Review VF – Warren Ellis présente Hellblazer

Les points positifs : Une ambiance glauque à souhait ! Pas de recours abusif au surnaturel. Les points négatifs : Ne donne pas vraiment envie de visiter Londres. Une ambiance dépressive qui peut rebuter.

« L’enfer, c’est les autres. » – Jean-Paul Sartre

• Scénario : Warren Ellis – Dessin : John Higgins, Frank Teran, Timothy Bradstreet, Javier Pulido, James Romberger, Marcelo Frusin, Phil Jimenez – Couleur : James Sinclair, Grant Goleash

• Warren Ellis présente Hellblazer – 16 octobre 2015 – 272 pages – 22,50 € – Vertigo Signatures

Vous êtes sous anti-dépresseur, ou avez des antécédents de dépression, alors passez votre chemin, car ce livre est une plongée dans le Londres des bas fonds, où des prostituées côtoient des junkies et des magiciens. Alors si il est très compliqué de définir les pouvoirs de Constantine après cette lecture, de son propre aveu sa spécialité consiste en jaillir de l’obscurité en demandant : « Ça va, mon gars ? ». On est très loin du Constantine DC Comics (New 52 si vous préférez) avec des sorts « désespérés qui risquent de lui coûter la vie » qui en mettent plein les yeux , ici on est dans l’intime.

L’histoire principale (Hellblazer: Haunted #134-139) met en scène un John Constantine qui apprend qu’une de ses ex a été tuée dans d’atroces circonstances (on peut parler de massacre), il en vient même à croiser son fantôme dans la rue. Ex est un bien grand mot puisque l’on apprend qu’elle est plus proche d’un coup d’un soir que d’une petite amie. Mais comme lui dit quelqu’un, il cherche visiblement une excuse pour se mette en colère. Celle-ci après l’avoir rencontrée et couché avec, semble avoir fait une descente aux enfers et s’être enamourée d’un homme qui l’a faite tomber dans la drogue et la prostitution. Constantine flaire la présence d’un magicien et va remuer ciel et terre (voire un bon paquet de merde) pour faire payer ce salopard.

S’ensuit une enquête dans le Londres qui pue, où la misère sociale est exposée au grand jour (avec quelques pensées bien senties sur la politique de Thatcher ou même sur les Travaillistes au pouvoir au moment de la publication), Londres où le magicien Anglais va faire jouer ses relations (parfois (souvent) très étranges) pour retrouver la piste de sa proie et il va lui en cuire…

Cette histoire prend au tripe, fout la nausée parfois, mais passionne. Ici le magicien n’utilise pas d’effet de manche, juste une enquête où le paranormal n’intervient quasiment pas, juste un homme face à un autre. Dans l’introduction, il nous est expliqué que Warren Ellis pense que le mal n’est pas l’oeuvre de démons ou de monstres, mais bel et bien d’hommes fait de chair et de sang, et cette histoire (ainsi que les suivantes) en sont des illustrations parfaites.

John Higgins illustre parfaitement cette histoire avec un trait précis, détaillé, mais extrêmement glauque. Les couleurs de James Sinclair dans des teintes délavées et pisseuses participent à cette ambiance crasseuse à souhait.

S’ensuivent alors cinq histoires oscillants entre ironie, gore et franchement glauque. L’une raconte l’intervention de Constantine dans une chambre qui semble maudite et pousse les gens à tuer. Encore une fois la vérité est plus éloignée du surnaturelle que prévu. Cette histoire vraiment gore est dessinée par Frank Teran qui malgré un trait un peu brouillon, rend parfaitement l’atmosphère angoissante de ce huis clos.

Puis une histoire vraiment folle sur le berceau de l’Antéchrist avec un dénouement inattendu que je ne voudrait gâcher pour rien au monde. Ainsi qu’une histoire sur la fin de vie d’un médecin Japonais qui voudrait expier ses péchés. Et une sur un journaliste qui voudrait tout connaitre sur le monde de la magie, il choisit d’interroger le mage Anglais, qui déballe tout ce qu’il sait ! Cette dernière histoire se démarque par son ton, franchement ironique, qui change du reste de l’ouvrage.

Mais l’histoire la plus forte se situe à la fin du volume, c’est Shoot (Tire en VF). Une histoire inédite en single, censurée suite à la tragédie de Columbine. Et on peut comprendre pourquoi, non seulement elle raconte une histoire de tuerie en série dans des écoles, mais la conclusion et le propos mettant en cause l’American Way Of Life auraient pu très mal passer ! Il en reste une histoire très forte et qui tape vraiment très juste avec une conclusion flippante et engagée politiquement. Probablement l’une des meilleures du livre. Une perle.

Timothy Bradstreet, Javier Pulido, James Romberger, Marcelo Frusin et Phil Jimenez qui illustrent chacun de ces chapitres s’en sortent merveilleusement avec l’ambiance, malgré des styles très différents. Difficile de vous résumer cela sans tomber dans un inventaire fastidieux, mais visuellement l’album vaut le coup d’œil.

Que vous dire de plus. Sinon qu’à titre personnel j’ai oscillé entre horreur, indignation, franche envie de vomir, fascination, jubilation et même rire. Autant de chose pour un album c’est beaucoup ! Et pour un coup d’essai personnel dans l’univers Hellblazer, je dois dire que John Constantine (le vrai de ce livre là et pas la contrefaçon qui oeuvre en ce moment chez DC Comics) m’a bluffé et que j’ai envie de lire ses aventures sous les plumes d’autres auteurs. J’ai souvent bien hésite à prendre le Garth Ennis présente…, mais il est fort probable qu’il prenne bientôt le chemin de chez moi. Franchement n’hésitez pas, c’est de la bonne came.