[Review VO] Gotham Academy #1

Les points positifs : Graphiquement superbe Une bonne introduction Des personnages attachants Original et rafraichissant Les points négatifs : Quelques lourdeurs Une fin trop douce

« It’s just the Bat-Signal. Same old thing as every other night. » – Olive Silverlock 

• Scénario : Becky Cloonan et Brenden Fletcher – Dessins : Karl Kerlsch – Couleurs : Geyser et Dave McCaig  – Couverture : Karl Kerlsch (régulière) et Becky Cloonan (variante)

• DC COMICS  – Gotham Academy #1 – 1er octobre 2014 – 32 pages –  $2.99

Dire que j’attendais Gotham Academy avec une certaine impatience serait un euphémisme. Et pour dire vrai, lorsque le titre a été annoncé en juillet dernier, j’étais d’abord sceptique. J’ai d’abord pensé que ce titre ne faisait pas partie de la continuité New 52. Et pour cause : concept trop différent de ce que le reste de la Bat-Family nous propose depuis le début des New 52. Attendez, on nous annonce quand même qu’on va suivre des jeunes filles dans une grande école de Gotham City, avec des mystères autour de l’école, des histoires de coeur, et… mais où sont les affreux ennemis du Batverse ? Où est le grim & gritty ? On est vraiment dans les New 52 ? C’est à ce moment là que je me suis rendu compte qu’en proposant quelque chose d’apparence si différent, DC avait envie d’élargir sa gamme de comics. Et sûrement atteindre une autre partie de son public. De ceux qui, même dans un univers qu’on dépeint très sombre, avaient envie d’un peu plus de légèreté. En soi, le concept de Gotham Academy, qu’on pourrait résumer grossièrement par du Harry Potter à Gotham City, a toutes ses chances d’attirer les curieux. Un mélange d’univers très populaires, et un signe de nouveauté, tout en restant dans un contexte assez connu pour ne pas désorienter les habitués. Puis sont venus les premiers visuels des personnages, les premières planches, et j’ai été immédiatement séduit. Aujourd’hui j’ai pu plonger dans l’univers de la Gotham Academy, et je peux d’ores et déjà vous dire que je n’ai pas l’intention d’en sortir.

Alors je préfère plaider coupable d’avance. Je pense que ma critique sera la plus objective possible, mais il y a également une part de mon fanboyisme qui s’exprime au travers de ces lignes (comme quoi, il n’y a pas que Freytaw à qui on peut coller cette étiquette). Le numéro s’ouvre avec une imposante splash page qui nous présente l’imposante bâtisse de la Gotham Academy. L’introduction du lieu dans lequel nous allons passer le reste de l’histoire, qui possède une architecture un brin gothique, sorte de mix entre un grand manoir et un petit château – en clair, ça a de la gueule. Et vient ensuite la présentation de notre héroïne, de ses relations, de son quotidien. Et si vous faites partie de ceux qui ont aimé lire Harry Potter (du moins, les quatre premiers), il y a forcément des archétypes qui vont vous parler. Si on peut retrouver les figures type du milieu lycée, chaque personnage a l’air de proposer quelque chose de complètement différent par rapport aux autres, en plus d’avoir vraiment un character design vraiment tranché à chaque fois, les cheveux blancs/mauves d’Olive Silverlock (notre héroïne principale) tranchant avec le ton asiatique de son amie Mia « Maps » Mizoguchi  ou le style de Pomeline Fritch (dont le teaser publié me laissait penser à une sorte de personnage « outcast » alors qu’elle a plus l’air d’être la leader de groupe un brin pimbêche), jusqu’au principal, qui a une bonne tête de dur à cuire, et qui me fait d’ailleurs curieusement penser à Ra’s Al Ghul. Une galerie de personnages colorés aux attitudes elles aussi prononcées. C’est surtout la psyché d’Olive Silverlock qui nous est exposée, et les auteurs insistent bien que le personnage que nous voyons à présent n’est plus celui qu’elle était « avant ce qui est arrivé cet été ». C’est d’ailleurs l’un des mystères posés dans ce premier numéro qui revient avec un peu trop d’insistance : on nous rappelle par trop souvent que oui, cet été il est arrivé quelque chose. Mais passons, le reste est tellement plaisant ! Le personnage de Maps est par exemple très, très attachant. Une sorte de fille un peu gamine, sur-excitée, et très cultivée à la fois. En la regardant faire, j’ai en tête des images de personnages de films japonais (qui surjouent tout le temps, en poussant de gros cris d’exclamations etc, certains verront peut-être de quoi je parle). Et malgré le changement d’Olive, dont elle a conscience, elle essaie néanmoins d’aller de l’avant, et dans sa narration, s’adresse directement au lecteur, ce qui permet également de créer une certaine empathie avec elle. Alors bien sûr il faudra penser à ce que cette direction prise pour les personnages, soit plus poussée par après, d’autant que certains n’ont pas encore été abordés en profondeur, mais le potentiel est clairement là et on ne demande qu’à le voir exploité.

Concernant l’histoire, elle sert également ici son rôle d’introduction. Olive a été désignée comme étant la « marraine » de Maps, puisque cette dernière est en première année à l’école (Olive débute sa seconde année), et outre lui faire visiter le campus, elle ira également l’entraîner dans une petite escapade normalement interdite, en haut de la tour de l’Académie. L’occasion pour les auteurs de nous montrer un peu d’action rocambolesque, typiquement quelque chose qu’on avait l’habitude de retrouver dans les Potter, et… Je sais pas, c’est peut-être con, mais quand c’est bien écrit comme ça, mais ce genre de petite chose suffit à nous accrocher aux pages. Pas besoin de combat démesuré contre un Doomsday ou d’un repas de famille horrifique avec Joker pour nous happer. C’est fou, non ? Reste qu’en plus de cette trame, plusieurs éléments sont placés, comme cette histoire de l’Aile Nord de l’Académie qui serait hantée, et qui devrait être le fil conducteur du premier arc qui viendra après, mais également le mystère autour du changement de comportement d’Olive, dont j’ai déjà parlé. J’aurai peut-être préféré que la dernière page soit un peu moins calme, mette un peu plus de tension pour vraiment donner envie de continuer la lecture, mais l’envie est là de toute façon, et comme précisé, on se situe dans une ambiance radicalement différente des autres titres « Batman » des New 52. Et justement, l’intégration dans les New 52 est complètement réussie. Il y a des éléments visuels et scénaristiques qui sont utilisés au fur et à mesure du numéro, et qui lient Gotham Academy à cet univers : que ce soit le fait qu’Oliver bénéficie d’une bourse de la Wayne Fundation, ou que Bruce soit d’ailleurs présent pour le discours de bienvenue aux étudiants. Que ce soit le Bat-Signal qu’on aperçoit dans le ciel, ou un cours d’histoire de Gotham City avec les plus grands noms cités, vous êtes bien dans le Bat-verse. Alors certains pourraient pester de voir apparaître le Chevalier Noir le temps d’une case, mais son utilisation est plutôt maline, et prêtera à un sourire complice plus qu’autre chose.

Nous avons donc un numéro réussi sur le plan narratif et sur la caractérisation des personnages. Et graphiquement alors, qu’est-ce que ça donne. Hé bien, laissez moi passer en capslock pour l’exprimer concrètement : OH BORDAYL QUE C’EST BEAU !! Non, mais vraiment. Je ne connaissais pas Kerlsch avant de lire ce numéro, et s’il a toujours travaillé dans ce style, j’ai vraiment du retard à rattraper. Comment vous dire ? Vous pouvez déjà regarder les illustrations de cet article pour vous faire une idée. On est dans une approche de dessins assez légère, et pourtant très détaillée, avec un travail absolument magnifique au niveau des décors. La Gotham Academy impose, les salles de cours sont vivantes, la tour de l’école en jette, et les personnages sont travaillés, leurs mines sont expressives, les moues sont attachantes… Je n’ai pas l’intention d’utiliser trop de superlatifs, mais ce n’est pas l’envie qui m’en manque. Et il y a un jeu de couleurs qui rend le tout encore plus splendide, l’utilisation faite sublime le dessin, la palette utilisée est très riche, et les couleurs sont appliquées avec des teintes générales qui participent à l’ambiance de chaque scène. Des nuances qui s’accordent aux endroits visités, au temps qu’il fait, aux périodes de la journée : un superbe travail de photographie, comme on pourrait dire. Et je ne vous parle pas du découpage. Clair mais travaillé, dynamique, avec des idées de mise en scène plus que sympathiques (toute la scène sur le clocher est visuellement jouissive). Kerlsh fait tout ce qu’il peut pour que le lecteur ne s’ennuie pas, met l’accent sur ce qu’il faut, rend son histoire on ne peut plus vivante. Et si vous n’avez toujours pas saisi le fond de mon idée à présent, laissez-moi encore le répéter ici : visuellement, c’est une merveille.

Que dire de plus qui n’ait pas été dit ? Gotham Academy sort des sentiers battus de la Bat-Family pour proposer quelque chose de neuf (attention, je n’ai pas dit que c’était révolutionnaire, je me place dans le contexte « séries Batman des New 52 »), très bien ancrée dans son univers, mais qui s’en détache totalement par son ambiance, ses personnages, son histoire. Ajoutez à cela des dessins et une mise en page parmi les plus belles que j’ai pu voir ces derniers temps, et vous comprendrez je pense mon enthousiasme frappant pour ce premier numéro. Mon coup de coeur de la semaine, assurément !