Top 10 (selon nous) #4 : titres Vertigo

Vous êtes maintenant habitués à nos tops 10 mensuels. Cette fois-ci, nous nous penchons sur les meilleurs titres du label adulte de DC Comics, à savoir Vertigo, créé en 1993 par la brillante Karen Berger, et qui présente également la particularité d’être dans une large mesure creator-owned. Comme l’a judicieusement fait remarquer Corentin, quelques titres de cette liste ont été publiés sous d’autres éditeurs avant d’être ramenés de force dans l’écurie Vertigo, comme Transmetropolitan, originellement publié chez Helix, ou Sandman, qui a démarré sous le simple sigle DC. Nous avons donc réduit notre critère à la seule condition que le titre dût avoir atterri chez Vertigo un jour ou l’autre pour être reçu dans ce top 10.

Comme d’ordinaire, nous lirons avec intérêt vos propres classements que nous vous invitions à mettre en commentaire !

10. We3 (Nou3)

Publication : 2004 (3 numéros)
Créateurs : Grant Morrison & Frank Quitely
Review : Deiimo

Grant Morrison est un de ces noms sur lesquels on bute rapidement en remontant l’histoire de Vertigo. Ramené chez DC Comics à l’initiative de la fondatrice de Vertigo Karen Berger, il y a écrit des histoires fantastiques dont nombreuses n’ont hélas pas réussi à se tailler une place dans ce peloton de tête, comme The Invisibles ou la Doom Patrol. La poésie de We3 a cependant touché suffisamment de personnes dans le staff pour lui permettre d’atterrir à cette dixième place.

Dans We3, on suit les courtes aventures de trois animaux ayant subi des expériences scientifiques pour les transformer en arme. Par bonheur, ce chien, ce chat et ce lapin parviennent à s’enfuir du complexe militaire où ils sont détenus et entament une sorte de remake amer de L’Incroyable Voyage où leur innocence et leur soif de liberté se heurtent à la perversion des humains. Le récit, quasiment dénué de dialogues, dénonce avec fermeté les maltraitances envers les animaux – un thème que Grant Morrison abordait déjà dans Animal Man – et repose autant sur le script de Grant Morrison que sur les planches fabuleuses de Frank Quitely, qui risque des compositions très audacieuses, d’une éloquence qui empêche la rareté des dialogues de devenir problématique. Un petit bijou.

9. Punk Rock Jesus

Publication : 2012-2013 (6 numéros)
Créateurs : Sean Murphy
Review : Harley Huntress

Notre top 10 est partagé entre des monuments de l’histoire de Vertigo et des titres plus récents dont nous gardons encore le goût réjouissant dans la bouche. Punk Rock Jesus est un de ceux-là. Entièrement réalisé par le dessinateur Sean Murphy, Punk Rock Jesus se déroule dans un futur proche, l’occasion, comme pour de nombreuses dystopies, de mieux pointer du doigt les travers de notre société actuelle. Ici c’est des déviances religieuses et de la télé-réalité que Sean Murphy se gausse avec amertume.

L’histoire suit un jeune dénommé Chris (comme Jésus ‘Chris’), prétendument un clone de Jésus-Christ, suivi par les caméras du monde entier depuis sa naissance. Confiné sur une île avec sa mère pour que leur quotidien puisse être dévoré des yeux par des milliers de téléspectateurs, Chris finit par en avoir plein le casque, la goutte faisant déborder le vase étant une petite mésaventure qui arrive à sa maman. Ni une, ni deux, il se lance dans le punk, et devient un prophète de l’anarchie, inversion de l’idéal auquel il  était destiné. En plus de proposer une galerie de personnages pour lesquels on se prend d’affection, Sean Murphy évite le piège du manichéisme et livre une œuvre à la fois subtile et émouvante.

8. Transmetropolitan

Publication : 1997-2002 (60 numéros)
Créateurs : Warren Ellis & Darick Robertson
Review : Zeppeli

Plus encore que Planetary, The Authority ou Stormwatch, c’est vraiment pour Transmetropolitan qu’on retient le nom de Warren Ellis. Comme dans Punk Rock Jesus, l’action se place dans un futur complètement taré, à l’image du héros de la série, Spider Jerusalem. Et comme dans Punk Rock Jesus, Warren Ellis en profite pour n’épargner aucun des travers de notre civilisation moderne. Seulement, à la différence de Punk Rock Jesus, le monde de Transmetropolitan est beaucoup plus étoffé, profitant d’un run conséquent de 60 numéros ! On trouve également dans Transmetropolitan un humour omniprésent très grinçant, qui fait de Transmetropolitan une satire drôle et maline.

Le héros, c’est Spider Jerusalem. Un journaliste et écrivain surdoué, contraint à sortir de son exil dans la montagne par un éditeur à qui il doit des bouquins, redescend donc dans une énorme mégapole sobrement appelée ‘The City‘. Et elle peut commencer à trembler, car Spider Jerusalem est à peine installé dans son nouvel appartement qu’il devient à peu près le dernier bastion de vérité dans un monde complètement à la ramasse.

7. Swamp Thing

Publication : 1982-1996 (178 numéros), 2000-2001 (20 numéros), 2004-2006 (29 numéros)
Créateurs : Len Wein & Bernie Wrightson (personnage)
Runs mémorables : Alan Moore
Review : ArnoKikoo

Même si avant, il y a eu un run de Len Wein non dénué de qualités ; même si après, il y a eu le nom d’auteurs de poids comme Neil Gaiman, Grant Morrison, Mark Millar ou Brian K. Vaughan ; Swamp Thing, c’est surtout le run de 44 numéros d’Alan Moore, un run si fantastique que même s’il ne se hisse ici qu’à la septième place, il fut considéré par les lecteurs de CBR comme le troisième meilleur run de tous les temps, tout éditeur confondu (on reviendra plus tard sur la première place). Si c’est rarement le premier titre Vertigo auquel on pense, c’est que le run d’Alan Moore fut de fait entièrement publié sous le label DC, puisqu’il s’acheva en 1987, plusieurs années avant la création de Vertigo.

Best-seller à l’époque, il engendra deux adaptations au cinéma peu mémorables, dont la première fut réalisée par le célèbre Wes Craven (La Dernière Maison sur la Gauche, Les Griffes de la Nuit), et même quelques jeux vidéos ayant sombré depuis dans l’oubli. L’aura du run de Moore fut telle que tous les scénaristes qui lui emboîtèrent le pas sur le titre, Scott Snyder y compris dans la déclinaison New 52 du personnage, ne parvinrent pas à sortir de son ombre pour tracer leur propre direction.

Sans être publié dans les grâces de Vertigo, le grand mérite d’Alan Moore fut de créé un des premiers comic books pour adultes, comme il le fit pour Watchmen, et ce qui motiva les éditeurs de DC Comics à rapatrier le run de Moore sous Vertigo lors de ses réimpressions futures. Abordant des thèmes comme le rejet de la différence, la nature humaine et ce qui la compose ou l’amour, tout en jouant avec les codes des comics – puisque Swamp Thing évoluait dans le même univers que Batman et Superman ! – Alan Moore dota son titre d’une subtilité à même d’être appréciée par un lecteur de 30, 40 ans, contribuant ainsi au vieillissement de l’âge moyen du lecteur de comic books. Un chef-d’œuvre incontournable, et la place relativement modeste qu’il occupe dans ce classement ne devrait pas freiner votre envie de le lire !

6. Animal Man

Publication : 1988-1995 (90 numéros)
Créateurs : Dave Wood & Carmine Infantino (personnage)
Runs mémorables : Grant Morrison, voire Peter Milligan

Animal Man fut l’un des premiers travaux de Grant Morrison pour DC Comics. Loin d’être cependant une ‘œuvre de jeunesse’, on y retrouve déjà cette inventivité renversante qui caractérise le bonhomme, et elle influença ici le monde des comics par la manière avec laquelle l’Écossais jouait justement avec les limites du format. On retient souvent Animal Man pour ses audaces méta-textuelles, mais c’est également un cri d’amour de la part de Grant Morrison pour l’univers DC puisqu’il reprenait les événements de Crisis On Infinite Earths pour en faire une sorte d’épilogue intelligent.

Mais Animal Man, c’est aussi l’histoire d’un super-héros peu conventionnel, Buddy Baker, dans la mesure où il a une famille, et qu’il se lève tous les matins pour déjeuner en sa compagnie avant de partir au boulot et de sauver des gens. Explorer cette nouvelle facette de la vie d’un super-héros était vraiment novateur à l’époque, et ça donnait au personnage principal une humanité inhabituelle et touchante. Par la suite, DC essaya de perpétuer le titre avec d’autres scénaristes, et si Peter Milligan, qui succéda directement à Grant Morrison, ne fut pas une mauvaise surprise, le titre s’abîma ensuite avec le travail catastrophique de Tom Veitch, à tel point qu’on peut vous dire que vous ne louperiez pas grand-chose en vous arrêtant à la conclusion particulièrement spectaculaire de Grant Morrison.

5. Fables

Publication : 2002-2015 (150 numéros, auxquels s’ajoutent des spin-offs et mini-séries)
Créateurs : Bill Willingham & Mark Buckingham
Review : Biggy

À ce jour, Fables est la publication de Vertigo encore en route qui a la plus longue longévité derrière elle, puisqu’elle a démarré en 2002, soit il y a treize ans ! On pourra voir dans cette durée de vie impressionnante un signe de qualité indéniable, qui engendra de nombreux spin-offs , un projet de portage à l’écran et même un jeu vidéo fantastique, The Wolf Among Us (le test du premier épisode par le camarade MFW), créé par le talentueux studio Telltale Games.  Il va sans dire que le monde créé par Bill Willingham et Mark Buckingham repose sur une idée fabuleuse : revisiter les personnages de conte dans un cadre moderne inédit. Excellemment documenté, les auteurs utilisent autant des incontournables des contes comme le Grand Méchant Loup (Bigby) que d’autres plus obscurs qu’on découvrira peut-être même dans Fables ! Leurs intrigues passent d’un style à l’autre, démarrant dans un polar à la Agatha Christie dans le premier arc avant de varier les ambiances, sans se départir d’un ton adulte qui ne recule pas devant le sexe.

Si Bigby est le premier personnage auquel on pense à l’évocation du mot ‘Fables‘ (c’est d’ailleurs lui qu’on incarne dans le jeu The Wolf Among Us), les auteurs disposent en réalité une énorme fourmilière de personnages dès les premiers numéros, et celle-ci sert de terreau à leurs intrigues sur de nombreux arcs, le temps qu’ils en explorent tous les tenants et aboutissants. Fables, plutôt qu’un héros charismatique, c’est un univers d’une richesse qui s’approfondit à chaque chapitre, et qu’on apprécie davantage tandis qu’on s’y enfonce.

4. Hellblazer

Publication : 1988-2013 (302 numéros, auxquels s’ajoutent des spin-offs et mini-séries)
Créateurs : Alan Moore, Stephen Bissette & John Totleben (personnage)
Runs mémorables : Garth Ennis, Jamie Delano voire Mike Carey, Brian Azzarello
Review : TheRiddler

Malgré Preacher, malgré Transmetropolitan, c’est sans doute Hellblazer qui a le plus marqué Vertigo, grâce à sa longévité formidable : plus de 300 numéros ! Hellblazer se distingue également de nombreux autres titres de Vertigo puisqu’il n’est pas directement lié à un auteur, comme le sont Fables, 100 Bullets ou d’autres, mais qu’il ressemble davantage aux autres titres réguliers publiés par DC Comics où les équipes créatives s’enchaînent sans posséder le droit des personnages qu’elles animent.

Dans Hellblazer, on suit les aventures du personnage de John Constantine. Type ambigu aux motifs toujours cachés créé dans les pages de Swamp Thing par Alan Moore, John Constantine est un spécialiste du paranormal cynique, négligé et foutrement charismatique. Le titre, lancé en grandes pompes par Jamie Delano, eut droit aux passages remarqués de Garth Ennis entre autres auteurs talentueux, et c’est le run de ce dernier qu’Urban a pris l’initiative de publier dans une série Vertigo Signatures intitulée Garth Ennis Présente Hellblazer.

Le succès de Hellblazer alla jusqu’à inspirer un film, avec le mono-expressif Keanu Reeves dans le rôle de John Constantine, puis, plus récemment, une série TV variablement appréciée avec Matt Ryan dans le rôle principal. Une manière de souligner l’importance de cette série incontournable de l’histoire de Vertigo.

3. American Vampire

Publication : 2010-2013 (34 numéros), 2014-… (auxquels s’ajoutent des spin-offs et des mini-séries)
Créateurs : Scott Snyder & Rafael Albuquerque
Review : Harley Huntress

Nous arrivons dans le top 3 de ce classement, et nous butons sur un titre étonnamment jeune par rapport aux séries bien installées qui figurent dans ce classement : American Vampire ! On est souvent prompts à maugréer que « Vertigo, quand même, ce n’est plus ce que c’était… » mais l’énorme succès d’American Vampire servira au mieux de contre-exemple, au pire d’exception à la règle, puisque les ventes attestent d’un enthousiasme certain pour ce titre écrit par le scénariste de Batman depuis le reboot des New 52.

Dans American Vampire, Scott Snyder nourrit un but double : tout d’abord raconter une histoire sérieuse de vampires, qui éloigne des visions édulcorées cette créature véhiculée dans certaines productions récentes pour pré-adolescentes qu’on ne mentionnera pas afin de ne heurter personne. Mais plus qu’une histoire de vampires, American Vampire c’est également un voyage à travers l’histoire des États-Unis, puisque Scott Snyder se sert de l’immortalité de ces personnages pour passer du western à la conquête spatiale en passant par les balbutiements de Las Vegas. Histoire de l’Amérique et de ses pionniers, avec des vampires en bonus, tout est dans le titre au fond : American Vampire.

2. Preacher

Publication : 1995-2000 (66 numéros, auxquels s’ajoutent des spin-offs et des mini-séries)
Créateurs : Garth Ennis & Steve Dillon
Review : Harley Huntress

En deuxième place de classement, Preacher ! Et que cette position honorable soit une preuve que derrière ses atours violents, gores, voire vulgaires, le titre de Garth Ennis cache de multiples qualités qui ont fait chavirer bon nombre d’entre nous au sein du staff.

Preacher, c’est l’histoire de Jesse Custer, un Texan devenu prêtre contre sa volonté qui, par un concours de circonstances un tout petit peu inhabituel, se retrouve affublé du pouvoir de faire plier n’importe qui à se volonté. Cette capacité qui n’est pas donnée au premier venu ne manque pas d’intéresser de nombreuses personnes animées de mauvaises intentions et les ennuis ne tardent pas à pleuvoir sur notre bon révérend. Celui-ci s’embarque alors dans un road-trip, marqué sous le signe de l’amour, grâce à sa copine Tulip, et de l’amitié, grâce à son bro Cassidy. Les deux aideront Custer à trouver les réponses aux questions qui le préoccupent, dans ce qui reste un des meilleurs travaux de Garth Ennis à ce jour, aux côtés de Hitman et de son run sur Hellblazer. On ne peut que se réjouir de la décision d’Urban de rééditer la série dans son intégralité.

1. Sandman

Publication : 1989-1996 (75 numéros, auxquels s’ajoutent des spin-offs et des mini-séries)
Créateur : Neil Gaiman
Review : Harley Huntress

Dans le classement des meilleurs runs de tous les temps, tout éditeur confondu, évoqué plus haut, le run de Alan Moore sur Swamp Thing se hissait à la troisième place. La première place, quant à elle, est occupée par le fabuleux Sandman, de Neil Gaiman. De notre côté, nous sommes parfaitement d’accord avec ce résultat éloquent, Neil Gaiman réalise des merveilles sur ce comic book où il a bâti toute une mythologie fantastique dans un univers onirique, riche en thèmes et en références.

Dans Sandman, on suit d’abord Morphée, Seigneur du Royaume des Rêves, retenu captif durant des années par un mage et désireux de retrouver ses terres lorsqu’il est finalement libéré. On découvre alors sa famille, les Infinis, au nombre desquels la Mort se distingue par un charisme exceptionnel. Puis l’univers de Sandman continue de se dérouler, comme un songe arpenté avec confiance durant près de sept ans qui a, autant qu’Alan Moore, contribué à donner ses lettres de noblesse au comic book. Un chef-d’œuvre !

En interne, Sandman rencontre un large consensus, décrochant les premières places de trois membres du staff (Baccano, MFW et moi-même), et n’apparaissant pas dans les classements de seulement quatre personnes ; American Vampire est le seul autre titre à finir plus d’une fois en tête de classement (chez Harley Huntress et ArnoKikoo). Dans l’ensemble, on constatait un enthousiasme certain pour Grant Morrison, puisqu’en plus d’Animal Man et We3, qui ont tout deux grimpé jusqu’à cette sélection, c’était le scénariste dont on trouvait le plus d’œuvres dans nos classements respectifs avec, entre autres, Flex Mentallo, Joe – L’Aventure Intérieure, The Invisibles ou encore la Doom Patrol.

Le prix de la dissidence revient conjointement à Corentin, Hyanda et ArnoKikoo, qui n’ont tous que quatre entrées en commun avec ce classement, tandis que MFW synthétise le mieux les espérances du staff, 100 Bullets étant la seule œuvre qu’il ait proposée et qui n’ait pas été retenue.

À vous maintenant ! Quels sont les titres Vertigo qui vous font le plus vibrer ?

Les autres tops :

• Super-héros mâles
• Sorties Urban 2014
• Super-héroïnes