Tom King parle de Grayson

Lancée il y a quelques mois sur les ruines de Forever Evil, la série Grayson voit à son bord deux scénaristes. L’un est une tête connue du DC moderne, en la personne de Tim Seeley, et un habitué des lecteurs de Nightwing – et l’autre, c’est Tim King. À l’instar de Ian Flemming, si le scénariste s’épanouit d’abord dans le genre du récit d’espionnage, c’est qu’il a fait ses premières armes en tant qu’agent de la C.I.A. Un officier du contre-terrorisme passionné par l’écriture et la bande-dessinée, qui nourrit de son expérience les récits de Grayson, et de l’organisation de contre-espionnage (secrète !), Spyral.

Dans une interview accordée à à CBR, King évoque son expérience dans le milieu des comics, et les premiers enseignements de sa récente intronisation au poste de scénariste sur une série d’envergure.

Par chance, je ne suis pas arrivé dans le grand bain sans jamais avoir appris à nager. Dans les années ’90, j’ai intégré Vertigo et Marvel, où j’ai pu vivre la naissance de Preacher et 100 Bullets de Garth Ennis et Brian Azzarello. Chez Marvel, j’ai été l’assistant de Chris Claremont, chaque jour nous recevions des tonnes de scripts, et comparions les méthodes d’écriture de Kevin Smith, Roger Stern, etc. Après une carrière étrange dans le monde de l’espionnage, mon premier roman (« A Once Crowded Sky ») traitait de super-héros, dans un mixte de prose et de pages mises-en-cases. Tout ça pour mener où j’en suis aujourd’hui. Le plus gros challenge aura été, je pense, de voir la transition d’une feuille de scénario au rendu final du comics en pages et en couleurs. Je fais parfois l’assomption idiote que les gens vont s’arrêter pour regarder le dessin avant de lire ce que j’ai écris – ce n’est pas comme ça que ça marche, bien évidemment. Il faut ménager les blancs, le rythme et la lecture.

Le fait d’être un ex-agent de la C.I.A. est à la fois un avantage et un inconvénient. Je ne vais pas parler des méthodes de l’organisation ou les employer dans le comics. Ce n’est pas une question de volonté, c’est juste interdit. Cela étant dit, c’est ma responsabilité en tant qu’auteur de mettre un peu de moi-même dans ce que j’écris. À une époque, j’étais un nerd, je faisais des études de philo, et puis il y a eu le 11 septembre. Comme des millions de jeunes de mon âge, je me suis engagé dans une lutte bien étrange, contre un ennemi tout aussi étrange. Les émotions que j’ai vécues durant ces années – les mensonges que je me suis racontés à moi même, la peur que je ressentais, le courage que je trouvais chez les autres – feront partie de chacune des pages de la série Grayson.

L’auteur évoque, dans la suite de l’interview, ses influences en tant qu’auteur et sur la série en général.

J’ai commencé les comics avec du Avengers, vers sept ou huit ans. Comme beaucoup, j’ai tenté d’échapper aux déceptions d’une adolescence de geek à travers les comics. J’ai appris à faire du vélo pour pouvoir me rendre dans mon comic shop. Je lisais surtout du super-héros mainstream chez les Big Two, pour lâcher (comme plein de gens) le genre au milieu des années ’90, et y revenir dans les années 2000 quand certains auteurs (Bendis, Millar, Brubaker) ont commencé à réactualiser les super-héros. C’est aussi là que j’ai commencé à lire autre chose que du super-héros.

Sur la série, je dirais que mes influences vont d’Alan Moore à Frank Miller en terme de références qualité et originalité dans le genre du super-héros. Ces deux là ont mis la barre tellement haut que je ne peux qu’essayer de faire de mon mieux pour les rattraper. J’échouerais, bien sûr, mais c’est le genre d’épreuves qui valent le coup d’échouer. L’influence de Morrison sur la série est aussi quelque chose d’assez évident. Pour donner quelques noms, je dirais Brian Michael Bendis, Louise Simonson, Charles Schulz, Art Spiegelman, Naoki Urasawa, Ed Brubaker, Darwyn Cooke, Will Eisner, Peter David, George Herriman, Wendy Pini, Alex Robinson, Keith Giffen, John Ostrander – en fait, je vais arrêter avant de tous les citer. Ceux là sont ceux que je garde le plus près de mon bureau avant d’écrire. D’ailleurs, je tiens à citer le Star Trek Annual #3 de Peter David, une histoire géniale sur Scotty, et qui a été l’inspiration principale de Grayson : Futures End #1 (ndlc : une autre histoire géniale !).

Pour les amoureux du personnage de Grayson, King dresse également une liste de ce qui fait de Dick un personnage ultra-accessible, et ce qui lui a donné envie d’écrire sur lui.

À l’époque où j’ai commencé l’univers DC, Tim était Robin et Dick était un ex-Robin. Un homme qui avait traversé cette enfance effrayante et en était ressorti sous la forme de ce héros particulièrement brave. Je me souviens de mon premier TP, « A Lonely Place of Dying », et être resté bloqué sur l’interaction entre Bruce, Tim et Dick. Il y avait dans l’histoire une sorte de question essentielle autour du passage à l’âge adulte, et comment le fait de grandir t’éloigne de l’enfant que tu étais. J’ai pu rendre hommage à cet arc ensuite, en écrivant une histoire baptisée « Only a Place for Dying ». Parmi les autres lectures que j’adore autour du personnage, il y a Birds of Prey #8, le numéro du rendez-vous entre Barbara et Dick (c’est de là que l’agent 8 de Grayson #3 tire son nom) ; Batman #156 (« Robin Dies at Dawn ») qui aura, lui aussi, un rôle dans un futur numéro de la série; et mon numéro préféré de tous les temps pour le personnage de Dick, Secret Origins Annual #3, pour lequel je n’ai pas encore trouvé de bonne façon de rendre hommage. Mais ça viendra ! Grayson est un personnage avec 74 ans d’histoire, même si notre série est cool et moderne, on n’effacera jamais cette histoire, elle continuera toujours de hanter et de rattraper le héros.

L’auteur est ensuite interrogé sur le format de la série. Jusqu’ici, celle-ci est restée très proche d’une narration en stand-alone, où l’intrigue de chaque numéro se suffit à elle même – un rendu qui devrait durer jusqu’au dixième numéro, et que l’auteur décrit comme un défi d’écriture intéressant.

La série s’ouvre au lecteur avec sept numéros auto-contenus – Grayson #1 à #5, plus l’annual et Futures End. Nous voulions poser les bases de Grayson dans ce nouveau contexte, comment son expérience de Nightwing lui sert en tant qu’espion, l’atmosphère, etc. Ces numéros restent cependant inscrits dans une continuité, tout ce qu’on y voit va resservir plus tard, notamment après le numéro #5, lorsque nous entameront des arcs de plus longue haleine. L’un des thèmes principaux sera : qu’est ce que Spyral ? Et quelle est sa place dans le DCU ?

Personnellement, j’aime cette écriture de numéros auto-contenus. Il y a là un challenge pour le scénariste, qui doit jouer avec le peu d’espace qu’il a pour raconter son histoire. Chaque case doit être utilisée à bon escient, chaque bulle doit dire quelque chose d’utile, on ne peut pas se permettre de gaspiller. Quand je me retrouve frustré par le format, je retourne lire les chefs-d’oeuvre de Moore dans les années ’80 ou Fell de Warren Ellis, et j’ai presque honte de ne pas être capable de mieux me débrouiller. Ces types là racontaient plus de choses en vingt pages que des arcs longs de 24 numéros.

Quant à l’intrigue desdits arcs à venir, quelques pistes sont lancées par le scénariste, autour de Spyral et Huntress, notamment.

Après le numéro de Futures End, beaucoup pourraient penser que les grandes lignes sont déjà planifiées pour Helena et Dick. Mais sincèrement, je ne pense pas que ça ira dans ce sens là. Dans les numéros à venir, nous allons explorer ce qu’Helena symbolise vraiment pour Dick, et voir leur relation évoluer, puis régresser, puis évoluer encore, etc. Le vrai amour de Dick, je ne pense  pas. Peut être une autre. Peut être juste sous vos yeux. À voir.

Le pouvoir de Spyral est celui du mensonge. S’ils sont obligés de vous frapper, ils le feront, mais à choisir, ils préfèrent vous mettre K.O. en vous persuadant de vous jeter contre un mur de votre plein gré. Pour le moment, le grand projet de Spyral est de mettre un nom sur les identités civiles de tous les grands super-héros. A savoir à quoi cela va leur servir… Honnêtement, je ne leur fais pas trop confiance. Ces mecs là m’ont envoyé trop souvent dans le mur.

Nous avons aussi des tas de choses prévues pour le Tiger, alias l’Agent 1. Mais je ne peux pas en parler ! Arg. Je déteste ça. Si je pouvais juste poser l’histoire de ses origines et où on a prévu d’aller avec le personnage, je le ferais, juste pour me la raconter derrière. Mais bon, il paraît que ça va à l’encontre des « règles de narration », un truc comme ça. Je peux juste vous dire que c’est le top de Spyral, et que Dick risque de trahir Spyral. C’est aussi un type qui a vu son partenaire assassiné par un vilain que Dick aurait pu mettre hors service. Ces deux agents entretiennent une certaine tension, et c’est un truc que nous allons développer dans les numéros à venir. À moins que je me contente de poser son origin story. Mmh…

Enfin, pas d’inquiétude, le duo d’auteurs sait où il va et la « deuxième saison » de Grayson est déjà bien avancée.

Quand on a commencé la série, on a travaillé sur un document qui sert de fiche directionnelle pour la première saison. En gros, on a regardé où étaient les personnages à un moment T, et décidé comment les faire évoluer, par quels chemins, etc. Ensuite, on s’est tapés dessus pour savoir qui écrirait quoi, et voilà. On a déjà des plans pour la saison deux, et a priori, on travaillera sur le même procédé. Je pense. Si je retrouve l’adresse mail de Tim. Vous l’avez, vous ?

En ce qui concerne l’annual, on devait au départ ne parler que des origines d’Helena, mais avec le soutien de DC, nous avons généreusement reçu un espace supplémentaire pour cette histoire. Donc il y aura du Helena, mais aussi un peu d’histoire sur les espions et les liens qui les unissent. Une histoire que j’ai adoré écrire et j’ai hâte que vous la lisiez.

En long et en large, un auteur nouveau chez DC Comics, sur une des séries lancées en cours d’année. Pleine de promesse, Grayson semble en tout cas entre les mains de gens motivés et talentueux, qui savent où ils vont et ont manifestement un authentique amour du personnage et de l’univers comics en général. Moi je sais pas vous, mais je sens que ça va être bien.

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Corentin

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SuperAudy
9 années il y a

Franchement ça a l’air prometteur… même si j’adore Nightwing, un peu de changement pour Grayson ne peut pas lui faire de mal.. j’ai été trop déçue par la série 52 pour en attendre encore du bien…

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