S’il y a une question qui m’a toujours fascinée chez les super-héros c’est bien celle de leur psyché et de celle des personnages qui gravitent autour d’eux. Toutes maisons d’édition confondues.
Nous sommes tous des névrosés disait en substance Sigmund Freud. S’il est de bon ton de remettre de plus en plus en question certains des raisonnements de ce dernier – je pense à toi oedipe – cela ressemble à une évidence. C’est donc logique que les auteurs de comics transmettent ceci quand ils définissent un personnage, que ce soient ses origines ou ses tourments présents. Je vous rassure je ne vais pas vous faire un cours de philosophie ou de psychologie. Déjà parce que je n’y connais pas grand chose. Cependant, avouez que le monde de la psychiatrie a quelque chose de fascinant ou effrayant c’est selon. Toutes ces histoires de moi, de surmoi, les phobies, les angoisses… Et les fous, les vrais, avec les pathologies qui vont avec. S’il y a bien deux choses qui me font peur ce sont les clowns et les asiles psychiatriques. Les premiers, nous allons les exclure, c’est à cause de ce redneck du Maisne qui écrit des bouquins flippants. Les seconds c’est parce que sérieusement, quand on a un peu étudié le sujet et surtout les conditions avec lesquelles étaient traités les fous il n’y a pas si longtemps que ça, il y a de quoi flipper ou avoir le ventre retourné.
Ainsi cette question mainte fois discutée va revenir sur la table mais je vais tenter de me questionner aussi, de réfléchir, sur tout un système. Bruce Wayne est-il fou ? Névrosé cela va de soi mais est-ce un « dingue déguisé en chauve souris » ? Et il convient de voir comment Batman évolue alors que les auteurs se plaisent à le tourmenter sans répit depuis si longtemps.
Et quid des gens qui gravitent autour de lui ! Il faut du courage pour rester sain d’esprit quand on évolue dans un univers aussi sombre et rempli d’antagonistes sans cesse plus tarés. Preuve en est la récente Joker’s Daughter dont le numéro one-shot écrit par Marguerite Bennet a horrifié ma petite nature tant il va loin. Pas dans le mauvais sens du terme cependant. Qui plus est sa némésis est l’avatar même de la folie pure, un clown farceur véritable génie du chaos (zut j’avais pas dit que j’avais peur des clowns moi ?). Et il n’y a pas qu’eux, même ses alliés peuvent parfois péter des câbles ou subir des chocs psychologiques et tortures qui vont parfois très loin.
Et enfin il y a sa ville. Pourrie, crade. Sa chère et tendre bourgade qu’il tente de sauver mais qui semble être un lieu condamné au chaos. Gotham City. Et c’est même un personnage à part entière au final dans le bat-verse avec son histoire et ses secrets. Comment ne pas penser à la série Gates of Gotham par exemple qui parle un peu de cet aspect. Une ville décadente avec son asile terrifiant. Arkham qui tire évidemment son nom de la ville imaginaire où l’écrivain d’horreur H.P Lovecraft a placé bon nombre de ses intrigues. Ce dernier parle souvent de la santé mentale déclinante ses protagonistes qui sont confrontés au fantastique, à leur obsessions, à leurs névroses.
Batman et la folie c’est donc un tout, c’est un pan entier de l’univers du Chevalier Noir. C’est une grande partie tout de même ce qui le définit et c’est ce qui rend le personnage si fascinant à mes yeux. Je ne vais pas appuyer ma réflexion sur les Elseworlds mais parfois d’ailleurs ça va loin de ce côté là.
La question de la santé mentale de Bruce m’a toujours parue importante. Peut être parce qu’à la fin des années 90 j’ai eu la chance de me faire offrir The Killing Joke, alors publié sous le nom de « Rire et Mourir » par Delcourt. Enfant ça a été un choc et en le relisant régulièrement je me rendais compte d’à quel point la vision de Moore du Caped Crusader était brillante. « C’est deux mecs dans un asile de fou… », ce début fait toujours écho dans ma tête, et cette page finale a été la révélation. La ligne qui sépare Batman de sa némésis et de ses ennemis les plus malades est plus étroite que prévue. Faisons un rapide rappel des faits que vous connaissez tous. Bruce Wayne est assurément initialement une victime. Un traumatisé qui ne s’est jamais remis d’un crime crapuleux, une allée, une arme et un jeune garçon qui pleure ses parents. Puis il a construit un alter-égo qui a peu à peu pris le pas sur toute vie civile. Il pense en tant que Batman et il vit pour sa croisade. Parce que sa ville est pourrie. Les règles qu’il s’est fixées sont aussi totalement arbitraires mais logiques. Pas d’armes à feu et surtout ne pas tuer. Evidemment je ne parle pas des débuts du Batman du Golden Age, ne venez pas me dire que au départ bla bla bla. Combien de fois aura t-il été proche de franchir la limite surtout dans le cas du Batman moderne ? De très nombreuses fois et ce n’est pas prêt de finir. Je me demande toujours combien de victimes il aurait pu sauver s’il avait un jour craqué et tué le Joker. Il y a aussi la question de sa brutalité, ce numéro par exemple de Batman & Red Hood dans les new 52 était allé très loin tout comme la vivisection de Frankenstein. Tout le monde s’est posé cette question en tout cas sur cette fameuse règle.
Il a renoncé à toute vie sociale pour mener à bien son combat, il est prudent et peu enclin à accorder sa confiance. Il n’est pas dingue au sens propre mais c’est un névrosé obsessionnel qui s’est donné un code. Coucou Dexter. Pourtant il flirte avec une criminelle en cuir et se marre littéralement alors que son pire ennemi a commis des sévices et viols. Pour le stabiliser il y a Alfred, les robins et la Bat-Family et j’ai toujours remarqué qu’isolé il était clairement plus enclin à faire n’importe quoi. On le remarque dans le post Death of the Family/Batman Inc#8.
Ces analyses ou constats bon nombre d’entre vous les ont déjà fait et je n’ai pas la prétention d’apporter des informations supplémentaires. N’allez pas dire non plus que je sors des banalités, je suis aussi là pour vous faire débattre, c’est une chronique tout terrain m’voyez, du teuil-teuil style ! J’aimerais d’ailleurs aborder le point de sa galerie de vilain avec de nombreux psychopathes dans le lot. C’est aussi une constante d’accuser Batman de créer ces monstres. A en croire bon nombre d’intervenants dans des récits, c’est un aimant à psychotiques. Dans les faits je ne suis pas d’accord : les vilains du Chevalier noir ont aussi leurs propres démons et origines malheureuses. Heureusement qu’il n’y a pas que ça. La coupable c’est Gotham (et les auteurs, surtout). Mais on en redemande, Zsasz, le Mad Hatter, l’Épouvantail, Double Face…. On les aime, nos dingos.
Naviguant donc avec les fous, dans une ville de fous il lui arrive en plus des misères et malheurs en continu. Jason Todd ou Damian en sont de bons exemples. Mais il n’y a pas que les pertes de proches, se faire briser le dos par exemple ça vous déprime un bon coup. Rappelons aussi que Batman a déjà en plus été addict, notamment au Venin (lire Batman : Venom en VO) On discutera une autre fois de la nécessité d’avoir un Robin à ses côté et des alliés mais je pense que ça le tempère. Il se veut solitaire mais il n’est rien sans un minimum de support moral.
C’était donc un petit pavé dans la marre que je lance. Qu’en pensez-vous ? Pour ma part il est clair que le plus grand détective/combattant du monde et tout ce qui va avec est encore plus passionnant à lire justement parce qu’il a sa part d’ombre. Ce qu’on aime chez le Batou moderne c’est la folie sous toutes ses formes qui compose son univers et c’est ce qui en fait un héros si singulier et apprécié. Et si vous n’êtes pas d’accord sachez que j’ai raison et que vous avez tort.
C’est vrai que c’est une question qui revient souvent, pour ma part, je l’ai toujours plus vu comme un traumatisé qu’un fou, je m’explique : Il est sain mentalement, intelligent et il a conscience de ce qu’il fait. De même il sait vivre avec sa famille, ses amis.
Mais pourtant, les raisons de tout cela remonte à son enfance, le symbole de la chauve souris n’effraie pas grand monde au fond, sauf les enfants. De plus, un adulte aussi intelligent n’aurait pas choisi de se venger et rendre justice en devenant maître du karaté et des gadgets, non, il aurait choisi de rejoindre la loi ( policier, procureur…) à l’inverse d’un enfant qui aurait tout de suite pensé à la bagarre ! Pourquoi a-t-il tant besoin d’être entouré ? Parce que, comme un enfant turbulent, il n’a pas conscience de ses limites, et peux choisir le mauvais chemin. C’est d’ailleurs pourquoi Alfred apparaît si rapidement comme une figure paternel à nos yeux, et que Robin apparaît comme un ami, indispensable, dont il ne peut se passer.
Alors oui, sa psychologie évolue, et l’arrivé des robin l’a rendu plus mature, en lui donnant cette fois-ci le rôle paternel ( mais pas que comme je l’ai dit avant ), de même que les différents deuils dont il à dût faire face l’ont forgés, et l’ont fait évolué vers des caractéristiques plus adultes.
Mais au final, Batman n’a jamais pût se séparer de son enfance ( qui à été marquée bien évidemment ), ce qui s’expliquerai par un traumatisme et non pas par la folie, tel un gamin qui à eu peur des clowns un jour et qui depuis s’acharne à les vaincre. ( Moi aussi j’ai peur des clowns MFW, j’ai regardé ça étant petit…)
Un peu comme s’il vivait éternellement l’enfance qu’on lui aurait volé quand ses parents sont morts, alors il « joue » avec tous ses bat-jouets/gadgets et avec ses vilains camarades. Plutôt sympa comme interprétation effectivement :) Pas ma préféré mais c’est une façon de voir les choses qui se tient bien
Oui c’est sûr, même moi je suis pas certain de mon interprétation ^^ Mais si elle tient debout, c’est qu’elle à forcément un fond de vrai ! Mais dis-nous ton interprétation, j’aimerai bien savoir, je suis curieux ( vraiment ! )
Effectivement , je l’avais jamais vu comme ça :)
Pour moi il apparaît tout de même indéniable que Batman est aussi taré que les vilains qu’il combat, et c’est là toute la symbolique de Batman.
Parce que suite à un traumatisme comme le sien, c’est tout sauf une réaction saine d’enfiler un costume et de dédier toute sa vie à une croisade sans fin.
Un homme sain aurait agi à une échelle réaliste, comme le soulève souvent Alfred qui suggère à Bruce de se servir de son image et de ses ressources en tant que Bruce Wayne et non en tant que Batman pour soigner Gotham.
Après j’ai l’impression que tu fais la distinction entre « folie » et « intelligence » mais les deux sont parfaitement compatibles: Joker, Riddler, Bane, Scarerow, Two-Face, Dr. Strange etc… Et ils ont parfaitement conscience de ce qu’ils font.
De plus, la personnalité même de Batman relève du pathologique et certains troubles mentaux du DSM (la plus grande classification des maladies mentales) se retrouvent en lui: schizoide, paranoïaque et schizotypique en tête.
Pour finir je finirais par une phrase de « L’Asile D’Arkham » (Morrisson/McKean) que je conseille à tous de lire et qui illustre parfaitement ma pensée : « Amuses toi bien dehors, dans l’asile, mais le jour où ça devient vraiment trop dur, n’oublie pas… il y aura toujours une place pour toi ici. » (Joker à Batman)
Arkham Asylum a plein de phrases qui renvoient directement à la folie de Batman ouais. Ma préférée reste (celle de ma signature) : « et quand j’entrerai dans Arkham, que les portes se refermeront derrière moi, j’ai peur que je m’y sente…chez moi »
Personnellement, j’aime beaucoup l’analyse de Mazzucchelli sur Batman dans les bonus de Year One avec le fait que Batman soit un petit garçon enfermé dans un corps d’adulte. Ça explique selon le dessinateur pourquoi son complice est un gamin. Ce n’est peut être pas une analyse totalement vraie, mais je l’aime bien, et ça colle assez bien aux aventures joyeuses du silver age.
Ce qui est clair, c’est que Wayne a cessé de vivre normalement le jour où ses parents sont morts. Comme le dit Mazzucchelli (encore lui, décidément), « pas de crime, pas de Batman », ou en tout cas pas sous cette forme. Il est claire que c’est un grand traumatisé, il faut quand même se figurer que cet homme à partir de l’instant où ses parents sont morts, à sacrifier sa vie entière, son enfance, pour devenir l’Homme parfait, physiquement et mentalement pour éradiquer toute forme de crime. Comme le dit Miller « Il rêve d’un monde meilleur où un jeune Bruce Wayne ne serait pas une victime. En fait il veut se rendre inutile. Batman est un héros qui espère ne pas avoir à exister ».
Il a un côté tellement acharné dans sa lutte, dans la grandiloquence de son alter-ego, dans l’emprise que ça a sur sa vie (Bruce Wayne est quand même plus Batman que Bruce, qui semble être le moment où il revêt véritablement le masque, c’est dire !), dans le respect absolu qu’il a de ses règles (ne pas tuer, ne pas utiliser d’armes à feu), qu’il a un petit côté fou pour ma part. Et puis, comment ne pas voir dans Killing Joke ou Arkham Asylum (ok, apparemment c’est un elseworld, mais je ne le considère pas comme ça pour ma part, le récit étant, je trouve, plutôt canonique), le témoignage directe de la folie du personnage ? Il faut dire qu’il a bien été poussé à bout par ses adversaires.
Bruce Wayne joue un personnage en permanence, qu’il soit avec ou sans le masque (il passe son temps à cacher des choses à ses alliés). Ça n’aide pas non plus.
Bref, vivement qu’on interne Batman définitivement à Arkham et qu’on laisse travailler la police comme il se doit.
Merci pour ton post très intéressant et effectivement cette analyse est très pertinente.
Déjà, quand tu te fous une cagoule noire sur la tronche avec des oreilles pointues dessus, on peut déjà partir du postulat qu’il y a un problème (mais bon, c’est pas le pire, y a Wildcat :D). Mais quand en plus tu fais des petites fiches de révisions sur « Commen tacler de façon nette et précise tes coéquipier » ou que tu files des fringues flashy à ton acolyte alors que le but du jeu, c’est d’être discret face à des hommes armés, là ça devient une évidence. D’autant qu’un personnage qui base son « pouvoir » sur la peur, historiquement, on sait tous ce que ça donne au final. J’espère que tu verses quelques royalties à Durendal pour ta conclusion ;)
C’était une conclusion pour vérifier qui connaissait, c’est machiavélique. Je lui en veut de dire que Batman et Robin est son film préféré alors j’ai décidé de m’approprier sa façon de troller.
Nan cette référence à Durendal est interdite ! Je refuse !
Sinon c’est pas mal mais à chaque fois j’en attend un peu plus. Ça s’arrête toujours là où ça devrait commencer.
Sinon pour le détail, quand est ce qu’elle arrive en VF la fille du joker ?
Cher ami, c’était un petit troll gentil tu es tombé dedans.
Le but des off my mind n’est pas souvent de faire une démonstration même si c’est le cas. On réagit souvent à l’actualité. Mais là je voulais juste évoquer mon intérêt pour cette problématique.
Ce n’est pas un dossier et c’est un questionnement.
Merci de m’avoir lu dans tous les cas.
Je ne sais pas si la « fille du Joker » arrivera en VF. Je sais qu’Urban ne va pas publier son très mauvais numéro du villain month, pour le one shot de Bennet il faut attendre !
Bien sympa ce off my mind! Merci!
De bonnes pistes de réflexion, merci ! :)
»Et je jure de l’esprit de mes parents pour venger leurs rêves le reste de ma vie et de pourchasser les criminels. » Detective Comics no.33/1939
Quelques jours après l’assassinat de ses parents, nous voyons le jeune Bruce dans cette scène émouvante à genoux près de son lit et en prière les mains jointes. Cet événement commença à le façonner, devenu adulte il devenait un maître en science et s’entraîna physiquement. C’est après qu’il identifia la chauve-souris comme symbole de peur(dans le Comic Bruce parle de superstition des gens concernant la chauve-souris). Nous avions ici toutes les prémisses du Golden Age pour élaborer la folie de Batman dans notre temps moderne. Il faut considérer Bruce Wayne qui équilibre la personnalité, d’autres fois compliquent le questionnement de l’existence de ce symbole, de ce concept et de sa raison d’être. On oublie souvent Alfred qui a été un véhicule très important à l’équilibre de maître Bruce.
Cette idée et ce concept de folie est un sujet appartenant à un processus créatif de notre temps, précisément la période »Dark » de Batman. Nous la considérons maintenant comme un élément Canonique
Toujours sympa à lire.
Une remarque récente d’un ami qui s’est mis au comics il y a moins de 6 mois : « Mais enfaite, le plus fou de tous, c’est Batman. Car dans une ville où règne le chaos et l’anarchie, où il n’y a pas de justice et où l’absence de norme devient la norme, vouloir remettre le chaos c’est aller contre la loi en place. C’est en refusant le chaos, c’est dans ce désir de mettre un ordre que Batman montre sa folie ».
La remarque se tient parce qu’au final, Batman ne peut être que fou, comme tous les habitants de Gotham, sinon tout le monde aurait fuit depuis longtemps