Off My Mind #46 – Par où commencer/commencent les comics ?

En général, on entend dire des nouveaux lecteurs ou des personnes perdues devant le rayon : « Je ne sais pas par où commencer ? ». D’un certain côté, cet article peut s’adresser à ces personnes, mais n’a pas pour objectif d’être un tutoriel ou un guide pour les jeunes lecteurs, même si je traiterai d’un aspect assez problématique pour ces lecteurs. Aujourd’hui on va traiter d’un élément qui risque bien de perturber bon nombre de lecteurs VO dans les mois à venir. Et ce sujet peut porter bien des noms : Début, Commencement, Origine, et d’une certaine manière – Reboot, Remake, etc. La question qui voit naître cet article est une forme d’exagération de cette incompréhension de jeune lecteur qui ne sait par où commencer. Où commencent les comics ? On pourrait facilement tomber dans l’histoire classique, chronologique et résumer le tout à l’histoire du premier éditeur. Mais là encore, la nuance est à faire.

En perdre le fil

Commençons par cette histoire des comics justement. Quand commencent les comics ? La première chose venant à l’esprit est Action Comics #1. C’est une erreur sans en être une, puisque le numéro porte en soi le symbole et la définition même du comic-book. Par la création du super-héros et une nouvelle approche de la bande dessinée la faisant sortir de ses genres qu’on pourrait qualifier aujourd’hui de classiques. D’une autre manière on pourrait citer Little Nemo, ou The Yellow Kid. La bande dessinée pourrait encore remonter bien plus loin dans le temps. D’où ce problème qu’on retrouvera encore plus tard de soucis de création. L’homme moderne a ce soucis premier de vouloir fixer une date ou un élément pour marquer le passage d’une chose à une autre. Ce qui est en réalité impossible. Pour exemple, je vous invite à lire un comic-book de la fin du Golden Age sur un titre comme Batman ou Superman et les premiers numéros du Silver Age de ces mêmes séries. La différence est inexistante si ce n’est cette notion ancrée dans l’esprit qu’il s’agisse d’un numéro issue d’un temps que l’on qualifie de plus moderne et dans un contexte autre.

Revenons à notre Action Comics #1. En dehors de cette symbolique de premier comic-book super-héroïque, ce numéro marque la création de Action Comics. Titre emblématique de l’écurie DC Comics, encore aujourd’hui, on peut y voir un début au mythe de Superman. On débouche de cette manière à une forme de nécessité de lire pour comprendre ce mythe, nourri par une forme de peur de ne pas comprendre le personnage. Ce qui est entièrement faux. Pour un héros de 1938, Superman est pourtant un personnage très facile d’accès aujourd’hui. Excepté ses diverses apparitions dans des adaptations en tout genre, le héros bénéficie d’une multitudes de réécritures permettant la compréhension de plusieurs dizaines d’années d’aventures écrites pour le personnage. Man of Steel de John Byrne – qui reste selon moi la meilleure origin story sur le personnage, Birthright de Mark Waid et Leinil Francis Yu, ou encore Secret Origins de Geoff Johns et Gary Frank. J’en passe bien d’autres, laissant celles-ci, plus récentes et de qualité, disponibles aux lecteurs VF comme VO.

L’origin-story est un moyen d’acquérir ces outils pour aborder un personnage. Il s’agit du commencement du personnages, ses origines. Ce soucis du début, de comprendre comment et pourquoi il devient ce qu’il est aujourd’hui semble être le coeur du problème aux yeux d’un lecteur ou curieux attiré par Superman ou autre personnage, disons Black Lightning. Un personnage assez peu connu (pour le moment) ayant malgré tout un charisme capable d’attirer certains lecteurs pour en apprendre plus. Si le personnage possède une (ou plusieurs) origin-story, le lecteur peut être bien plus attiré par sa première série régulière. Ce qui nous amène à un nouveau type de commencement, lié aux conseils les plus courants dans les discussions sur les forums : le début d’un arc ou d’un run. Bien souvent on qualifie le run de Snyder et Capullo sur le titre Batman (New 52) de réussite parce qu’il s’agissait d’un premier numéro. A mon sens, il s’agit d’une réécriture du personnage qui le rendait accessible aux yeux de tous (et aussi du à un gain de popularité mémorable) et avait la qualité d’attirer nouveaux lecteurs comme d’anciens lecteurs par les artistes présents. Il s’agit du début d’un run, d’une esthétique nouvelle pour une histoire nouvelle. Et c’est ce que signifie ce chiffre sur la couverture aux yeux d’un nouveau lecteur. C’est ce sens d’un nouveau commencement. Un lecteur qui n’a pas conscience qu’un arc peut trouver cette première partie au numéro #612 et qui aura un autre commencement quatre numéros plus loin. Disons plutôt six, pour concorder avec le schéma actuel de l’éditeur.

Mouvement cyclique primaire

Au delà de l’objet et du rapport entre les comics et le lecteur, l’origine trouve sa place au sein même de l’univers fictif. Si ce lecteur perdu s’inquiète de trouver une origin-story ou un premier volume, il ne possédera pas l’origine de cet univers. Toute chose ayant cette nécessité de trouver son origine, certains artistes s’y sont attelés. Et si Marv Wolfman et George Perez ont parfaitement su résumer le tout dans leur incontournable History of the DC Universe – publié dans Crisis on Infinite Earths chez Urban Comics – ces idées proviennent de bien des numéros dont le premier traitant de cette origine de l’univers DC est Green Lantern #40 de John Broome et Gil Kane. Il s’agit également de la première apparition de Krona, et de la première apparition de cette main que vous pouvez voir ci-dessus. Une main qui serait celle du créateur de cet univers, et qu’on pourra retrouver dans la série Justice League Unlimited dans l’épisode Il était une fois dans le futur – deuxième partie.

Cette main de la création a d’abord été vue comme une forte inspiration de la religion Judéo-chrétienne. Et pour cause, la première théorie qui reste aujourd’hui encore très plausible vient de Jerry Siegel lui-même à travers le personnage de The Presence qui sera bien plus connu pour son rôle dans le titre Hellblazer ou Lucifer. Un personnage très mystérieux étant l’un des éléments du même acabit dont la main ne serait qu’un seul de ces éléments. S’y ajoute la Voix, la Source de Jack Kirby dans son Quatrième Monde. Le tout laissant derrière eux de nombreuses théories selon laquelle cette main serait celle de Presence dont l’image ne serait qu’une version humaine, ou selon laquelle celui-ci serait bien plus qu’un envoyé, un ange ou autre. Des images bibliques avec lesquelles Grant Morrison se plait à jouer et y développe bon nombre de théories. La main serait selon lui le rôle du lecteur, à la fois une source d’interprétation – et pour cause – tout comme on pourrait facilement y voir la main même du lecteur (cf. Final Crisis et ce joyeux méli-mélo où Superboy Prime lit la fin de son aventure fou de rage). Je ne m’attarderai pas sur ce point, les interprétations étant nombreuses, les comics à lire pour en comprendre l’ensemble aussi, parfois allant à se contredire d’après certains grands lecteurs.

Par la suite certaines références seront faites à l’image apparue de cette main, la plus connue étant celle du Spectre lors de Zero Hour. L’événement est ce qu’il est, apprécié ou non, mais les capacités du Spectre comme la représentation de celui-ci par sa taille et les plans choisis sur sa main laissent suggérer son rôle dans la création de l’univers DC. D’autant plus que le Spectre, dans la définition même du personnage, n’est que la colère de ce créateur. Les New 52 briseront une part du mystère avec l’apparition de Volthoom dans le Green Lantern Annual #1 (New 52) avant de devenir le First Lantern. On ne partira pas sur une critique de cette histoire, mais le personnage semble désirer être un dieu. Cette obsession, certainement nourrie par la vision de cette main d’un créateur de l’univers, est justifiée par ce simple fait de connaitre l’origine de l’univers. Une obsession qui serait poussée par le désir de le comprendre. Mais désirer cette chose n’est pas le devenir. Donc Volthoom ne peut pas tenir ce statut, d’autant plus lorsqu’on connait la fin de cet arc. La véracité de cette création, je parle ici du DC Universe, réside dans le fait que comme celle de notre univers réel, elle reste encore inconnue on parle donc de Source et d’Infini de laquelle les Anciens Dieux ont trouvé la vie. Une chronologie qui risque de bientôt perdre de sa force dans une révélation incroyable, qui reste, selon les suppositions actuelles parfaitement dirigée et intégrée à l’histoire de l’univers DC depuis la première apparition d’une dite main.

Le début ou l’origine peut être un fait, comme l’apparition d’un personnage comme on a pu le voir avec Krona où on peut indiquer une date et un dessin en tant que preuve, toujours est-il que son origine peut se trouver dans l’idée première de ses créateurs ou même de ses influences. L’origine est toujours à nuancer, et trouver un commencement aux choses n’est pas simple. Quitte à commencer autant décider à sa manière de ce qui fera l’origine d’une passion avec les récits de son choix. De même, mettre un nom ou un visage à une entité aussi forte que méconnue de bien des lecteurs, n’est en rien officiel. Les suppositions ont toujours eu lieu d’être et le débat quand à l’identité de ce créateur fera encore parler longtemps les fans de l’univers.