Review VF – Django Unchained

[Preview VF] Django Unchained
[Preview VF] Django Unchained
Les points positifs :
  • Un excellent western
  • Les planches de R.M. Guera
  • Quelques différences avec le film
Les points négatifs :
  • Inégalité graphique totale
  • La traduction aplanit les dialogues
  • Moins-value par rapport au film

« Tu sais le surnom qu’ils te donneront ? La gâchette la plus rapide du Sud. » – Dr. Schultz


  • Scénario : Quentin Tarantino – Adaptation : Reginald Hudlin – Dessin : R.M. Guerra, Denys Cowan, Jason Latour, Danijel Zezelj.Colorisation : Giulia Brusco, Jose Villarubia – Encrage : John Floyd 
  • Vertigo Deluxe – Django Unchained – 24 Janvier 20114 – 272 pages – 22.50 €

La relation entre les comics et le cinéma ne date pas d’hier. Souvent employée par les éditeurs du septième art en vue de maximisations de profits, la bande-dessinée a longtemps adapté en deux dimensions les long-métrages grandement distribués, ce depuis bien avant l’apparition des logiques transmédias. Aujourd’hui, si de nombreux films ont un pendant comics visant à étendre l’univers ou permettre les maintiens de copyrights, il arrive encore que des scripts de cinéma soient adaptés en bande-dessinée, presque sans altération. Le script original de Quentin Tarantino sur Django Unchained, ou celui de Frank Miller sur Robocop 2, émancipés de certaines contraintes propres à l’industrie Hollywoodienne, ont eu droit à leur version papier. Dans le cas du western spaghetti du réalisateur, celle-ci a été éditée par Vertigo Comics en parallèle de la promotion faite à l’époque par le studio Sony Pictures. Traduite et publiée en France par Urban Comics, cette version comporte quelques différences et ajouts vis à vis du rendu projeté dans les salles obscures, quoi que les deux restent sensiblement similaires.

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Django Unchained est l’apport de Tarantino au Monomythe, le voyage du héros de Joseph Campbell. On y retrouve un jeune anonyme, son voyage vers le statut de héros par l’enseignement d’un mentor, et toutes les péripéties propres à un format d’histoire souvent représenté au cinéma et en littérature. Le réalisateur puise dans l’inspiration de son récit un confluent d’influences, allant du récit de Siegfried, héros nordique du Nibelunglied, à la blaxploitation des années ’70 dans le cinéma de genre, en passant par son amour inconditionnel pour les westerns ultra violents de Sergio Leone et de l’iconographie du Sud Américain. Les références sont nombreuses, comme l’habitude veut chez Tarantino. Le choix d’appeler son héros « Django » est une référence à un autre western spaghetti de 1966, l’épouse de Django se nomme Brünehilde (interprétée en « Broomhilda » par le parlé sudiste) Von Schaft, un nom en hommage au héros éponyme de la culture Afro, et la représentation du héros (traité comme un jeune homme par son mentor, le Dr. Schultz) comme son aventure sont d’évidents clins d’oeil au Conte, avec la princesse, le chevalier, le Dragon et le Roi – Schultz est allemand, terre d’origine du mythe de Siegfried, et a pour prénom « King« . Dans le Nibelunglied, c’est le roi Burgonde Gunther qui guide et accompagne le héros. De même, Tarantino parodie cet imaginaire par un autre jeu sur les noms : le vilain de l’histoire est baptisé Calvin Candie, et son domaine, Candyland, « le pays des bonbons », un genre de paradis des enfants dans l’imaginaire anglophone.

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Par dessus cette aventure, Tarantino joue de ses codes habituels. Dialogues ciselés, gorgés d’humour et de répliques cinglantes, personnages haut en couleur, et la démesure de la violence qu’on lui reproche souvent. Aux Etats-Unis, Django Unchained a divisé une partie du public, qui reprochait au film de déformer, par le prisme du genre, le sérieux et l’horreur de l’esclavage. Raciste pour certains, étonnamment pertinent pour d’autres, il présente un noir qui part esclave et finit héros. Django vole la vedette à la figure emblématique du héros de western, le Man With No Name, blanc pas très bavard à la gâchette facile et redresseur de tort dans l’ouest sans lois. A l’image des héros de la blaxploitation, le film revendique le droit des noirs à être sur le haut de l’affiche, loin des réalités hollywoodiennes, et de l’hypocrisie des quotas. Présent tout au long du film, cette métaphore de l’affranchissement passe par des scènes très dures, telles que le massacre de D’Artagnan ou la scène du crâne (absente du comics d’ailleurs). Le réalisateur parodie le Klu Klux Klan (scène à la fois mémorable et anachronique, portée dans le film par Don Johnson et Jonah Hill), porte par dessus certaines scènes un hip-hop teinté de funk hors de propos, et, dans cette version du script, dépeint un Calvin Candie aussi méprisant envers ses hommes, « de pauvres idiots qui n’ont que la chance d’être du bon côté du fouet ». D’autres ont aussi accusé le film de s’amuser de la violence faite aux esclaves, ou de sympathiser avec le discours de Candie et de Stephen, un Oncle Tom radical hérité du roman d’Harriet Beecher Stowe, ou d’avoir laissé à un réalisateur blanc le droit de s’emparer du sujet.

Au-delà de ça, Django reste un excellent film, et un très bon comics. Artistiquement, se relayent R.M. Guera et Jason Latour (deux habitués des récits hard boiled avec Jason Aaron), Danijel Zezelj de Luna Park et Denys Cowan, l’un des fondateurs de l’imprint Milestone Media, réponse de la sphère comic books à la blaxploitation en son temps. Guerra livre les meilleures planches des quatre, porté par son trait caractéristique de Scalped, autre excellente série violente à revendication ethnique (publiée chez Urban), où on retrouve l’énergie et la beauté des paysages et des scènes de tuerie propres à l’artiste serbe. Cette transition en bande-dessinée est l’occasion d’un regard neuf sur les personnages, avec un King Schultz différent de l’interprétation rendue par Christoph Waltz dans le film, et quelques différences de rythme dans l’enchaînement des scènes. Sorties de là, les deux histoires se ressemblent, le comics n’étant vraiment différent que dans la conclusion donnée, plus proche du mythe de Siegfried (par le choix des armes), moins spectaculaire, mais davantage dans l’esprit western que le final « explosif » projeté en salles.

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Les vraies différences entre la bande-dessinée et le long-métrage sont de l’ordre de la grammaire visuelle. Tarantino, au delà de ses qualités de scénariste, reste un réalisateur. L’adaptation – honnête – proposée ici par Reginald Hudlin écrase les qualités stylistiques du film – on y perd une direction d’acteurs, un rythme dans l’enchaînement des plans et des dialogues, les zooms hérités par Tarantino du cinéma asiatique, et l’emploi de la bande sonore emblématique du réalisateur de Kill Bill. Tarantino est un bon scénariste, mais c’est d’abord un grand réalisateur. Ôtez lui sa caméra, il ne reste qu’un texte, bien écrit et bien dialogué, mais mis entre d’autres mains, n’aura pas la force et le génie de mise en scène de son auteur. Dès lors, Django est une bonne bande-dessinée, mais de laquelle on perd la qualité essentielle de celui qui l’a créée : celle d’un artiste de cinéma, qui emploie toutes les qualités du cinéma (acteurs, musique, montage, etc). Le problème est le même dans la traduction proposée par Urban : on ne retrouve pas la gouaille et l’argot de l’écriture Tarantino. Certains choix de traduction ne collent pas (lors de la première scène, Speck est supposé ne pas comprendre l’anglais « élevé » de Schultz, par exemple), et une version française intégrale annule les jeux de langues que le réalisateur met en place autour de Christoph Waltz. N’importe qui vous le dira : n’allez pas voir Inglorious Basterds en VF. Dans la même optique, préférez le film qui passe par plusieurs langues, plusieurs accents et plusieurs argots.

Sorti de là, ce Django Unchained reste un bel objet à posséder. Adressé aux fans de cinéma et de comics, cette édition du script original reste un complément agréable au film, pour les quelques différences qui le séparent de son rendu en salles, et les planches d’R.M. Guera. Remarquez que je pourrais faire appel à la raison, mais en général, je vous conseille plutôt d’acheter ce livre par égoïsme primaire de fans : Quentin Tarantino et Urban Comics ? Ne serait-ce que pour la réunion de deux entités que j’aime au-dessus de bien des choses, ce bouquin est un indispensable à posséder, que vous le lisiez ou non. Mais bon, difficile de remplir toute une review en partant de là, donc mettons que les points négatifs ne sont là que pour remplir du blanc.

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Corentin

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DJekkil
DJekkil
8 années il y a

A quand la review Transmet 5 et Northlanders 3 ? :)

pacclerouge
pacclerouge
8 années il y a

Un point de détail, mais Guera ne prend qu’un « r ». Sinon je te rejoins sur l’essentiel. D’habitude je freine pour les adaptations ou les « univers étendus », mais l’équipe créatrice a traité le projet avec un grand sérieux. Du coup, tu as un western efficace et un très bon one-shot à l’heure où les séries à rallonge sont légions.

pacclerouge
pacclerouge
8 années il y a
Répondre à  Corentin

De nada. Sans vouloir faire le chiant sur un point de ta critique, je me garderais de faire de l’homme sans nom LA figure emblématique du western. Il est devenu une des plus plus grandes icônes, mais il ne fait pas oublier que la trilogie de Leone arrive après quatre bonnes décennies de western où les Ford, Huston et autres Peckinpah ont bien installé les codes et les mythes du genre. Pour les vieux puristes, le western spaghetti est au western ce que le bop est au swing, à savoir une hérésie décadente. Ces westerns de la première heure ont d’ailleurs installé la figure du Shérif, qui lui est redresseur de torts, défenseur de la veuve et de l’orphelin, etc… Si tu reprends les motivations de l’homme sans nom, elles sont avant tout pécuniaires. D’ailleurs il y a une évolution de l’importance de l’argent dans la trilogie de Leone, mais c’est un autre sujet.
Pour ma part la version de Django de Tarantino est dans la lignée de son cinéma post-moderne puisqu’il mêle la morale des origines à la posture (le style) introduite par les réalisateurs italiens pour construire une version inédite du western. En tout cas c’est la classe.

pacclerouge
pacclerouge
8 années il y a
Répondre à  Corentin

Ma culture n’est pas si grande en la matière, d’autant que les vieux westerns avec le Duke, Mitchum ou Grant ont tendance à m’emmerder. C’est juste que Leone, c’est quoi ? 5 westerns dont la trilogie avec Eastwood, donc si tu ramènes ça aux centaines de westerns… Mais la postérité de Leone est sans commune mesure, c’est certain. L’influence de Leone sur Tarentino est effectivement énorme. Il le cite dans quasiment tous ses films (pas seulement sur les codes du genre mais surtout dans sa manière de cadrer certains visages). Les bonus de Once Upon in America sont très instructifs sur sa relation à Leone.
Maintenant regarde le comportement du héros dans la trilogie de l’homme sans nom, il n’y a pas vraiment de comportement héroïque. C’est un mercenaire dans Une poignée de dollars, il se mesure à Lee Van Cleef dans Et pour quelques dollars de plus, et dans le Bon, la Brute et le Truand, le vrai héros c’est Tuco (personnage préféré de Leone d’ailleurs). Dans ce dernier film, c’est assez évident que l’homme sans nom et Sentenza sont les deux polarités entre lesquelles Tuco (symbole de l’humanité) est balancé, mais ça en rend le personnage du Bon tout aussi inatteignable et incompréhensible que Sentenza. Django est beaucoup plus humanisé dans ce personnage. Evidemment on peut y trouver des ponts, des symboles communs, mais Tarantino a plus puisé dans le Corbucci que Leone. D’ailleurs l’acteur du Django originel, Franco Nero fait un petit guest sympatoche.
Mais je pense que justement la grande différence, c’est la relation mentor/disciple que tu mets en valeur de fort belle manière, qui elle permet d’introduire la transmission des valeurs, une dimension morale des rapports humains, bref tu comprends l’idée. Ce type de relation n’est pas une structure leonienne, mais tient soit au monomythe de Campbell, soit (mais c’est lié) à pas mal de films de king fu, là encore une grosse source d’inspiration pour Tarantino. Tu vois le maelstrom de références qui sont ingurgitées (perso la saga de Siegfried m’avait totalement échappé) pour en sortir une putain d’oeuvre originale.
Ah et un dernier point sur l’Homme des Hautes Plaines, qui est un autre film que j’adore. Il a aussi servi à Eastwood à casser son image. Si tu reprends les 5 premières minutes du film, il se pointe, tue un mec, viole une nana, démet le maire de ses fonctions et fait du freak du coin son adjoint. J’ai interprété ça comme la démystification de sa propre image qu’il s’était construite dans la trilogie de l’Homme Sans Nom. Une entreprise qu’il achève avec Impitoyable. Seule la dernière réplique du film (et encore, la VO et moins explicite que la VF) te permet de comprendre ses motivations et pourquoi il s’est comporté comme un connard pendant l’essentiel du film.
Désolé du HS. Encore une fois c’est un point de détail dans ta (très bonne) critique.

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