Review VF – Nightwing, Tome 3 : Hécatombe

Les points positifs : La composition et l’intelligence de ce tome. De vrais impacts pour le personnage. La fin chargée d’émotions… Les points négatifs : … mais certainement pas autant que dans Batman & Robin #18, il est vrai. Les visages de Juan Jose Ryp qui gâchent un peu l’ensemble. Lady Shiva, un peu inutile.

« Ne l’écoutez pas Mr. Grayson, ce n’est pas de vôtre faute. » Christina

• Scénario : Kyle Higgins, Tom Defalco (partie 1 et 2)  – Dessins : Eddy Barrows, Andres Guinaldo et Juan Jose Ryp

• DC RENAISSANCE – Nightwing tome 3 : Hécatombe – 14 Mars 2014 – 176 pages – 17,5€

Le calme devient pesant sur Gotham City. Et cela inquiète Nightwing. Le Joker a fait son comeback (en massacrant quelques policiers au passage) et la plupart des malfrats ont disparu de la circulation. Mais le lien de cause à effet ne se situe peut-être pas là, car d’habitude, quand le Joker est en ville, c’est le bazar. Il y ‘a définitivement un truc qui cloche, et le héros veut en avoir le cœur net. Pendant ce temps là, Dick Grayson, à la tête du Cirque Haly, continue la restauration d’Amusement Mile, pour y implanter le cirque. Cela se passe plutôt bien, même si Dick doit parler affaire avec Sonia Branch, la fille de Tony Zucco (le meurtrier de ses parents), et qu’il ne sait pas sur quel pied danser avec elle, surtout qu’elle n’a visiblement pas qu’un intérêt professionnel envers lui…

Après un second tome un poil poussif avec un arc où Dick essayait de se dépatouiller d’une accusation de meurtre et autres machinations en tout genre, ce tome se recentre réellement autour du personnage. Et ça fait du bien. Il se découpe en trois parties. La première présente l’état des lieux du personnage, pour qui tout semble aller au mieux, avec une affaire en bonne voie concernant le Cirque Haly. La seconde, très violente, plonge le personnage en enfer, avec les ties-in de Death of the Family. La dernière partie, très lourde émotionnellement, affiche les conséquences de tout ça, ainsi que celles de la mort de Damian (qui elle est lié à Batman Incorporated). On dit souvent que Death of the Family n’a eu aucune conséquence. Moi le premier. Mais ce qu’on nous raconte ici présente clairement ceci comme une fausse affirmation. La première partie, trop légère sur l’intrigue impliquant Lady Shiva, est surtout là pour présenter un Dick Grayson résolu à protéger son cirque, le cirque de son enfance, et tous ses amis présents dans ce dernier. Tom Defalco, en charge de ses deux premiers chapitres, vise juste et met en place de bons ressorts scénaristiques en liant certains personnages, comme Dick et cette petite fille blonde, Christina, qui est l’enfant des nouveaux trapézistes du cirque Haly, à travers une scène touchante et pleine de bon sens, renforçant ainsi ce que Higgins a mis en place dans les tomes précédents. On remarquera aussi son amitié avec Jimmy, le clown, avec qui ça avait très mal commencé depuis son « retour » dans les affaires du cirque. La relation Dick/Sonia est clairement aussi positionnée dans cette optique. On saupoudre le tout avec un peu de Batgirl, et le tour est joué.

Revenons maintenant sur les ties-in de DotF. Pris à part, de façon totalement détachée à la série, comme ils vous ont été servis dans les kiosques, ils n’ont, je pense, que peu de valeurs intrinsèques en terme d’intrigue. Mais la donne change si on lit attentivement les passages présents dans la première partie de ce volume, et les relations que posent ainsi Higgins. Le tout est rendu avec une violence véritablement inouïe pour le personnage, violence à la fois physique mais aussi morale. Nightwing est, je pense, un des personnages qui perd le plus dans cette histoire. Si on se fiche du personnage, qu’on a pas d’accroche avec lui, peut-être qu’on restera tout de même de marbre face à tout ça. Mais si l’on est attaché à lui, on ne pourra que partager sa détresse, et se sentir impliqué par la force de ces épisodes, qui démontrent bien l’importance des gens qui nous entourent, et du coût que la perte de l’un d’entre eux (ou plusieurs) peut avoir. Le titre du tome est assez évocateur à ce sujet, c’est une hécatombe pour Dick, pour sa stabilité, pour son estime personnelle, pour son optimisme affiché, qui le différencie pourtant bien souvent de Batman. Le prix à payer est lourd de conséquences. Et celles-ci s’affichent admirablement dans la troisième partie. À noter qu’Urban fait le choix de respecter l’édition VO en incluant le Batman #17 à l’équation. J’imagine que les plus râleurs d’entre vous vont trouver dommage de « payer » plusieurs fois pour ce numéro, mais ce numéro reste indispensable pour la continuité du personnage ne serait-ce que dans cet event. Outre le cassage de l’aspect graphique (qui prend une hausse considérable le temps du numéro de Capullo), il permet de bien comprendre le cheminement du personnage et sa présence dans le tome est logique. À contrario, Urban a choisi de ne pas inclure l’épisode Young Romance, ce qui est aussi très pertinent car cette histoire n’a vraiment pas sa place dans ce tome tant elle est en marge de ce qu’on y trouve (en plus d’être totalement inintéressante).

Et c’est surtout pour cette troisième partie (pourtant affreusement dessinée par moment, surtout sur les visages, mais j’y revient après) que je trouve que ce tome est vraiment bon sur le scénario. Higgins fait sauter les fameux ressorts qu’il a placé dans le tome précédent et surtout que l’on voit dans la première partie de celui-ci. Sans tout vous dévoiler, mais vous l’aurez de toute façon compris, Dick Grayson va devoir faire face à ses amis du cirque, et cela ne va pas se passer de la meilleure des manières. Des scènes assez poignantes, faisant écho à certaines scènes de la première partie (je vous parlait d’une petite fille blonde, retenez-là), viennent alourdir le fardeau que porte le personnage sur ses épaules, et nous entraînent dans sa chute inévitable. Le tout, toujours saupoudré d’un peu de Batgirl, pour respecter une certaine logique. Heureusement, Damian, bienveillant pour le coup, et qui a une histoire avec lui, vient faire peser la balance du bon côté. Mais il n’empêche pas à Dick, de prendre une décision radicale pour son futur, impliquant donc ce réel impact de DotF dont je vous ai parlé plus tôt. Mais comme un malheur n’arrive jamais seul, le tome se conclue par le numéro Requiem en rapport avec la mort de Damian, qui a été anticipée de manière vraiment très pertinente par Higgins dans le chapitre précédent…

On en vient maintenant à l’aspect graphique. Difficile de revenir à autant de légèreté après avoir évoqué la tristesse du scénario de ce tome, mais mon devoir m’y oblige. Et c’est beaucoup moins bien à ce niveau, hélas. Beaucoup de dessinateurs sur ce volume, et là, ça commence mal. Andres Guinaldo s’en tire vraiment très bien sur toute la partie pré-DotF. Mais il lui manque la touche qu’a su apporter Eddy Barrows depuis le début, qu’on retrouve fort heureusement sur la partie crossover. Et c’est, pour ma part, clairement magnifique. L’horreur qui y est dépeinte a du être une épreuve pour le dessinateur, quand on sait à quel point il est attaché au personnage. Par contre, ce qui fait vraiment tache dans le titre, alors que c’est justement où le scénario dévoile tout son potentiel, ce sont les dessins de Juan Jose Ryp qui, si il ne fait pas non plus des dessins globalement affreux et respecte l’anatomie des personnages, me pose vraiment un gros gros problème sur ses visages. Alors que, justement, le ressort émotionnel de toute cette partie se joue sur la réaction desdits personnages, et c’est parfois un peu entaché par des visages un peu… « moches ». Heureusement, ils ne sont pas tous ratés (sa Barbara Gordon est convaincante, mais son Dick ou son Damian, en contre partie, ouch…). Dommage, sans cet aspect quelque peu rebutant, le tome aurait été un quasi sans faute. Pour autant, il n’a pas réussi à enlever le chagrin que j’ai eu à la lecture.

Ce que traverse le personnage est d’une telle force émotionnelle que je n’ai pu, en tant que lecteur du personnage de longue date, que souffrir avec lui. Kyle Higgins n’est pas Peter Tomasi, cependant, avec ses moyens, il a réussi à me convaincre. L’ensemble est vraiment poignant et prenant. Et, malgré des dessins en berne dans la dernière partie, vous ne pourrez pas contourner ce tome. Si vous êtes attachés à Dick Grayson, cela n’aurait aucun sens. Ou alors, je ne comprend définitivement plus rien.