Bizarro Facts #5 : Bizarro

bizarro

VOUS AVEZ DIT BIZARRO ?

 

Bizarro Fact n°5 : Me am MERCK-EL. Me want bad critics.

En conclusion, Bizarro fait ressortir à la fois ce qu’il y a de plus tragique et de plus comique en nous, de plus simple et de plus complexe.

Quoi de plus logique, me direz-vous, que d’introduire cette édition exceptionnelle par la fin ? Car le secret même de la conception d’un personnage aussi singulier que Bizarro se trouve dans la cohérence instaurée entre le fond et la forme. Autrement dit, le plaisir vient du traitement particulier totalement inhérent au personnage, ainsi que de la myriade de possibilités proposée. Et parmi les innombrables créations que nous offre DC Comics depuis toutes ces décennies, Bizarro fait sans aucun doute partie des plus… bizarres. Mais revenons en avant l’espace d’un instant.

Bizarro est ce clone parfaitement imparfait de Superman, créé par Lex Luthor (1). Laid, apparemment stupide et ingérable, il possède exactement les mêmes pouvoirs que Clark Kent, à ce petit détail près qu’il s’est mis en tête de tout faire à l’inverse du super héros. Littéralement.

Cela implique un langage en négatif nécessitant toujours conversion de la part du lecteur (« Bonjour » devient « Au revoir », et vice-versa), une Terre carrée nommée « Htrae » (2), ainsi qu’un tas d’autres détails dont nous ne ferons évidemment pas la liste exhaustive ici.

Nous ne sommes donc pas face à une simple opposition, comme il en existe à foison dans l’univers des comic books (3). Avec Bizarro, nous entrons dans une dimension différente, puisque le principe de contradiction constitue l’essence même de sa personnalité. Il en résulte alors un personnage d’une complexité extrême, paradoxale à son comportement pourtant brut et en apparence absurde.

Birth of Bizarro

Au premier abord, le principe paraît vertigineux. Quel est l’opposé exact d’un concept ? Jusqu’où porter la contradiction ?

Lorsqu’Alan Moore reprend Superman et sa mythologie sur Whatever Happened to the Man of Tomorrow (4), il pousse le principe jusqu’au bout : dans un dernier élan de folie, Bizarro réalise que, Superman étant vivant, la seule façon d’être son exact opposé est donc de mourir.

On le voit ici, le personnage autorise à ses auteurs des extrémités narratives d’une puissance rare. Mais d’où vient cette puissance, réellement ?

Elle vient du fait que Bizarro n’est pas un super vilain, pas plus qu’il n’est un super héros. Il est cet électron libre si unique qu’il est impossible de le classer dans une catégorie précise. Imaginez un instant que vous soyez auteur : un personnage ambigu, inclassable, touchant, abolissant certaines limites narratives et permettant plus de traits d’humour que toute la Justice League réunie ? C’est un véritable rêve.

Un rêve si beau qu’il engendra en toute logique une seconde vaque de Bizarros, clonés à partir d’autres super héros : lâches, stupides et toujours aussi génialement inadaptés au monde et à ses codes. Finalement, des « non héros » bien plus que des ennemis.

On rejoint clairement le mythe du Frankenstein de Mary Shelley : la science toute puissante et l’incapacité du monde à accepter le « monstre ». Car cette question de sociologie tératologique, inséparable du folklore des super héros, est exacerbée et poussée à l’extrême lorsqu’il s’agit de Bizarro. A l’image de la créature du docteur Frankenstein, des personnages du Freaks de Tod Browning ou du héros d’Elephant Man de David Lynch, Bizarro est un paria dont la nature même l’empêche de s’adapter. Et si ce n’était pour ses incommensurables pouvoirs, il n’aurait jamais pu survivre à ce monde si humainement cruel.

Bizarro Blackest Night

Mais la vie sur Bizarro World n’est pas plus évidente. Car une fois son propre monde créé et ses compatriotes amenés à la vie (5), Bizarro se trouve face au pire des paradoxes : après avoir connu le rejet, le voilà qui devient aussi commun que le premier venu. Un nouveau cauchemar d’un caractère bien différent, que Bizarro règle rapidement en arborant autour du cou sa fameuse chaine « Bizarro #1 ».

Un personnage qui passe par toutes sortes d’expériences donc, d’un extrême à l’autre, et qui finit toujours par trouver une solution, aussi simple ou idiote puisse-t-elle paraître. Un personnage qui, finalement, parvient à créer sa propre mythologie malgré l’ombre omniprésente de son modèle original, Superman.

Et pour se donner une idée de la relation qui existe entre les deux hommes, la meilleure solution est de se pencher sur Escape from Bizarro World (6), c’est-à-dire la quintessence même du récit Bizarro : une intrigue simple et intelligente, bourrée d’humour et de détails, le tout porté par un graphisme unique en son genre, tellement cohérent avec le sujet qu’il en devient impossible de les séparer l’un de l’autre.

Une œuvre sublime donc, qui réinstalle la complexité du rapport de Bizarro avec ses origines. Surtout, elle insiste sur le fait que ce personnage, à condition que Superman comprenne réellement la portée de ses actes, peut devenir un véritable héros. Car la différence avec le reste du bestiaire de super vilains se situe bien à ce niveau : l’opposition de deux personnages vient généralement de leur incapacité à accorder leurs points de vue respectifs. Dans le cas de Bizarro, il suffit à Superman de comprendre les intentions de son adversaire pour retourner la situation à l’avantage de tout le monde. Et l’on entrevoit ainsi une dimension importante et indissociable du caractère de Clark Kent : sa tolérance et son intelligence.

Accessoirement, Escape from Bizarro World nous réintroduit aussi l’équipe de bras cassés la plus jouissives de tout le DC Universe : la Bizarro Justice League. Et ça, ça n’a pas de prix – mention spéciale à Bizarro Flash.

Bizarro Justice League - Powell

Aux vues de toutes les possibilités offertes par un tel concept, on se demande pourquoi Bizarro se fait aussi rare parmi les publications, récentes ou non (7). Mais à la réflexion, n’est-ce pas cette absence qui fait de lui une figure fascinante et désirée ? Un abus de Bizarro nous entrainerait, comme avec n’importe quel personnage, dans une abjecte lassitude. A plus forte raison entre de mauvaises mains (et il en existe).

Ce dont je suis sûr, c’est qu’il est impossible de se débarrasser de lui. Nous avons tous en nous un Bizarro plus ou moins latent, sabordant certains de nos gestes sans raison apparente, par pur esprit de contradiction. Nous sommes des créatures paradoxales, évoluant dans un monde lui aussi paradoxal. Et, à l’image de Bizarro, nous ne sommes pas certains d’être légitimes sur cette planète. Mais nous existons, et ça l’univers ne pourra jamais nous l’enlever.
Enfin techniquement, si, il peut nous l’enlever.

Il me semble indispensable, pour commencer, de citer ce dialogue d’anthologie, tiré d’un épisode de Seinfeld – le plus grand sitcom jamais créé à la télévision (8). Je pense que ces quelques mots constitueront une introduction parfaite :

« Yeah, like Bizarro Superman. Superman’s exact opposite, who lives in the backwards Bizarro World. Up is down, down is up. He says ‘hello’ when he leaves, ‘goodbye’ when he arrives.
– Shouldn’t he say ‘badbye’? Isn’t that the opposite of ‘goodbye’?
– No, it’s still ‘goodbye’.
– Does he live underwater?
– No.
– ls he black?
– Just forget the whole thing, all right? »


Notes :
(1) Dans Superboy #68 (1958). Dans sa version post-Crisis, Bizarro est créé par le Joker.
(2) « Earth » à l’envers. Ce monde est plus récemment appelé « Bizarro World ».
(3) Il arrive en effet qu’un héros rencontre parfois un adversaire aux pouvoirs identiques, mais aux idéologies contraires, comme par exemple Flash/Reverse-Flash, Shazam/Black Adam ou encore Hal Jordan/Sinestro. L’exemple de Batman/Man-Bat est encore différent. Notons au passage que Bruce Wayne possède 2 clones de type Bizarro (Bizarro Batman et Batzarro). 
(4) Publié en septembre 1986, afin de conclure la franchise Superman après les évènements dévastateurs de Crisis on Infinite Earths. John Byrne reboota le personnage dans la foulée avec son Man of Steel, qui fut considéré comme l’origine officielle de Superman jusqu’au Birthright de Mark Waid (2004).
(5) La façon diffère selon les versions.
(6) Action Comics #855 à 857 (2007). Ecrit par Geoff Johns et Richard Donner, dessiné par Eric Powell (renommé pour The Goon, publié chez Dark Horse).
(7) Il apparaît dans Blackest Night, mais est pour le moment absent du New52.
(8) Jerry Seinfeld est d’ailleurs réputé pour son amour de Superman.

 

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Arnonaud
11 années il y a

Très bon article (comme à chaque fois d’ailleurs) qui donne vraiment envie de lire des histoires avec Bizarro… En espérant qu’ Urban en édite cette année.

Baccano
11 années il y a

Je prends toujours autant de plaisir à lire les Bizarro Facts. Que ça serait beau de lire ces chroniques juste avant de lire un ou plusieurs comics en résonance. Parce que oui c’est un travail qui donne une folle envie de lire des comics après! xD

Freytaw
11 années il y a

Je confirme ce que dise mes camarades du dessus ! Mince, faut que je lise « Escape from Bizarro World » absolument !

Vik-Ink
11 années il y a

On a déjà le Geoff Johns présente Superman – Escape from Bizarro World qui sort en juin, c’est un bon début ^^

Vik-Ink
11 années il y a
Répondre à  Vik-Ink

En mai, et j’ai pas lu mes camarades au dessus pardon… ^^

crazy-el
crazy-el
11 années il y a

Noter aussi que c’est Superman lui-même qui a créé la planète aux Bizarro, bien sûr période Golden Age.

Belle critique, respect sur ce personnage.

Arno Merry
Arno Merry
10 années il y a

Je ne connais pas bien ce perso, mais ton article donne très envie, je vais m’y mettre !

LZ167
LZ167
8 années il y a

J’ai lu le tome 2 de « Geoff John présente Superman » – « La Grande évasion du Bizarro-monde ». Bof, très mitigé. Volume en trois partie en fait. Dommage, ce monde de fous aurait pu prendre tout le volume avec plus de développement de l’équipe de la Bizarro Justice League qui aurait été hilarante….Dommage. J’ai bien aimé Flash obèse et WW en Viviane Westwood…

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