Review VF – Superman Tome 2 : À Toute Épreuve

Les points positifs: Retour du multivers Plusieurs lectures possibles Des coups de génie… Les points négatifs: …mal mis en évidence Trop de raccourcis Manque d’unité

« J’imagine que vous êtes un Superman réussi. » – Loïs Lane

• Scénario : Grant Morrison & Sholly Fisch – Dessin : Gene Ha, Cafu & Rags Morales

• DC RENAISSANCE – Superman Tome 2 : À Toute Épreuve – 6 septembre 2013 – 224 pages – 19€

Grant Morrison continue de marquer l‘Homme d’Acier de sa plume et de son aura. Le célèbre auteur de All-Star Superman poursuit son run sur la série Action Comics, apportant enfin aux lecteurs francophones une suite au tome Genèse. Il était temps ! À part Man of Steel, ça se passe mal de notre côté de l’Atlantique pour l’Homme d’Acier. Sa série principale est d’une fadeur mémorable, d’une insignifiance que le cross-over H’el on Earth fourni par Urban à travers leur DC Saga Hors-Série ne rattrapait guère. En attendant l’arrivée du Superman Saga et des nouvelles séries prometteuses qu’il renferme (Superman Unchained et Batman/Superman), rien de tel qu’un petit Grant Morrison pour prendre son mal en patience…. Non ?

Avant tout, il faut signaler que, à l’instar de l’esprit de Grant Morrison, son run a tendance à s’éparpiller dans tous les sens. Dans ce volume, plusieurs histoires cohabitent, la faute en partie à la présence d’un annual et d’un numéro #0 qui viennent briser le rythme de la trame principale, mais pas seulement, puisqu’y compris dans les numéros réguliers, Grant Morrison emmène le lecteur sur une autre planète où Superman est un président des États-Unis black, faisant face à l’apparition d’un portail sur un autre monde sur sa planète. Eh oui, c’est le grand retour du multivers dans les New 52 ! On ne s’étonne guère de trouver le nom de Grant Morrison derrière cette trouvaille qui, pour l’instant, semble n’avoir que peu d’influence sur la série.

En effet, une fois son chapitre sur Super-Barack Obama achevé, il revient à des préoccupations plus terrestres, ramenant son intrigue à Metropolis. On y retrouve le chasseur d’élite Maxim Zarov, alias Nimrod, teasé dans le premier tome. Ce tireur chevronné suit les traces de Superman, bien décidé à abattre ce qu’il considère comme un gibier d’exception. Ce vilain, inventé par Morrison, probablement à partir de la nouvelle ‘Les Chasses du Comte Zaroff‘ de Richard Cornell, voit sa chasse à peine entamée s’achever sans grande classe après un petit numéro de rien du tout seulement, laissant place à une nouvelle histoire. Quand on disait que les auteurs avaient tendance à s’éparpiller, on ne mentait pas : la moitié du bouquin correspond déjà à quatre intrigues bouclées. Et oui, c’est les auteurs. Sholly Fisch, déjà présent de manière plus discrète sur le premier volume, se charge quasiment de la moitié de ce second tome, au grand dam de certains. Son style plus terre-à-terre que celui de Morrison apporte un peu de fraîcheur à l’ouvrage, tout en le déséquilibrant hélas.

La grande idée de ce deuxième volume est de faire mourir Clark Kent. Pas Superman, mais Clark Kent. Sa mort est par ailleurs expédiée, comme beaucoup de choses sous la plume de Morrison. On comprend à peine que le journaliste en herbe est mort avant qu’on l’entende de la bouche d’un de ses proches. C’est une bonne idée de faire mourir Clark Kent parce que si on était habitué à la mort de Superman, faire survivre le héros tandis que l’alter-ego trépasse dans une ambiance intime est franchement novateur. Mais pour une raison mystérieuse et révoltante, Grant Morrison décide de revenir à un statu quo deux numéros plus tard, grâce à un coup du chapeau beaucoup trop facile qui vient briser toute la tension soulevée par le dilemme qui étreignait Kal-El. En effet, s’il avait plus de temps à consacrer à sauver des vies maintenant qu’il jonglait entre le métier de pompier et celui de super-héros, il en venait également à regretter son quotidien de journaliste et ses relations avec Loïs Lane et Jimmy Olsen. Comme il le dit sur les planches, il s’était mis dans une impasse. Et on aurait attendu un peu plus qu’une amnésie générale pour l’en faire sortir. Il est toutefois possible que ce revirement ne soit pas à imputer à Grant Morrison mais à des contraintes éditoriales. Néanmoins voir l’avènement et la mort d’une idée si originale en si peu de temps crée une grande frustration chez le lecteur.

Outre ce cheminement intérieur sans conséquence au final, Superman devra faire face à deux menaces distinctes. La première est l’apparition d’êtres humains aux pouvoirs dévastateurs capables de rivaliser avec les siens, qui symboliseraient la prochaine étape de l’évolution. Voilà les neo-sapiens, dépassant les primitifs homo sapiens qui pullulent sur la planète. Superman sera mis en sérieuse difficulté par l’un de ces sur-hommes, cependant l’issue du combat n’apporte pas de réponse définitive, et ces personnages mystérieux, aux côtés de nombreux éléments disséminés dans les pages, laissent présager de nouveaux horizons pour la suite. Mais ça avait été également le cas pour le teasing de Zarov dans le premier tome, et son rôle dans cette suite a tellement déçu que c’est la méfiance plus que l’enthousiasme qui règne tandis que Grant Morrison sème ses indices au fil de ses histoires. L’autre obstacle à la tranquillité de Superman se matérialise par le retour de Kryptonite Man, ou K-Man, dans les New 52. La réintroduction de ce personnage se fait sous la plume de Sholly Fisch, et se borne à un combat sans réels enjeux émotionnels, si ce n’est la responsabilité de Superman dans le sort réservé à Clay Ramsay, l’Homme-Kryptonite.

Difficile de résumer Superman : À Toute Épreuve sans dévoiler d’éléments-clés tant les intrigues s’ouvrent et se referment à une vitesse grand V. Elles ne sont pas inintéressantes, loin de là, mais ne prennent jamais assez d’ampleur pour fasciner le lecteur, à l’image du toast porté à feu Clark Kent par ses proches qui émeut difficilement. Les scénarios souffrent également de quelques incohérences, notamment au niveau du costume de Superman, et de raccourcis narratifs que les adeptes de Morrison ou les amoureux de Superman pardonneront sans peine, mais qui ne passeront pas entre les mailles du jugement de lecteurs moins cléments. Difficile également de donner un avis général sur les dessins, puisque le pinceau passe plus rapidement que Flash d’une main d’un dessinateur à l’autre, sans jamais malheureusement atteindre des sommets. On déplorera l’absence de Andy Kubert et la mollesse du trait de Rags Morales qu’on sait capable de mieux. Seul le #0 se distingue de la masse grâce à ses superbes couleurs.

Grant Morrison suscite la polémique, et ce n’est pas avec ce second volume d’aventures de Superman qu’il arrêtera de diviser les avis. Mais la faute ne lui revient pas entièrement compte tenu de la place que prend Sholly Fisch ici. Si l’ensemble ne manque pas de bonnes idées, elles sont quasiment toutes mortes-nées et/ou à peine entamées, mettant au mieux l’eau à la bouche pour quelque chose dont on a peur de trop attendre. Rien de vraiment mémorable par ici. Désolé Clark, je t’assure que ça n’a rien de personnel.