Review VF – Justice League Tome 3 : Le Trône d’Atlantide

Les points positifs : Dessins époustouflants Il se passe enfin quelque chose dans la Justice League ! Le tiraillement d’Aquaman Les points négatifs : Pauvreté générale des dialogues À part Aquaman, les membres de la JL sont fades Le mini-arc sur Cheetah

« Baissez vos armes ! Arrêtez ça ! » – Aquaman

• Scénario : Geoff Johns, Jeff Lemire – Dessin : Ivan Reis, Paul Pelletier, Tony Daniel

• DC RENAISSANCE – Justice League T.3 – 25 Avril 2014 – 208 pages – 19€

Tout le monde ne cesse de le répéter : les deux premiers arcs de la Justice League ont été des semi-échecs. Malgré la présence de Jim Lee et Geoff Johns, deux noms parmi les plus vendeurs de l’écurie de DC Comics, la crème n’a pas pris, la faute à une caractérisation qui partait à vau-l’eau, à des menaces peu impressionnantes. Notre bien-aimé suzerain Nathko, qu’il soit loué, évoquait dans sa review du deuxième tome trois critères que doit remplir une bonne histoire de la Justice League. Il lui faut une dose respectable d’action, de bastons épiques ; il lui faut un vilain digne de ce nom, avec du charisme et un impact ; finalement, et non pas des moindres, il lui faut une bonne dynamique de groupe, il faut que les relations entre les membres soient soignées. De ces trois critères, les deux premiers arcs de la Justice League n’en remplissaient qu’un seul, à savoir l’action. Ce troisième tome relève enfin la barre, apportant une menace préoccupante sur la Justice League et l’Amérique, et rehaussant un peu le niveau de la caractérisation.

Le tome débute avec deux numéros consacrés à la relation Wonder Woman – Cheetah. La réintroduction du personnage dans les New 52 remplit son office, en fournissant une origin story classique mais acceptable de la Némésis de Wonder Woman, laquelle est mise en avant de manière plus avantageuse que ça l’avait été fait jusqu’alors. Mais le gros du volume est occupé par le cross-over du Trône d’Atlantide, dont la trame pourrait se résumer en vitesse à une attaque des Atlantes menés par Ocean Master sur quelques villes du continent et sur la Justice League qui tente de les défendre.

De cette attaque naît naturellement une tension chez Aquaman, déchiré entre ses collègues de la Ligue de Justice et ses racines sous-marines. Il va tour à tour tenter de calmer les deux fronts, mettre des beignes à l’un, mettre des beignes à l’autre. À chaque chapitre, il est invariablement mis au premier rang par Geoff Johns, dont on sent plus que jamais l’attachement pour le personnage. Hélas les autres souffrent de la place que prend le Roi des Sept Mers. Et leur entêtement dans la voie de la violence au détriment de celle du dialogue lorsqu’Aquaman tente d’aller calmer Ocean Master les fait passer pour des brutes têtues. Le peu de développement qu’ils subissent se réduit presque aux deux numéros avec Cheetah, qui proposent un dialogue sympathique entre Flash et Cyborg, révélant les accès de découragement que traverse Victor Stone depuis qu’il a été mécanisé. Batman et Superman sont quant à eux plutôt fades, on ne retient du premier qu’une scène où il espionne Superman et Wonder Woman en train de s’embrasser (c’est d’un mauvais goût scénaristique…), et quant à Superman, il est vaguement intéressant lorsqu’il introduit Wonder Woman au concept de double-identité, mais de manière générale en tant qu’amant de l’Amazone il a l’air plus benêt que jamais.

Un des problèmes de cette Justice League, c’est qu’elle n’est pas encore soudée. Aquaman est un peu à l’écart pour des raisons évidentes mais c’est excusable vue la nature des événements. Mais il y également les efforts de Superman et Wonder Woman pour cacher leur relation, ce qui les isole, ou encore il y a Batman qui a la bassesse de les espionner dans leurs moments intimes. Green Lantern n’est plus dans le coup, Steve Trevor qui en faisait également plus ou moins partie quitte aussi la Justice League dans ce tome, avec tout ça il y règne une ambiance de méfiance et de défiance générales qui fait que des répliques comme « Si les amazones débarquaient pour détruire cette ville, ce sont elles que j’affronterais, et non pas mes amis » (Wonder Woman) tombent un peu à plat, parce qu’on ne la sent pas, cette amitié. Il manque une  solidarité qui ne peut s’installer tant que les combats se passeront pour la majorité à l’interne. On se souvient en effet des premiers numéros de la série qui voyaient Superman frapper Green Lantern, Flash et Batman avant de poser les questions, ici, possédé par Cheetah, le même Homme d’Acier se retourne une fois encore contre la Ligue, puis c’est au tour d’Aquaman de s’en prendre à ses collègues, bref ces gaillards n’arrêtent pas de se bagarrer ça freine l’aboutissement d’un esprit de camaraderie.

Là où le Trône d’Atlantide se rattrape, c’est dans sa dimension spectaculaire. Les scènes d’action et de dévastation prennent des proportions épiques face au nombre d’Atlantes, de monstres marins (les mêmes aperçus dans le premier tome d’Aquaman) et de justiciers, plus nombreux grâce au soutien des réservistes comme Firestorm, Vixen, Hawkman, etc. Les dessins d’Ivan Reis et ceux, très légèrement moins impressionnants, de Paul Pelletier, servent cet aspect, permettant la réalisation de nombreuses double-pages à couper le souffle, souvent portées par un personnage au premier plan en train de clamer une réplique bad-ass. À la différence des débuts de la série, les blagues sont peu nombreuses, laissant un ton plus sombre s’installer, que rejoint un orage quasiment permanent enveloppant le cross-over d’une atmosphère humide et apocalyptique. La volonté de Geoff Johns de doter les enjeux d’un penchant dramatique est sensible, particulièrement dans le déchirement de Aquaman, dans sa relation qui le lie aux Atlantes, à Vulko, au trône et à la Justice League. Mais à dire vrai, il ne réussit qu’à moitié, c’est bien davantage pop-corn que chargé d’émotions.

Le vrai sans-faute de ce recueil, c’est les dessins. Ivan Reis et Paul Pelletier servent des planches impressionnantes, fourmillantes de détails. La puissance des personnages, l’océan qui étend sa domination sur les villes menacées, la pluie perpétuelle, … Je déteste cette expression, mais je l’utiliserai cette fois seulement « On en prend plein la vue », à tel point que même un adepte de styles plus épurés sera charmé par ce qu’il verra ici. Le seul bémol serait le numéro #14 d’Aquaman qui sert de prologue au Trône d’Atlantide, le style de Pete Woods est satisfaisant mais la comparaison avec Ivan Reis n’est pas à son avantage. Finalement, pour le gros du cross-over c’est Rod Reis qui se charge de la colorisation (un cousin d’Ivan ?) et suit les dessinateurs dans leur sans-faute, privilégiant des tons glacés et sombres qui s’accordent merveilleusement avec l’ambiance du titre.

Le Trône d’Atlantide est sans l’ombre d’un doute le meilleur arc traversé par la Justice League jusqu’ici. Spectaculaire, nerveux, truffé de scènes de combat mémorables et relevé d’un twist inattendu, il rentre parfaitement dans la catégorie blockbuster et satisfera ceux qui demandent leur lot de lecture pop-corn du mois. Ceci dit, contrairement à ce que les notes mirobolantes qui traînent sur internet auraient pu laisser croire, on attend toujours qu’une cohésion et qu’une amitié s’installent dans cette Justice League, ici obscurcie par le traitement d’Aquaman.