Review VF – Shazam

Critique de Shazam - Geoff Johns
Les points négatifs :
  • De la retcon douloureuse
  • Un long showdown peu intéressant
  • Billy Batson insupportable…
Les points positifs :
  • …qui s’adoucit heureusement peu à peu
  • Une Marvel Family réinventée et mise en avant
  • Le style tendre de Gary Frank

« Je ne suis pas censé être Shazam, Freddy. » – Billy Batson (qui ne pouvait pas mieux dire)


  • Scénario : Geoff Johns – Dessin : Gary Frank – Couleur : Brad Anderson
  • DC RENAISSANCE – Shazam – 14 Novembre 2014 – 192 pages – 17.50€

Captain Marvel – ‘The World’s Mightiest Mortal’ – est probablement un des plus grands héros du roster de DC Comics, depuis qu’il eut rejoint l’éditeur dans les années ’70. En effet, avant de se ranger aux côtés de Batman et Superman, les aventures du Captain Marvel étaient éditées par feu l’éditeur Fawcett Comics, un ancien concurrent de DC Comics. Un concurrent d’ailleurs redoutable, puisque certains magazines mettant en scène le Captain Marvel s’écoulaient mieux à l’Âge d’Or que les aventures de Superman ! Mais hélas, Fawcett, et avec lui la Marvel Family, furent fauchés par le déclin des ventes de comics super-héroïques à la fin du Golden Age, écrasés par les comics de western, d’horreur et de pirates, ne laissant qu’une poignée de titres pour perpétuer le genre chez DC Comics. Et c’est à cet éditeur qu’on doit le retour du personnage dans les années ’70, lorsqu’il en récupéra les droits pour ressusciter le concept si original de ce super-héros.

Billy Batson, cet orphelin au cœur pur, si ?

Ce concept, quel est-il ? C’est l’histoire d’un orphelin au grand cœur, dénommé Billy Batson, âgé de dix ans, qui, lorsqu’il prononce le mot ‘Shazam !’, peut se transformer en super-héros pour combattre une galerie de vilains haute en couleurs et l’injustice du monde : le Captain Marvel ! Ah non pardonnez-moi, j’avais la mauvaise fiche sous les yeux : c’est l’histoire d’un sale ado arrogant et méprisant, âgé de quinze ans, qui peut crier ‘Shazam !’ lorsqu’il a besoin de thunes pour aller s’acheter des bières. Tout d’un coup un vilain débarque dans le quartier pour l’affronter, et alors c’est plus si cool d’être un super-héros alors Billy ben il redevient Billy Batson et se planque en attendant que les choses se calment.

New 52 oblige, il y a de la retcon à tous les coins de rue, et les amateurs du Captain Marv… euh de Shazam risqueront d’être sinon déçus, en tout cas surpris. Captain Marvel Shazam ? C’est quoi son nom en vrai ? Eh bien pour la petite histoire, lorsque DC avait récupéré les droits du personnage en 1972, son nom posait déjà un problème vis-à-vis de la concurrence qui avait lancé un personnage portant le même nom. DC avait le droit de continuer à publier les aventures de ‘son’ Captain Marvel, en revanche son nom n’avait pas le droit de figurer dans le titre de ses histoires, c’est pourquoi on peut trouver quarante-six déclinaisons de titres qui s’articulent autour des mots ‘hope’, ‘Shazam’, ‘power’, etc. En 2011, DC profita du reboot pour régler définitivement le problème en abandonnant le nom de Captain Marvel. Je sais pas vous, mais je trouve un peu triste.

Rassurez-vous, en fait c’est qu’il a du potentiel !

Je disais donc, de la retcon à tous les coins de rue. Ainsi ce n’est pas parce qu’il a un cœur pur que Billy Batson est choisi pour devenir un champion du bien, mais parce que le petit ‘a du potentiel‘ (sans dec, à ce niveau on pourrait tous devenir le Captain Marv.. euh Shazam). Billy Batson prend heureusement la peine de justifier avec beaucoup de subtilité cette petite différence : ‘Je vais te mettre au jus. T’as pas l’air de sortir souvent. Les gens sont nuls. Ils passent leur temps à te décevoir.’ Franchement, si même Billy Batson se met au cynisme de bas étage, on est mal barrés.

Dans une intention de rendre le personnage plus ‘cool’, Geoff Johns le vieillit de quelques années, et entreprend de s’imaginer l’attitude d’un ado standard si celui-ci se voyait soudain doté de pouvoirs fabuleux. On observe ainsi Billy Batson tenter de dévaliser un distributeur d’argent pour aller s’acheter des bières. Je déconne pas, c’est vraiment ça ! Mais, honnêtement, c’est encore assez rigolo, il y a un sentiment de liberté qui ressort de ce jeune capable de faire ce qui lui plaît, comme démolir la voiture d’un type qui lui voulait du mal (ça vous rappelle pas un film avec Henry Cavill ?). Ça fonctionne en vérité, à condition d’oublier tout ce qu’on connaissait de Billy Batson et de le prendre comme un nouveau personnage vierge.

Une Marvel Family recomposée

Ceci dit, Geoff Johns n’oublie pas COMPLÈTEMENT les fans de la vieille école (ce qui rend peut-être paradoxalement encore plus douloureux les écarts qu’il commet consciemment). Entre la place importante que prennent Mary Marvel ou Freddy Freeman et un caméo de Hoppy The Marvel Bunny, pas mal de ponts sont jetés vers la version pré-New 52 du Captain Marv… euh de Shazam. Il réintroduit ainsi Black Adam, c’était inévitable, mais n’oublie pas des vilains plus farfelus comme Dr. Sivana (sous une déclinaison peut-être plus sérieuse que celle à laquelle on est habitué), ou d’autres mentionnés rapidement comme Ibac ou Mister Mind. C’est avec le retour de ce dernier qu’on voit que Geoff Johns ne souhaite pas complètement couper les ponts avec le passé du personnage, tellement ce vilain – en gros, une chenille intelligente – se prête mal au ton des New 52. À voir ce qu’il compte en faire par la suite… si suite il y a !

Par ailleurs, si Billy Batson se comporte vraiment comme un gosse insupportable, au point qu’on désire juste lui donner une bonne paire de claques, le personnage s’adoucit peu à peu. Ce qu’il faut comprendre, c’est que son mauvais caractère n’est qu’une manière, particulièrement habile hein, de cacher ses blessures. Aha. On reste assez dubitatif face à l’explication in-universe, qui sert davantage à camoufler une intention de rendre le personnage plus bad-ass (cf un ‘Quelle bande d’abrutis !’ lancé totalement gratuitement à sa famille d’accueil). Au fond, entre un orphelin dont les malheurs n’ont pas altéré la bonté et le sens de la justice, et un orphelin devenu renfermé et capricieux suite aux mêmes malheurs, qui optera volontairement pour la deuxième version ? Peu à peu, Geoff Johns redessine cependant ce sens aigu de la justice propre au personnage, qui l’a amené par exemple dans le passé à prendre ses distances avec des décisions de la Justice League. Au final, Geoff Johns déconstruit le personnage pour reconstruire maladroitement ce qu’il était avant, mais dans l’opération il perd un peu de son essence et, forcément, de son charisme.

Back in Black (Adam)

Donc on a ce Billy Batson qui se transforme lentement en celui qu’on connaissait, tandis qu’en arrière-fond Geoff Johns développe les origines du personnage de Black Adam, tentant de souligner le statut d’anti-héros dans lequel s’était installé le personnage avant les New 52. Il le fait avec un classicisme efficace mais sans personnalité, dressant sans se fatiguer le portrait d’un personnage rendu malveillant par des années d’esclavage. Le danger est doublé par le rassemblement des sept péchés capitaux – incarnés ici en vilains baveux et très méchants plus ou moins interchangeables. Ces deux menaces permettent un long showdown qui s’établit à partir des deux tiers du tome pour emmener le lecteur jusqu’à la fin dans une longue série de coups pif paf et de voitures détruites. Pas grand-chose de bien original à ce niveau, mais ça tient son rôle popcorn, comme l’ensemble du tome au fond.

À leur décharge, ces back-ups profitent beaucoup du talent de Gary Frank, dont le trait très doux s’accorde assez bien avec l’idéal qu’on se ferait du personnage de Billy Batson. Son pinceau, trop rare, met merveilleusement en valeur les expressions des personnages, et suscite une empathie pour le héros principal que le scénario seul peine à nous communiquer. On le préfère toutefois dans des scènes calmes d’intérieur plutôt que dans les combats, où c’est toujours les mêmes éclairs bleutés qui viennent pimenter les coups donnés à droite à gauche.

Shazam résume au fond les défauts et les qualités des New 52 : on a une équipe artistique qui fait saliver sur le papier, mais qui choisit de s’écarter de ce qui a été fait avant, tout en essayant absurdement d’y revenir par des moyens détournés et en balançant des clins d’œil et des hommages. En somme, ça n’est qu’une histoire assez classique, une sorte de Shazam : Earth One qui réécrit les origines du personnage avec un regard plus ‘moderne’, et qu’on aurait encore plus appréciée si elle s’était cantonnée à un elseworld plutôt qu’en nouvelle version officielle du personnage.

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CaptainMuñoz
CaptainMuñoz
9 années il y a

Review parfaite. Il faut vraiment insister sur le côté horrible de ce Billy alors que de base il est vraiment attachant bref je vais devoir encore attendre pour avoir une réédition pour avoir un livre a la hauteur de mon Perso dc préfère !

CapedCrusader
CapedCrusader
9 années il y a

Alors, mon cher Riddler, le conseillerais tu a un lecteur qui, sans être un fan de la première heure, est juste curieux de voir que le filtre new52 a fais a Black Adam et au Fromage Rouge ^^ ?

Vittorini
9 années il y a

Excellente review qui résume admirablement bien le cas Shazam. Espérons que 2015 lui offre une série régulière ou que Johns accepte qu’un autre auteur s’en ocuupe.

Ares
Invité
Ares
9 années il y a

Comme quoi Geoff Johns ne fait pas que des bons trucs ^^

Strax
Strax
9 années il y a

Pas du tout d’accord avec la note sur le scénario. Johns s’est attelé à décrire un sale gosse qui évolue vers le meilleur grâce à ses pouvoirs, un enfant solitaire bien plus complexe que ce qu’il veut bien montrer aux autres, et qui agit comme un sale gosse (c’en est un, c’est un fait) pour se protéger des autres.
Il n’est pas taillé d’un seul bloc comme son ancienne version, ce qui le rend bien plus captivant, puisque là Geoff Johns s’intéresse avant tout à Billy Batson, qu’il ne considère pas comme un simple socle pour Captai… Shazam !
J’ai aussi particulièrement aimé la façon dont Black Adam est dépeint (son sentiment latent de culpabilité envers son neveu).
Bref, pour moi, le scénario vaut largement 4 étoiles ! ^^

Aric
Aric
9 années il y a

Est-ce que le fait que chaque numéro fait 10 pages normalement (comme c’est des back-up à la base) rend la lecture déstabilisante? l’histoire arrive a se développer corrctement? c’est assez complet comme lecture? J’hésite vraiment à me le procurer…

DarkChap
DarkChap
9 années il y a

Bonne review d’un comic book que j’avais particulièrement détesté lors de sa sortie en singles.
D’autant plus décevant venant de Johns qui nous avait habitué à un travail autrement meilleur sur Captain Marvel et Black Adam dans ses deux JSA et 52 (que je ne saurais que trop recommander).

mavhoc
9 années il y a

Un peu comme Martian Manhunter, on se demande pourquoi avoir gardé le même nom. Ne pouvait il pas y avoir un nouveau « Shazam » sans Billy ? Histoire de ne pas « salir » l’histoire du personnage.

CapedCrusader
CapedCrusader
9 années il y a
Répondre à  mavhoc

Ou encore Hawkman !
Je n’ai eu le déplaisir de lire du Martian Manhunter version new 52 uniquement via les parutions vf. Est ce que la caractérisation est toujours aussi mauvaise ou la qualité s’est améliorée?

SuperAudy
9 années il y a

Plus ça va, plus ça me déçoit (sur certains titres, il y a du bon aussi) ces New 52…

Flycatcher
Flycatcher
9 années il y a

Je crois que vous êtes un peu passé à côté du but de cette histoire qui me semble pourtant évident. Les intentions de Johns sont claires à mes yeux : Shazam est avant tout écrit pour correspondre à un conte de noël (le ton est donné dès les premières pages jusque dans sa conclusion), et est plus particulièrement teinté par l’ambiance de  » A Christmas Carol  » de Dickens, ou autre histoire s’y apparentant. D’où la caractérisation spécifique de Billy qui s’adapte pour l’occasion à une vision désirée par l’auteur (et en définitive, pas si éloignée que ça du début de run de Ordway dans les années 1990, avant que le chemin de Billy ne recroise celui de sa soeur).
A mes yeux, beaucoup d’intelligence dans l’écriture de Johns qui parvient à y distiller une atmosphère toute particulière emprunte de magie, de mélancolie, de nostalgie et d’aventure typique des histoires qui opposent la vision de l’enfance et d’une certaine forme d’innocence à celle de l’âge adulte.
Et c’est sans compter sur la même méthodologie de travail que le scénariste utilise sur un bon nombre de ses histoires : porter un regard attentif sur ce qui a été fait avant pour livrer une vision moderne synthèse et/ou ultra référentielle. En témoigne le travail éditorial de Urban Comics en préface de l’album, toujours d’excellente qualité et qui aide à poser un contexte et une analyse à un récit donné.

Flycatcher
Flycatcher
9 années il y a

Et on a pas du tout le même ressenti sur chacune des scènes que tu cites :)
Au contraire, sur chacun de ces moments que tu soulèves, là où tu vois une volonté de Johns de faire de Billy un gamin « bad-ass » (wtf ?!), j’y vois à chaque fois une intention de profond désenchantement. Tu t’offusques face à son comportement agressif ? Ca me fait de la peine de voir un tel manque d’empathie mr. Riddler T_T
Je ne sais pas si c’est moi qui suis alors trop émotif ou quoi, mais quand je vois Billy sauter à la gorge de la plus chétive et inoffensive de ses soeurs, pour se retrouver quelques instants plus tard dans un profond état de regret et de solitude, ça me fait quelque chose et je suis alors loin de ressentir du mépris pour le personnage.
Je peux également souligner les scènes de dispute et les sourires hypocrites avec l’assistante sociale (qui me rappelle beaucoup la relation de Billy et de la principale de son lycée dans le run de Ordway), qui au final s’avèrent plus amusantes qu’autre chose et soulignent l’intention de Johns de Scroog-iser son héros dans sa caractérisation, et par extension de mettre en évidence son état de détresse. Voire sa petite escapade nocturne et sa confession très touchante face à Tawny.
Et pour remettre l’histoire de la bière et corriger tes propos, ce serait plutôt le personnage plus malicieux de Freddie qui initie tout ça et entraîne Billy dans ses délires, avant que les deux se retrouvent face à l’objet de leur convoitise comme des idiots et des simplets se rendant compte de la stupidité de l’idée et ne repartent avec sodas et m&ms sous le bras…

Flycatcher
Flycatcher
9 années il y a

 » Je n’ai pas vraiment vu le ton « conte de Noël »  » -> attention à ne pas se tromper. Ce n’est pas un ton conte de noël qui importe le plus dans ce que je relève, mais la forme de désillusion qui s’opère au sein de l’événement.
Tous les moments de dédain et d’agressivité du personnage sont en effet très présent. Mais fortement nuancés tout au long du récit, puis synthétisés au moment de la transmission de pouvoirs. Cette caractérisation sert le scénario dans sa résolution (le moment de résolution étant l’instant d’acceptation durant lequel il se détache de sa solitude et de sa colère pour s’accepter soi-même et les autres) c’est en ça que je parle d’intelligence d’écriture.

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