Aujourd’hui, il est impossible d’avouer son amour pour la série Batman des années 60 sans que l’on vous croie ironique, et c’est un véritable problème, du moins pour ceux qui comme moi, ne jurent que par ce cher Adam West. Il est certain que cette franchise est connue pour son style « campy » et kitsch, mais rien ne vous oblige à hurler « mais ils ont pris de la drogue » avec un accent du sud un peu forcé dès que l’on vous parle de ceux qui ont imaginé cette version du chevalier pas-si-noir-que-ça-finalement. Certes, la vision que l’on a actuellement de l’univers de Batman est à des années lumières de celle-ci, mais ne vous laissez pas tromper, ce show vaut le détour, si du moins vous avec un minimum de sens de l’humour.
SA GENÈSE
Après deux serials, en 1943 et en 1949, Batman retrouve une incarnation en chair et en os en 1966, dans cette série produite par William Dozier (à qui l’on doit également la série TV The Green Hornet, produite à la même époque). La Fox ayant obtenu les droits du comic-book auprès de DC, décida de confier la série à ce producteur qui n’avait jamais ouvert un numéro de la bande-dessinée de sa vie ; il pensait au départ réaliser un show d’aventures plutôt sérieux, mais après la lecture d’un certain nombre d’épisodes, il en conclut qu’il était bien plus judicieux d’en faire une adaptation comique.
Une fois la pré-production en route, il fallut caster des acteurs pour les rôles de Batman & Robin, puisqu’à cette époque pré-Year One, il était extrêmement rare de trouver des numéros du comic-book dans lequel la Chauve-Souris n’était pas accompagnée de son fidèle acolyte. Deux « dynamic duos » furent retenus pour passer un Screen Test, Lyle Waggoner et Peter Deyell, ainsi qu’Adam West et Burt Ward. Ce sont évidemment ces deux derniers qui obtinrent les rôles qui à ce jour restent les plus emblématiques de leur vie (pour la petite anecdote, Waggoner fut retenu 10 ans plus tard dans le rôle de Steve Trevor dans l’adaptation TV du comic-book Wonder Woman avec Lynda Carter).
La série débuta le 12 Janvier 1966 et s’acheva le 14 Mars mars 1968, totalisant 3 saisons et 120 épisodes de 25 minutes chacun, étant diffusée à un rythme bihebdomadaire sur la chaîne ABC. Deux épisodes formaient à chaque fois une histoire, coupée à la fin de la première partie par un cliffhanger de folie et une annonce qui promettait de retrouver nos héros « Same Bat-time, same Bat-Channel » quelques jours plus tard.
LES PERSONNAGES
Les Bons
Batman/Bruce Wayne (Adam West)
Protecteur de Gotham City, Batman est un super héros qui combat le crime à l’aide d’un équipement loufoque composé de divers accessoires dont le nom est systématiquement précédé du mot « Bat » ; pensons à la Bat-corde, le Bat-radar, les Bat-menottes, les Batarangs… Il coopère avec la police de la ville et voue sa vie à combattre le crime et à faire respecter la morale. Il est accompagné dans sa quête par son fidèle acolyte, Robin, avec qui il forme le dynamic duo. Sous son masque se cache Bruce Wayne, célèbre milliardaire philanthrope, bienfaiteur de la ville, lui-même ami du commissaire Gordon et du Chef O’Hara, bien que ceux-ci ignorent son identité secrète, uniquement connue de son majordome et de Dick Grayson.
Robin/Dick Grayson (Burt Ward)
Pupille de Bruce Wayne, le jeune Dick Grayson a endossé le costume de Robin afin de combattre le crime. Dans cette série, rien n’est dit sur le sort des parents du jeune homme et il apparaît comme un jeune garçon assez impulsif et très naïf, ce qui en fait l’un des principaux ressorts comiques du show. On retient cette version du boy wonder pour ses fameux « holy [quelque-chose] Batman ! » . Notons que Burt Ward avait 21 ans lorsqu’il a commencé à jouer dans la série, ce qui rend encore plus ridicule son personnage de jeune adolescent.
Afred Pennyworth (Alan Napier)
Majordome de Bruce Wayne, Alfred Pennyworth est la seule personne qui connaît les identités secrètes de Batman et Robin. Cette version du personnage prend souvent part aux activités du Dynamic Duo et nous pouvons ainsi le retrouver par moments au volant de la Batmobile.
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Commissaire James Gordon (Neil Hamilton)
James Gordon est le chef de la police de Gotham et l’un des plus précieux alliés de Batman. Lorsqu’une affaire lui échappe, il n’hésite pas à appeler le Caped Crusader à la rescousse, à l’aide du Batphone, ligne directe reliée à la Batcave. Il est aussi le père de Barbara Gordon, dont il ignore l’identité secrète.
Chief Miles O’Hara (Stafford Repp)
Personnage créé pour les besoins de la série, le Chef O’Hara est un policier sous les ordres du commissaire Gordon, il fait lui aussi partie des alliés de Batman.
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Harriet Cooper (Madge Blake)
Harriet Cooper est la tante de Dick Grayson. Elle est bien intégrée dans la haute société de Gotham et participe aux activités de divers clubs. Elle voue aussi une admiration sans borne au Dynamic Duo.
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Barbara Gordon/Batgirl (Yvonne Craig)
Fille du commissaire Gordon et bibliothécaire, Barbara opère aussi sous l’alias de Batgirl, identité qu’elle a prise afin d’aider Batman, qu’elle admire, dans leur lutte contre le crime. Elle possède un repaire secret auquel elle accède via le placard de sa chambre, c’est dans cette cave qu’elle cache son costume ainsi que sa Bat-moto. Batman prétendra au début de la carrière de la jeune femme que la lutte contre le crime, ce n’est pas pour les filles mais la donzelle ne se démontera pas et continuera d’aider nos héros qu’elle tirera d’affaire plus d’une fois.
Les Ennemis récurrents
Le Riddler (Frank Gorshin)
Edward Nigma est le plus malin des ennemis de Batman. Il défie souvent le chevalier noir en le confrontant à des énigmes totalement capilotractées, aux solutions improbables. L’interprétation de Gorshin est mémorable et l’acteur a permis au personnage de s’imposer comme l’un des plus importants de la rogue gallery de Batman.
Le pingouin (Burgess Meredith)
Criminel connu pour son amour des oiseaux et son arsenal improbable de parapluies high-tech, le pingouin mettra de nombreuses fois le dynamic duo en difficulté. Burgess Meredith excelle dans ce rôle caricatural, et le look de son personnage, haut en couleurs, tranche radicalement avec le pingouin que l’on connaît aujourd’hui.
Le Joker (Cesar Romero)
Plus grand ennemi de Batman, le clown prince du crime est le criminel le plus redoutable de Gotham. Dans la série, on apprend qu’avant d’être un criminel, il avait été un maître de l’hypnose. Il met régulièrement en place des plans plus loufoques les uns que les autres afin de donner du fil à retordre à nos héros et possède un arsenal complet de gadgets tout droit échappés d’un magasin de farces et attrapes. Notons que Cesar Romero a refusé de se raser la moustache pour le rôle, celle-ci étant simplement recouverte de maquillage blanc.
Catwoman (Julie Newmar saison 1 & 2, Eartha Kitt saison 3, Lee Meriwether pour le film)
Catwoman est une voleuse redoutable, qui cherche à s’approprier tous les objets précieux étant rattachés au thème des félins. Elle est attirée par Batman, mais puisque les deux personnages se situent chacun d’un côté différent de la loi, la relation entre les deux est rendue impossible.
POURQUOI REGARDER CETTE SÉRIE ?
Cette série mérite d’être vue, d’autant plus que les problèmes de droit qui existaient auparavant ont disparu et que Warner est sur le point de rééditer l’intégralité des épisodes au format DVD/Blu-ray, vous n’aurez plus l’excuse de la rareté ou de l’indisponibilité de la chose. Rien que pour son ambiance décalée, la série vaut le détour, si vous appréciez l’humour slapstick, l’esthétique comic-book du Golden Age avec un rendu haut en couleur et des onomatopées affichées à l’écran ainsi qu’un second degré permanent.
De même, le jeu d’Adam West vaut le détour, il incarne un Bruce Wayne très sérieux, et son Batman garde le même ton, en dépit de son costume et des situations loufoques dans lesquelles il va se trouver. Le côté moralisateur du personnage est tourné en dérision et l’univers délirant de la série voit apparaître des ennemis spécialement créés pour l’occasion, tous plus étranges les uns que les autres ; chacun d’entre eux ne manquera pas de vous surprendre.
Ainsi, on rencontrera King Tut, incarné par Victor Buono,un égyptologue devenu super vilain, persuadé d’être la réincarnation de Toutankhamon dès qu’il reçoit un coup sur le crâne. Ce personnage occasionne des épisodes loufoques, où il forcera notamment Batman à danser… Le personnage d’Egghead est lui aussi excellent, joué par le grand Vincent Price. Il est un grand criminel qui fait une fixation sur les œufs, et enchaîne les jeux de mots lamentables sur ce thème (« Egg-zactly », « egg-cellent »). Voir Price surjouer de la sorte un vilain aussi ridicule est un véritable plaisir, tant l’acteur est à contre-emploi. Et que dire de cette bataille d’œufs entre lui et Adam West ? C’est un véritablement moment d’anthologie…
N’oublions pas la rogue gallery classique de Batman, qui n’est pas en reste, elle est employée de la même manière que dans les comics des années 1940 – 1950, dans un ton très second degré, on ne croit pas une seconde que ces vilains représentent une quelconque menace avec leurs pièges loufoques dans lesquels se trouvent pris Batman et Robin à chaque cliffhanger, mais c’est avec un plaisir coupable que l’on se surprend à enchaîner le visionnage de la série.
TOP 5 DES MEILLEURES HISTOIRES
Attention, ce top purement personnel peut contenir des spoilers sur les épisodes présentés, lisez-le donc à vos risques et périls.
5. Le film
Le film sorti en 1966 fait évidemment partie des meilleures histoires de la franchise ; non seulement il contient l’intrigue la plus WTFesque de l’histoire de l’humanité, mais le team-up des méchants qui y sont présents, à savoir le Joker, le Riddler, Catwoman et le Pingouin, fait des étincelles. Et que dire de ces gags de légendes que sont le spray anti-requin, le sacrifice du marsouin et la séquence de la bombe ? Du grand art, assurément.
4. The Penguin Goes Straight / Not Yet, He Ain’t (Saison 1, épisodes 21 et 22)
Le Pingouin est l’un des méchants les plus charismatiques de la série ; l’interprétation de Burgess Meredith est mémorable et ses « bruits de pingouin » resteront longtemps associés au personnage. Cette histoire, inspirée d’un comic book qui mettait en scène le Joker à la place de notre cher Oswald Cobblepot, nous montre un Pingouin qui se serait retiré de toute activité criminelle et qui commence à gagner de la popularité auprès du public. Bien évidemment, les apparences seront trompeuses et le naturel reviendra au galop. Il est d’ailleurs amusant de voir que le scénario du Batman Returns de Tim Burton semble inspiré en partie de ce double épisode.
3. Enter Batgirl, Exit Penguin (Saison 3, épisode 1)
Dans la dernière saison de la série, le personnage de Batgirl fait son apparition, et la présence d’une femme dans l’un des rôles principaux est bienvenue. Barbara n’y est pas présentée comme une cruche, et bien qu’elle commence mal l’épisode, étant dans un premier temps kidnappée par le Pingouin, elle parvient à sauver Batman et Robin et il n’est pas négligeable de voir l’importance donnée à une femme dans cette série qui jusqu’alors mettait en avant des personnages très virils dans leurs costumes moulants.
2. An Egg Grows in Gotham/ The Yegg Foes In Gotham (Saison 2 episodes 13 et 14)
Egghead est clairement le plus cool des ennemis inventés pour les besoins de la série, en raison de la performance exceptionnelle de l’immense Vincent Price qui campe un criminel manipulateur « de génie » qui essaie de mettre en péril Gotham City en jouant sur une étrange tradition ancestrale reposant sur les liens entre la ville et une tribu d’indiens d’amérique qui en possède les terres. Il est certainement de mauvais goût de présenter cette population d’une manière stéréotypée, mais avouons que ça a son charme, surtout quand le chef s’appelle Screaming Chicken. De même, les blagues sur le mot « egg » sont toutes « egg-cellentes » si l’on adhère à l’humour de la série.
1. The Purr-fect Crime / Better Luck Next Time (Saison 1, épisodes 19 et 20)
La tension qui existe entre Catwoman et Batman dans les comics du Golden Age est magnifiquement représentée dans ce show télévisé, et ces deux épisodes parviennent à nous montrer un Batman troublé par la criminelle, alors que Robin en semble jaloux (car il y a évidemment un sous texte homo-érotique dans cette version de Batman, c’est de notoriété publique). Julie Newmar est sublime dans le costume de la femme-chat et son comportement exagéré est tordant ; malgré tout cela, elle parvient à faire de Selina un personnage tragique, lorsque l’on comprend que sa rédemption est impossible. N’oublions pas la confrontation entre Batman et un tigre, au climax de l’histoire. Et puis, les jeux de mots en « Purr », c’est tellement sexy…
L’INFLUENCE DE LA SÉRIE TÉLÉ
Une série qui a sauvé Batman
Sachez tout d’abord que la série a permis de sauver Batman, car son comic-book était à l’époque en perte de vitesse et le show télévisé a permis au personnage et à son univers de s’intégrer pleinement dans la pop culture, le héros était omni-présent aux états-unis à l’époque de la diffusion de la série, et on a parlé d’une véritable Batmania. Les ventes de la bande-dessinée ont elles aussi augmenté suite à ce gain de popularité, et cela a permis au Chevalier Noir de s’imposer comme le plus grand des super-héros de chez DC, place qu’il n’a pas quittée de nos jours.
De même, les méchants les plus célèbres de la franchise Batman ont été remis sur le devant de la scène grâce à cette émission. Le Comics Code Authority s’était imposé et Catwoman, le Pingouin et le Riddler avaient été mis au placard. L’interprétation du Riddler par Frank Gorshin a popularisé le personnage dont la dernière apparition sur papier avait eu lieu en 1948. Qui aurait cru que cet ennemi de Batman, que l’on retrouve actuellement à une place cruciale dans l’arc Zero Year, avait failli disparaître ?
Les références à cette série
Beware the Gray Ghost, 18 ème épisode de la première saison de Batman : The Animated Series, rend hommage à Adam West, qui y incarne Simon Trent, un acteur qui avait été célèbre pour son rôle du « Gray Ghost » mais dont la popularité s’est effondrée, ce qui n’est pas sans rappeler la situation de West dans les années 90. Trent aidera Batman à résoudre une affaire et renouera avec la popularité, dans cet épisode émouvant qui rend hommage à celui qui aura été Batman pour toute une génération.
La série The Brave and the Bold fourmille de références à l’univers de la série tv des années 60, Egghead et King Tut y font des caméos et le personnage de Batman ressemble étrangement à celui incarné par Adam West, ce qui est renforcé par les paroles d’une des chansons du Music Meister qui fait référence au Batusi, mythique danse qui a aussi été reprise dans le fameux Pulp Fiction de Tarantino.
Comic book dérivé
En raison du statut culte qu’a la série de nos jours, DC a lancé en 2013 une série de comics numériques intitulée Batman ’66 qui se situe dans la continuité de la série et qui en reprend tous les éléments, en y ajoutant des concepts et personnages qui n’existaient pas encore à l’époque de la diffusion du show. Le comic est d’une qualité tout à fait satisfaisante et Jeff Parker est, pour le moment, parvenu à capturer l’essence de la série télévisée dans cette sympathique bande-dessinée dérivée, qui à défaut d’être mythique et indispensable reste sympathique et agréable. Et puis avouez bien qu’une Harleen Quinzel version 1966, ça en jette grave !
D’ailleurs les fans pourront retrouver cet été une nouvelle mini-série de 12 numéros : Batman ’66 Meets the Green Hornet co-écrite par Kevin Smith et Ralph Garman avec les dessins de Ty Templeton. Une série rendant bien entendu hommage au crossover qui a eu lieu en 1967 et qui suivait Batman & Robin et Kato (Bruce Lee) & Green Hornet (Van Williams).
Très bon dossier. Très intéressant. Une fois de plus j’ai appris pas mal de choses et c’est vrai que cette série est très kitch mais très drôle voir ridicule.
Je n’avais que 11/12 ans à sa sortie. lol Le plus étonnant, une fois devenu adulte, j’en reviens pas des grands noms d’acteurs qui ont joué dans la série. Petit détail dans le scénario; très souvent Batman intégrait de petites leçons de bienséance et de civisme, comme dans un de ces épisodes où Batman veut stationner la Batmobile, mais il se ravise voyant l’interdiction de se stationner à telle heure, il dit à Robin: »Tu vois Robin, il est toujours important de respecter la Loi en tout temps. » lol lol
Très belle présentation Zep, merci.
Ah, tient petit complément. J’avais adoré ce fameux crossover entre Batman et Green Hornet. Batman apparaît dans la série GH, Green Gornet dans la série Batman. C’était le Top à l’époque, un peu comme Arrow et Th Flash qu’on a vu la semaine passée ds le trailer.
C’est vrai que je n’ai pas pensé à le mentionner, l’épisode était plutôt fun en effet !
Super dossier!
Un bien bon dossier, qui me rappelle de rattraper mon retard sur le comics Batman 66.
A noter aussi les références de la culture « pop » post-90 qui rend hommage à cette série, notamment au design du Batman d’Adam West devenu curieusement hype (dans la mouvance du style années 60), en musique (en hip hop, notamment, c’est étonnant de voir des références un peu partout. Chez Eminem – Business, Without Me, Gatman & Robin – Snoop Dogg, etc), dans les films de Joe Schumacher – avec des codes moins adaptés au public moderne, mais tout de même présents; et en comics, évidemment (ne serait ce que dans le génial Batman Noël, le micro-flashback avec Catwoman, tout à fait assumé par Bermejo d’ailleurs^^).
Puis pour m’être penché par curiosité ou dans des anthologies sur les comics Batman des années 60, finalement, y a pas tant à râler que ça du point de vue cohérence. Ils auraient même pu aller plus loin finalement.
Après, l’humour a quand même pris un bon gros coup de vieux, comme tout ce qui s’est fait dans les années 60, faut vraiment avoir la passion du rétro pour s’y replonger.
Elle est annoncée à quand la réédition de la série et à quel prix ?
Super dossier !