« La dernière ligne de publicité et la première ligne de la narration. »- Adam Hughes, à propos des couvertures de comics
- Texte : Louise Simonson – Couvertures : Un tas d’artistes
- URBAN BOOKS – Cover Girls : Les héroïnes de DC Comics – 22 mai 2015 – 224 pages – 29 €
De tous les éditeurs de comics américains, DC doit sans doute être celui qui recèle le plus d’icônes féminines mémorables. Wonder Woman tout d’abord, évidemment – la plus grande super-héroïne de tous les temps ! – mais aussi Supergirl, Catwoman, Harley Quinn, Batgirl, … Autant de personnages qui ont profondément marqué la culture populaire sous divers supports. Urban ne l’ignore pas, et met ces demoiselles en avant autant que possible. Ça avait commencé avec la parution des séries New 52 de Supergirl, Wonder Woman et Catwoman, la féline ayant également eu droit à une publication partielle du très bon run d’Ed Brubaker. Dans un registre moins évident, Urban avait également publié le run de Justin Gray et Jimmy Palmiotti sur Power Girl. Plus récemment enfin, les dames ont été mises à l’honneur dans le Gotham Girls de Paul Dini, enfin c’est un ouvrage de collection qui se penche sur les carrières de ces icônes intemporelles qu’on tient avec ce Cover Girls de Louise Simonson.
Louise Simonson est depuis longtemps dans le milieu des comics. En plus de ses passages sur les titres Detective Comics et Action Comics, elle est notamment connue pour avoir co-créé le personnage de Steel durant l’arc de La Mort de Superman (retrouvez la review du premier tome sous ce lien). Par ailleurs, elle est également la femme du grand Walter Simonson, connu pour ses runs historiques sur Thor chez Marvel ou Orion chez DC (qui vient d’être réédité intégralement dans un très bel omnibus).
Wonder Woman en premier lieu
Dans cet ouvrage de collection, elle se penche sur les personnages féminins de DC Comics à travers six angles : Wonder Woman, tout d’abord, évidemment, puis Lois Lane, l’inévitable collègue de Clark Kent, puis Supergirl, sous ses déclinaisons les plus diverses, passage sur les ‘Gotham Girls‘, où Catwoman et Batgirl tiennent une place importante, enfin un petit focus sur les femmes telles que le label Vertigo les a mises en avant, avant de conclure avec un chapitre fourre-tout (Nouvelle Génération), où elle parle, en vrac, des légionnaires féminines, de Zatanna ou de Mia Dearden.
Le volume est partagé entre des textes explicatifs retraçant l’histoire de l’éditeur, et entre des couvertures emblématiques éparpillée sur 75 ans de publication, format une sélection éclectique tantôt retro et amusante, tantôt stylisée avec modernité, songeons aux couvertures du fameux Adam Hughes. Chaque couverture est accompagnée d’une légende comprenant quelques détails techniques élémentaires sur le numéro dont elle est tirée, avec parfois quelques infos sur le récit qui s’y trouve – c’est particulièrement bienvenu lorsque les couvertures représentent une scène plutôt énigmatique, soulageant immédiatement la curiosité du lecteur.
Un contenu informatif plutôt maigre…
En revanche, un lecteur déjà familier à l’histoire de DC Comics, qui a été racontée et re-racontée à travers d’innombrables documentaires, n’apprendra pas grand-chose ici. De fait, si Louise Simonson considère des héroïnes comme son point de départ, elle est rapidement contrainte à s’en détacher pour traverser les habituelles anecdotes qui ont marqué l’éditeur. Ainsi, le chapitre sur Lois Lane parle en fait autant de Superman, repassant encore une fois sur les diverses déclinaisons du personnage sous tous les supports au fil du temps. De la création de Superman dans le premier numéro de Action Comics à la publication du sulfureux Seduction of the Innocent, pour embrayer avec la création du Comics Code Authority, et la manière dont ce climat a engendré l’agrandissement de la Bat-Family avec l’arrivée de Batwoman, tous ces événements ont un goût de déjà-vu. On aurait apprécié de trouver des anecdotes inédites, en s’en tenant à des généralités historiques souvent rabâchées Louise Simonson n’apprend pas grand-chose au fan hardcore que vous êtes peut-être.
Le contenu ‘littéraire’ de l’ouvrage est par conséquent un peu maigre. Dans la même idée, lorsque l’Américaine consacre un chapitre à une multitude d’héroïnes plutôt qu’à une seule, comme lorsqu’elle attaque Vertigo, elle se contente souvent de simplement mentionner le personnage et de raconter brièvement le plot de la série dans laquelle elle est apparue. Par exemple, pour 100 Bullets, tout ce qui se dit dessus c’est : ‘Série plusieurs fois récompensée, 100 Bullets est lancée 1999. Écrite par Brian Azzarello et dessinée par Eduardo Risso, elle raconte l’histoire de cent balles intraçables, offertes par le mystérieux Agent Graves, et leurs effets sur la vie des gens qui les utilisent, souvent pour assouvir une vengeance.‘ Et puis ça enchaîne avec The Authority. Non seulement ces généralités sont dénichables sur Wikipedia en deux secondes chrono, mais vous noterez en plus que le lien avec les femmes, pourtant sujettes de l’ouvrage, n’est pas explicite. Ça donne au texte un aspect énumératif, redondant et mécanique, pauvre en informations. Toujours chez Vertigo, on regrette que l’auteure s’attarde autant sur Death, apparue dans les pages de Sandman, pour ensuite ne pas dire un seul mot sur la charismatique Ragged Robin, qui est pourtant parmi les personnages principaux du monument de l’histoire de Vertigo que sont les Invisibles de Grant Morrison. S’attarder davantage sur cette série aurait été intéressant à de nombreux égards, puisque l’Écossais traitait avec une maturité inédite des thèmes du genre et de l’identité sexuelle ; dans le roster principal on compte en effet un travesti (Lord Fanny) ou encore une nana aux cheveux courts appelée ‘Boy‘ – et elle n’est pas lesbienne ! Pour conclure sur le contenu informatif, on déplorera finalement quelques fautes de français flagrantes, parfois bêtes (‘revenir à ses premières amoures‘ [sic !]).
…mais des couvertures époustouflantes
Mais même si on apprend pas grand-chose et qu’on s’ennuie parfois dans la partie textuelle, le gros point fort de ce Cover Girls est, vous vous en doutez, les couvertures elles-mêmes. On trouve rassemblés d’une part des classiques incontournables, comme les pochettes du Detective Comics #359 (première apparition de Batgirl) et du Crisis On Infinite Earths #7 (mort de Supergirl) ; et d’autre part des curiosités moins évidentes, reflétant les époques qui les ont accouchées, qu’il s’agisse de cette couverture follement amusante du Detective Comics #371 où on voit Batgirl dans l’impossibilité de prêter main forte à Batman parce qu’elle a filé son collant – ça aurait fait scandale en 2015 ! – ou du relookage de Wonder Woman lorsque Dennis O’Neil l’avait privée de ses pouvoirs. Sans surprise, nos yeux profitent des prouesses d’artistes de légende, citons en vrac Brian Bolland, Adam Hughes (qui signe d’ailleurs la préface de l’ouvrage), Jim Balent (à qui on doit une décennie de Catwoman fabuleuse dans les années nonante), Tim Sale, Alex Ross, James Jean, Jim Lee et bien d’autres encore. Le plaisir esthétique, qu’il soit retro ou moderne, est total, et compense les limites des commentaires un peu légers de Louise Simonson.
DC Cover Girls est un bel ouvrage de collection renfermant une sélection formidable de couvertures emblématiques, dessinées essentiellement par des artistes de génie. On sera moins convaincu par la partie textuelle, souvent contrainte à s’éloigner des demoiselles pour tomber dans des généralités historiques déjà évoquées des dizaines de fois dans une multitude de documentaires. On apprend pas grand-chose, mais au moins, c’est beau !
La review fait plutôt envie, je dois l’admettre ^^
A feuilleter à la Fnac en premier lieu, si c’est possible.
Me voilà dans le doute à la lecture de cette review. Je ne sais pas si je vais alléger compte bancaire en achetant cet ouvrage.