Review VF – Top 10 Tome 3 : Retour Aux Sources

Critique de Top 10 t. 3 - Retour aux sources
Les points positifs :
  • Imagination débordante
  • Beaucoup d’humour…
  • …à côté de thèmes sérieux
Les points négatifs :
  • Neopolis absente la moitié du tome
  • Les accès de colère de Robyn parfois forcés
  • Alan Moore trop provoc’ ?

« Vous aurez l’impression d’être des phénomènes de foire dans la plus grande ménagerie du monde. » – John Public


  • Scénario : Alan Moore Dessin : Gene Ha, Zander Cannon

Les aventures de Slinger, Smax, César et l’Oie Fantôme vous manquaient? C’est l’heure de retourner à Neopolis, la ville où tous les super-héros sont casés loin du monde civilisé, où l’individu le plus exceptionnel sera noyé dans la masse de capacités hors du commun qui l’entourent. Après avoir publié l’intégrale de la série Top 10, Urban gratifie le public français du graphic novel des Forty-Niners, racontant les exploits de la génération précédente des flics de Top 10, ainsi que de la mini-série Smax, faisant quant à  elle suite aux événements des tomes précédents, deux oeuvres distinctes réunies en un seule volume baptisé ‘Retour Aux Sources’. Vous en reprendrez bien un peu ?

Top 10 - Alan Moore - 2

Pour rappel, le concept de Top 10 repose sur une idée phénoménale. Face à l’émergence des super-héros partout dans le monde, les êtres humains ont décidé de se passer de leurs services et de les expédier invariablement dans une cité construite pour l’occasion, Neopolis, où ils auront tout le loisir de vivre entre eux et de s’auto-gérer. Le résultat, c’est une ville où des demi-dieux fraient avec les vampires, où le jeune aviateur prodige côtoie des savants fous nazis, où même les chats ont des pouvoirs, et où la moindre altercation sur la voie publique peut mener à un cataclysme. Pour prévenir ce genre de désagréments, la ville s’est dotée d’une force de police, seule apte à faire régner la loi (car en effet, les vigilants n’y sont pas tolérés), il s’agit de la brigade Top 10, composé de super-flics, dans une super-ville aux super-citoyens.

Dans ‘Bienvenue à Neopolis‘ et ‘La Rue nous appartient‘, on suivait le quotidien de ces policiers, et particulièrement celui de Robyn Slinger, alias Toybox, une jeune recrue assignée à la compagnie de Smax, géant invulnérable et de caractère renfermé. En s’engageant dans la police, elle marchait dans les traces de son père, le Major Lilliput. Et c’est la génération de ce dernier qui est dépeinte dans la première partie de ‘Retour Aux Sources‘ : les Forty-Niners (parce que ça se passe en 49, logique). L’intrigue se concentre sur Steven Traynor, alias Jetboy, un pilote de 16 ans s’étant taillé une réputation légendaire durant la 2ème Guerre Mondiale telle que, alors qu’il est dépourvu de pouvoirs, il se voit envoyé à Neopolis avec d’autres hommes de sa trempe. Dans le train, il rencontre Leni Muller, allemande reconvertie un peu sorcière avec qui il se liera d’amitié.

On replonge à travers le destin de ces deux personnages et de leur entourage dans l’ambiance qui faisait la force des deux premiers tomes. Le réalisme du quotidien de ces super-flics jouxtant le ton déjanté de l’univers se montre terriblement efficace. Alan Moore glisse par ailleurs de nombreuses références dans ces pages fourmillant de détails, le père de Robyn Slinger étant par exemple un hommage au livre satirique ‘Les Voyages de Gulliver‘ de Jonathan Swift. À côté d’une intrigue principale dont la fin du deuxième tome annonçait la couleur, de multiples sous-intrigues plus intimistes sont développées avec précision, l’occasion, selon l’habitude d’Alan Moore, d’approfondir les personnages et leurs problèmes respectifs. On y parle d’homosexualité, de drogue, de prostitution forcée, de fascisme… L’intelligente routine quoi !

Top 10 - Alan Moore - 1

Les dessins, toujours de Gene Ha, diffèrent radicalement de la série-mère, probablement à cause de la colorisation particulière de Art Lyon, qui, plutôt que de suivre l’exemple des douze numéros précédents, a opté pour des nuances de gris, n’utilisant que rarement des couleurs chaudes. Il parvient également à donner du relief aux personnages de Gene Ha, rappelant, de loin, le style célèbre de Alex Ross. Le résultat est loin d’être décevant, même si on peut s’attendre à ce que certains regrettent la patte plus traditionnelle qui empreignait les deux tomes précédents.

La deuxième partie, constituée de la mini-série Smax, par contre, pose davantage de problèmes. Si les dessins des Forty-Niners se distançaient des douze numéros de Top 10, que dire du trait de Zander Cannon qui prend le relais sur celui de Gene Ha? Il propose un style plus ‘cartoon’, rappelant davantage la BD européenne. Globalement c’est convaincant, mais Smax s’en trouve transformé, sa peau d’un bleu sombre passant à un bleu clair bien plus engageant, ce qui ne dessert pas le personnage qui y perd en noirceur. Ce changement est à l’image de son caractère, car si on l’avait vu s’ouvrir progressivement à ses collègues dans la série principale, dans cette mini-série il perd tout l’aura de mystère qui lui restait, à tel point qu’il ne ressemble plus beaucoup au Smax flic de débuts de Top 10.

Alan Moore emmène donc Smax et Slinger dans le monde d’origine du géant bleu, l’occasion de faire de la lumière sur ses origines. La dimension de Smax se révèle en fait une immense blague, une parodie déjantée de l’heroic fantasy comme on en trouve beaucoup (mais avec la touche Alan Moore en plus). Les références y pleuvent, passant par les classiques type Seigneur des Anneaux et même Harry Potter à de nombreux endroits, à des oeuvres plus undergrounds. La démarche aura peut-être l’air encourageante, mais le refrain est bien connu du public francophone à qui on sert depuis quinze ans des Lanfeust de Troy et autres Naheulbeuk se gaussant avec plus ou moins de subtilité des codes de la fantasy. Si vous ne vous en êtes pas encore lassés, il y aura de quoi rire.

La tendance de Alan Moore de mettre des sujets ‘sérieux’ pour rehausser le niveau de ses œuvres grince un peu dans Smax. La relation entre Slinger et le Grand Bleu est tout d’abord moins réussie qu’auparavant, les deux piquant des colères un peu à tout-va de manière artificielle, l’une menaçant de rentrer parce que l’autre a dit ça, puis, quinze minutes plus tard, l’autre encourageant l’une à partir parce qu’elle a dit ça. Réconciliation, dispute, réconciliation, … On comprend l’idée de donner un ton ‘réaliste’ à la relation ambiguë qui lie les deux personnages, mais ça sonne parfois faux. Ce défaut va toutefois disparaître en même temps que l’ambiguïté de cette relation lorsque va intervenir Rexa, la soeur jumelle de Smax. Alan Moore rangera ici l’inceste au même rang que l’homosexualité, le travestissement, et autres originalités humaines que la société rejette souvent et qu’Alan Moore prend goût à mettre en avant. Là, il présente la diabolisation de l’inceste comme un comportement lié à une culture. De cette manière, il semble faire un appel à la tolérance auprès du lecteur, abordant avec l’inceste un sujet autrement plus épineux que celui de l’homosexualité ou du racisme. Sans émettre de jugement moral, c’est possible qu’il franchisse une limite qui peut s’apparenter à de la bête provocation, et perd immédiatement en pertinence (et si ça ne tient pas de la provoc’, c’est encore moins à l’avantage d’Alan Moore).

Top 10 - Alan Moore - 3

Ce ‘détail’ dérangeant, se glissant entre le racisme et le SM, n’entame pas trop la narration du Maître Moore, qui place sur le chemin de Smax un monstre complètement délirant, merveilleux visuellement et d’une puissance effrayante que Moore souligne lorsqu’il ne fait que la suggérer. On regrette que le plan mis en place par les compagnons de Smax pour le liquider tienne d’un rationalisme s’inscrivant mal dans le merveilleux qui les entoure. Le procédé rappelle les romans de Poul Anderson, écrivain féru de science et de fantasy, qui s’amusait à envoyer des hommes de notre temps dans un monde merveilleux pour apporter des explications logiques à, par exemple, la transformation des trolls en pierre à la lumière du jour. Ici c’est grosso modo la même idée, mais c’est tout aussi mal amené que l’idée du nain de Naheulbeuk de monter une catapulte en vitesse face à un danger immédiat.

Dans l’ensemble, les 49-ers est très appréciable, mais, se basant sur les mêmes points forts qui faisaient la réussie de Top 10, on peut lui reprocher de ne rien apporter de neuf, sans compter que les méchants du scénario sont des ennemis un peu sur-réutilisés dans le monde des comic books (et du cinéma). Quant à Smax, on s’amusera peut-être devant la tournée en dérision du médiéval-fantastique, mais le personnage, pourtant l’un des plus charismatiques de la brigade Top 10, perd beaucoup de son aura au fur et à mesure qu’il s’ouvre au lecteur, et hormis un ennemi fantastique (dans le sens pas littéraire du terme), l’histoire pâtit de quelques écueils peut-être impardonnables. Sans parler d’une réelle déception, c’est peut-être ce que vous lirez de moins génial chez Alan Moore.

Un deuxième avis c’est bien aussi !

Deux récits pour deux approches totalement différentes. Forty-Niners nous plonge dans la création de Néopolis, dans un univers dur et sombre, merveilleusement illustré par Gene Ha. Où Alan Moore aborde des sujets de société à travers son univers riche et profond. Puis une histoire qui semble plus simpliste tant par le scénario que les dessins mais qui au final peut être lue par des jeunes et moins jeunes et leur apporter à chacun quelque chose. C’est une véritable petite pépite d’écriture de la par de Moore. Et comme toujours dans son œuvre Alan Moore met en avant l’envie et le droit à la différence de chaque individu au sein d’une même société pas toujours suffisamment ouverte. Que ce soit à travers l’homosexualité de Jetman ou l’amour incestueux de Smax. Top 10 reste un formidable récit d’Alan Moore où le maître pointe du doigt l’intolérance de notre société !
Bref, assez loin des deux premiers volumes, ces deux miniséries n’en restent pas moi tout aussi riches, travaillées et profondes (et avec toujours autant de clins d’oeil : Harry Potter, Casper, Winnie l’Ourson, Fritz Lang, Dennis la Malice…). Alan Moore continue de s’en prendre à notre société à travers le monde, tellement différent mais en même temps si proche de nous, de Néopolis, où peut importe notre puissance, notre look, nos pouvoirs, notre race, il y aura toujours une majorité oppressante pour tenter de nous empêcher d’être nous-mêmes pour peu que l’on soit un tantinet original ou hors de la normalité acceptable. Loin de la série-mère mais tout aussi indispensable.

– Biggy

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5 Commentaires
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CaptainMasked
10 années il y a

J’ai adoré les deux premiers tomes. J’attends beaucoup de lui même si, d’après ta critique, tu n’a pas vraiment apprécié TheRiddler.

CaptainMasked
10 années il y a
Répondre à  TheRiddler

C’est sûr.

DarkChap
DarkChap
10 années il y a

C’est cool d’Urban de collecter les deux ensemble pour ce prix.
Bonne review. Je partage un peu ton avis sur les deux comics, préférant le GN à la minisérie.
Forty Niners est vraiment du niveau des deux précédents. J’étais tombé amoureux de la ville de Neopolis dès les premières pages de la minisérie de Moore et y replonger est un véritable plaisir. J’ai adoré chaque page de ce graphic novel, beaucoup trop court à mon goût. Les personnages de ce monde où l’incroyable est devenu banal font tous plus vrai que nature grâce à d’impeccables dialogues. Des histoires folles sur des Nazis, de la politique, des coups militaires, du voyage temporel et des vampires sont toutes traitées à la perfection. L’osmose entre le script de Moore et les dessins de Gene Ha est parfaite. Tout simplement un chef-d’oeuvre.

sinestro81
sinestro81
10 années il y a

Plutôt agréable à lire même si il faut pas s’attendre au même niveau des deux précédent .
Le recit sur Smax est bourré d’humour , un trop mon gout .
Mais dans l’ensemble c’est sympa à lire.

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