Entre les avancées (ponctuelles) dans la place du multivers et la frise d’arcs de Tom King enchaînée à ses vilains, un retour ponctuel de Snyder aux côtés d’Orlando se profile dans le brouillard des publications DC avec l’énième cross’ qui ne se justifiait pas tellement. The Shadow revient faire un tour sous le ciel de Gotham le temps d’une rencontre à l’équipe créative talentueuse, dans un récit hommage en forme de vieux fanzine pulp qui assume ses travers, mais fait un effort mesuré sur le plan de l’inventivité.
The Shadow a inspiré Batman (c’est même sa principale inspiration dans la tradition du héros masqué au super-héros masqué), aussi on peut aisément approcher la vision la plus classique – ou la plus ancienne – du héros à son violent justicier fondateur. Les deux personnages se mélangent assez bien et le style de l’artiste assure un ensemble esthétique travaillé – en gros, c’est beau – plongé dans un scénario typique qui récupère tous les codes de la BD détective des années ’30, avec une facilité assimilée.
Le processus fonctionne et est même très bienvenue, à une époque où le héros enquêteur laisse sa place au héros d’action et où Batman devient plus surhumain que détective. Ca fonctionne d’autant mieux que le scénario cherche un critère méta’, pour ramener un Shadow originel de la grande dépression et du film noir, presque une archéologie du comics bien foutue. On discute hôtel mystérieux, meurtrier qui disparaît, artefact antique et personnage mystique d’ombre et de reflet, c’est de la frappe dans l’hommage, et on aime, c’était le contrat.
Maintenant, cette surcouche réussie peut aussi passer pour une excuse servant à justifier une histoire fastoche et clés en mains : or, c’est le cas. Problème récurrent des cross’ balancés sans réel besoin, le scénario est souvent arbitraire, injustifié ou seulement justifié par l’idée de profiter de deux auras. Et là où la rencontre de ces deux là est évidente (et pas la première), il est toujours difficile de trouver la justesse d’un récit qui ne fait « que » se faire rencontrer deux têtes connues : c’était pareil avec Batman/TMNT malgré ses qualités. Un pitch qui se suffit à lui même, n’empêche pas une bonne histoire, mais ne fait aucun effort pour être autre chose qu’un HS sympatoche. C’est déjà suffisant, mais ça pourrait être mieux.
Bref, c’est beau, c’est bien, c’est cool et y a de l’idée, mais les cross’ c’est souvent creux. Celui-là l’est moins que prévu, et profite d’un scénar un minimum bossé et de l’alchimie de deux héros de toutes façons faits pour se répondre (on attendrait presque que DC rachète la bête pour nourrir une nouvelle ligne Dark ou Young Animal), pour réussir un ensemble qui marche. On attend la suite mais bonne came, et sans doute bon TP à empiler dans six mois au milieu des autres.
Punaise ! Mais comment ça donne envie. Mais d’une puissance ! J’espère que Urban sera assez inspiré pour nous le proposer en librairie.