Review VF – La Proie d’Hugo Strange

Critique de la La Proie d'Hugo Strange
Critique de La Proie d'Hugo Strange - Doug Moench
Les points positifs :
  • Focus sur Hugo Strange
  • Défi psychologique pour Batman
  • L’ambiance « premières enquêtes »
Les points négatifs :
  • Dessins très jolis puis très laids
  • Concept du « Fléau de la Nuit » peu inspiré
  • Deuxième partie qui accumule les défauts

« Je suis seul, au fond d’une grotte de folie noire. » – Batman


  • Scénario : Doug Moench Dessin : Paul Gulacy – Encrage : Terry Austin, Jimmy Palmiotti – Couleur : Steve Oliff, James Sinclair

Hugo Strange, les plus balèzes le connaissent grâce au run de Engleheart, d’autres, un peu moins balèzes mais balèzes quand même, se sont frottés pour la première fois au personnage grâce à la série animée de Batman, où il y a fait une apparitions remarquée, finalement les fans les plus récents ont découvert le bonhomme à travers l’excellent jeu Arkham City, où il y tient un rôle majeur dans le destin de ce quartier-prison. S’il n’est probablement pas un vilain aussi célèbre que l’Épouvantail ou le Riddler, deux gros absents de cette collection DC Nemesis, il ne date pas moins des débuts de Batman, avec une première apparition en 1940 dans le Detective Comics #36, mais surtout il a eu la chance de finir au centre d’un arc de la grande époque de la série Legends of the Dark Knight (d’où avaient également émergé de superbes histoires comme Batman – Gothic ou Batman – Venom). Pas de chance pour Crane et Nygma, ils attendront dans la salle d’attente pendant qu’on se penche sur les plus grands traumatismes d’Hugo (le psychiatre, pas le pote de Titeuf).

Batman pris en chasse

Batman : menace ou ange gardien ? Les avis divergent à Gotham City et, malgré les réticences du Capitaine James Gordon, le maire met en place une unité spéciale chargée de mettre un terme une bonne fois pour toutes aux agissements de ce scélérat qui se croit au-dessus de la loi. Persuadé du bien-fondé des actions de BatmanGordon se retrouve dès lors dans une impasse lorsqu’il reçoit l’ordre de nommer les membres de cette unité. Il choisira Maxwell Cort pour la mener, un flic convaincu que Batman est une nuisance de première ordre. Le bougre a bon fond, mais heureusement pour l’Homme-Chauve-Souris, il n’est pas très malin, aussi Gordon ne se fait guère de souci pour son ami costumé. Hélas c’est sans compter sur le concours de l’éminent psychiatre Hugo Strange, qui voit dans la psyché torturée de Batman le cas de sa carrière, et qui, s’en faisant une obsession, décide de prêter main forte aux policiers chargés de l’arrêter. Cerné par la malveillance de la pègre, le zèle excessif des représentants de l’ordre et l’intelligence diabolique d’Hugo Strange, le Chevalier Noir sortira-t-il indemne de cette aventure qui le mettra à l’épreuve physiquement et psychologiquement ?

Une des caractéristiques récurrentes chez Hugo Strange, c’est sa capacité de deviner l’identité de Batman. C’est aussi le cas pour Ra’s Al Ghul, mais celui-ci recèle une nature trop noble pour se rabaisser à se servir de ce secret contre Batman. Dans La Proie d’Hugo Strange, au lieu de sa noblesse, c’est sur la folie de ce psychiatre que s’attarde Doug Moench, insistant dessus à travers sa propension à converser avec des mannequins de femme coiffés d’un masque de Batman, ou à travers les sombres colères qui l’emportent lorsque quelqu’un met en doute son génie prodigieux. Dans les mains d’un fou, ce secret pourrait faire des ravages, peut-être même mettre un terme définitif à la carrière du Croisé Encapé, et ce danger installe une tension savoureuse, du moins durant la première partie (Prey), la deuxième se concentrant davantage, et avec moins d’inspiration sur le personnage de Scarecrow. Tandis que Strange se rapproche de son but – découvrir l’identité de Batman – la tragédie au centre de la mission du justicier prend une importance dans l’intrigue, et le scénariste l’avance avec un classicisme qui évite les prises de risques ou les regards nouveaux sur ce drame, mais qui évite en même temps les faux pas. Face aux progrès d’Hugo Strange dans son entreprise, le lecteur ne peut s’empêcher de se demander ‘Mais comment Batman va-t-il s’en sortir ?‘ et ce suspense très élémentaire fait plaisir, puisqu’il ne se retrouve quasiment jamais dans les histoires modernes de Batman, qui exagèrent souvent l’omnipotence du Chevalier Noir et sa capacité à se sortir de tous les faux pas, empêchant l’élaboration de situations de réel danger.

Faites confiance à votre psy

Le personnage d’Hugo Strange se présente bien. Il apparaît pour la première fois à l’occasion d’un show télévisé en compagnie de Gordon, qui prend le rôle du défenseur de Batman, dans une mise en scène qui rappelle à bien des égards les débats entre le psychiatre Bartholomew Wolper et Lana Lang dans le Dark Knight Returns de Frank Miller. Dans les deux cas, le scénariste pointe du doigt l’assurance et l’arrogance épargnée par le doute de certains psychiatres, les faisant prendre parti contre le Batman, et leur attribuant des théories présentées comme certitudes. La caricature est néanmoins plus acerbe chez Miller que dans La Proie d’Hugo Strange, la folie de ce dernier apparaissant rapidement au lecteur et décrédibilisant par la même occasion toute son attitude. Cependant cette folie n’amoindrit pas le danger qu’Hugo Strange présente pour Batman, au contraire, elle l’agrandit. Ce côtoiement entre intelligence redoutable et folie est rafraîchissant, présentant un nouveau type de menace pour Batman.

En revanche on n’apprécie un peu moins la transformation du flic Maxwell Cort en ninja sur-entraîné, armé de katanas dans une veine très 90’s. D’un point de vue scénaristique son rôle est justifié puisqu’il est chargé de faire retomber la responsabilité de ses exactions sur le Chevalier Noir. Fier et rongé par le désir de mettre Batman sous les verrous pour humilier son travail de flic, Strange le fait basculer dans une folie complète à travers l’hypnose. Ce glissement est convaincant, c’est plutôt au niveau du design et du concept de ce justicier aux méthodes ultra radicales qu’on émettra des réserves. Pour le reste, l’histoire se lit avec intérêt, animé par un suspense qui va s’agrandissant, et rehaussé par une évolution des relations entre Batman et les forces de police, en particulier avec Gordon. La présence de Catwoman en invitée est gérée sur le bon ton, Doug Moench puisant sans le cacher son inspiration dans le merveilleux Batman : Year One de Frank Miller pour opposer la Femme-Chat et la Chauve-Souris. Sans être une lecture particulièrement émouvante ou aux ambitions révolutionnaires, cette première partie se suit avec plaisir.

Terror, c’est pas terrible

La deuxième partie, Terror, laissera davantage sur sa faim. Tout d’abord, Hugo Strange se retire pour laisser de la place au Scarecrow, qu’il va aider à sortir d’Arkham. Le peu qu’on voit du psychiatre le montre réduit à sa folie à la suite des événements de Prey. Et c’est symptomatique des faiblesses de caractérisation générales de cette suite. Dans le meilleur des cas, on affronte un manque de développement (Hugo Strange), dans d’autres c’est carrément des problèmes de mauvais goût. Doug Moench brosse en vitesse une origin story bâclée pour l’Épouvantail, accumulant sans gêne tous les clichés habituels de l’enfance malheureuse et mise toute sa trame sur une bête histoire de ‘je vais faire payer ceux qui ont été méchants avec moi‘, rappelant sans enthousiasme les travaux de Gregg Hurwitz sur la série Batman : The Dark Knight dans les New 52. Pour écrire Catwoman, Doug Moench se place aux antipodes de ce qu’il faisait dans Prey, ficelant laborieusement une relation Je t’aime – Moi non plus aussi poussive que peu crédible, accumulant les situations sans queue ni tête, sans que le lecteur ne parvienne à adhérer à l’attirance que l’un aurait envers l’autre. En même temps, et ce n’est pas que la faute du traducteur, c’est pas faire preuve d’une grande maîtrise de ses personnages que de mettre des répliques comme ‘C’est une criminelle, et pourtant je la désire … Je la veux… ‘ dans la bouche de Batman.

Qu’on s’entende, la romance Catwoman – Batman a un potentiel certain, qu’on pense à ce qu’en font des gars comme Ed Brubaker ou Jeph Loeb, mais là ça tire plus du niveau du Catwoman New 52, où le scénariste comprend juste le principe de la relation sans arriver à l’exécuter de manière convaincante. Enfin, même en pardonnant cette romance bon marché, Batman n’est pas charismatique pour deux sous dans Terror, se montrant entêté, impulsif, colérique, et même donneur de leçons lorsqu’il gronde une dernière fois les gars qui avaient embêté Crane dans son enfance au moment où il les délivre des griffes de l’Épouvantail, ce qui s’avère presque problématique dans le principe parce que ça donne un semblant de caution à la vendetta de Jonathan Crane. Enfin, en plus de ces défauts de caractérisation, le scénario souffre de nombreuses transitions et péripéties mal pensées, où Doug Moench ne montre aucun désir à donner un semblant de logique aux réactions de ses personnages, qui font irruption devant Batman, lâchent deux répliques, puis partent en courant comme pour dire ‘Attrape-moi‘. Les motivations de Catwoman se contredisent et ne semblent même pas comprises par l’auteur lui-même, puisque grosso modo le Scarecrow la kidnappe pour s’en faire une alliée, mais la torture et jette son corps dans une déchetterie, heureusement pour lui elle l’aide quand même mais finalement elle le trahit, le tout justifié par une sombre histoire de photos prises mais invalidée par l’auteur lorsqu’il reconnaît que c’est pas grave ces photos parce que personne ne connaît Selina Kyle. Enfin le sort de Strange laisse franchement perplexe, malmené par deux retournements de situation subits, les deux complètement abracadabrants et à la limite du ridicule, qu’on ne dévoilera pas pour vous préserver le plaisir malin de la très mauvaise surprise.

Strabisme et asymétrie

Enfin aux dessins, il y a de quoi être assez dubitatif, mais l’ouvrage semble au moins avoir le mérite de vous montrer ce que donne le travail d’un dessinateur lorsqu’il est secondé par un bon encreur et un bon coloriste (Prey) et lorsque ce n’est pas le cas (Terror). Ou alors c’est simplement Paul Gulacy qui était très en forme pour le premier arc et très paresseux pour le deuxième, car Prey est plutôt réjouissant au regard, la colorisation est variée et profite de manière équivalente aux scènes sombres et aux panoramas colorés extérieurs du Manoir Wayne. Les visages sont réussis, le style est classique, un brin rétro mais heureusement préservé des airs 90’s qui ont possédé d’autres titres Batman de la même époque. En revanche, en passant à Terror, on ne compte plus les visages asymétriques ou les personnages souffrant de strabisme à cause de l’inconstance du dessinateur. Les décors tiennent plus ou moins la route, mais on compte tellement de personnages aux airs d’attardés (regardez la gueule d’Alfred ci-dessus) qu’on brandit un poing de rage vers le responsable, qu’il s’agisse de l’encreur (le pourtant réputé Jimmy Palmiotti) ou du même Paul Gulacy que sur Prey qui aurait été ici pris d’un accès de faiblesse. La colorisation est d’autre part moins agréable que sur Prey, plus terne, moins inspirée, moins variée.

Bilan moyen pour cette Proie d’Hugo Strange, où on sera surpris de la place importante qu’occupent l’Épouvantail et Catwoman à côté du psychiatre fou, qui n’est véritablement mis au centre des préoccupations du Chevalier Noir que dans la première partie du tome. La deuxième souffrira de la comparaison avec la précédente, et laissera au lecteur un goût de gâchis au sortir du volume, qui ne devrait pourtant pas faire oublier les bons moments de Prey, le premier arc. On ne conclue pas à un désastre, mais c’est certainement inégal.

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TheRiddler

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12 Commentaires
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DarkChap
DarkChap
9 années il y a

Bonne review, avec laquelle je suis assez d’accord.
Vu qu’il s’agit de deux récits à la qualité assez différente, ça n’a pas dû être facile de présenter les deux comme distincts tout en critiquant l’album dans son ensemble.
S’agissant du « Concept du « Fléau de la Nuit » peu inspiré », j’ai l’impression que tu reproches plus le manque d’inspiration à l’exécution très 90’s qu’au concept en tant que tel, à savoir la création du premier supervillain en réponse à Batman.

DarkChap
DarkChap
9 années il y a
Répondre à  TheRiddler

Pour moi, il est un supervillain dès lors que Strange l’a créé pour l’opposer à Batman, à la différence de Catwoman qui elle a été inspirée par l’idée de Batman.
Maintenant, qu’on le voit comme un anti-héros ou un villain, l’idée reste la même. Dans la continuité de ce que montrait Miller dans Year One, Gotham évolue sous l’impulsion de Batman alors qu’apparaissent ces personnages aux identités extravagantes.
Je pense que c’était volontaire de la part de Moench vu que c’est quand même très clairement présent dans Year One, et que son influence est ici assez évidente, et que ça recoupe le débat autour de la menace que constitue Batman.
A mon sens, ça reflète également le fait que dans ses toutes premières apparitions du Golden Age, Strange avait aussi créé des supervillains, les Monster Men (d’ailleurs Matt Wagner a écrit un superbe remake de cette histoire, Batman and the Monster Men).

swamp bat
swamp bat
9 années il y a

Combien de temps mettez vous a écrire et mettre en page une review ?

Freytaw
9 années il y a
Répondre à  swamp bat

Ca dépend clairement du sujet.
L’écriture en soi, ce n’est pas forcément le plus long, mais bien la mise en page. La proportion de temps et de 1 tiers pour l’écrit, 2 tiers pour la mise en page (mais parce que ça me saoule et que je suis pas doué our ça haha).

Ca peut aller relativement vite si il y a peu d’élément à changer dans la mise en page (ça arrive aussi), mais le plus long reste de s’occuper des images, surtout que j’essaye toujours de les coller au texte que j’écris.

Pour ma part, c’est entre 1h30 et 3h00 je dirais.

ramzacom
ramzacom
9 années il y a

je vais peut-être dire une sottise, n’ayant pas lu cet ouvrage, lui ayant préféré robin year one et american vampire 6 ; mais je prends les paris : est-il possible, au vu de la place qu’occupe hugo strange dans arkham city le jeu, que le fameux arkham knight ne soit qu’une version new52 du fléau de la nuit ??

DarkChap
DarkChap
9 années il y a
Répondre à  ramzacom

En tout cas, Johns prétend avoir inventé le personnage donc a priori, non.
Il est possible qu’il s’en soit inspiré mais il pourrait tout autant s’être inspiré d’autres personnages très similaires tels que le Reaper inventé par Barr, Azrael inventé par O’Neil ou les trois fantômes de Batman, inventés par Morrison voire Jason Todd dans Battle for the Cowl .

pioupiou
pioupiou
9 années il y a

Je l’ai lu ce week-end et je rejoins TheRiddler dans sa review. Le seconde partie ne m’a pas emballé ! Surtout les dessins que j’ai trouvé dérangeants.

SwampThing
SwampThing
9 années il y a

J’ai pas compris l’intérêt de Terreur dans ce tome car Strange est quasi absent.

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