme en direct : « focus sur le crossover DC/KFC ». Mh. Le combat risque d’être long).

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Corentin

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Ares
Invité
Ares
8 années il y a

J’ai bien ri :’)

Lerhak
Lerhak
8 années il y a

Je tiens à dire que j’ai trouvé ça bien marrant aussi, surtout Lois qui embrasse tous les mecs pour transmettre l’antidote à Superman :D

SuperAudy
8 années il y a

J’adore l’image que tu as d’Arno… tkt je te pistonnerai pour Madmoizelle :p

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