L’humeur du Lundi #24 – Check your DC privilege

La question de la représentativité des genres, ethnies, orientations sexuelles ou religions dans les comics n’est pas nouvelle et a pris ces dernières décennies une place de plus en plus importante. A mesure de l’évolution de la société, les éditeurs et créateurs ont créé et modifié les super-héro-ïne-s pour refléter cette évolution. Par rapport aux comics originaux, très riches en figure du « mâle blanc hétéro », on compte aujourd’hui des personnages divers sous tous aspects, et le lectorat a parfois du mal à se faire à ces changements. Si je ne suis pas un expert de la question, n’ayant pas de diplôme en sociologie, et au vu de ma condition de « fucking white male », j’ai quand même envie de poser une question : la diversité est-elle absolument nécessaire dans les comics mainstream ? Et plus particulièrement ceux de DC, évidemment.

Question Ô combien complexe et pour laquelle, afin d’éviter tout débordement, j’exposerai principalement deux visions qui s’opposent, sans apporter de réponse définitive (hé, pas fou, comme ça je ne me mouille pas et vous pouvez pas m’insulter !). D’une part, il y a cette envie de progressisme et de ne pas enfermer les personnages dans un seul modèle. Après des décennies de comics publiés, l’innovation devient difficile et on se rend compte dernièrement que la création de nouveaux personnages, et leur imposition dans la continuité sont de plus en plus difficiles. J’y réfléchissais il n’y a pas si longtemps : du côté de DC Comics, mis à part Damian Wayne, quel personnage nouveau a-t-il réussi à s’imposer ?

On ne peut pas nier que DC n’ait fait quelques tentatives : il y avait le groupe The Movement de Gail Simone, qui était une ode à la diversité ne serait-ce que par sa composition et sa représentation sociale (des jeunes de toutes ethnies, avec des orientations sexuelles diverses, une handicapée qui était clairement une tentative de remettre Oracle suite à la guérison de Barbara Gordon dans les New 52) mais qui s’est achevée dans un certain oubli et indifférence générale – du moins du côté de l’hexagone. Nous avions eu Jeff Lemire qui nous a proposé Equinox, nouvelle recrue de la Justice League United et représentative des natifs-américains, très rares dans les publications DC. Ou encore Tanya Spears, jeune afro-américaine qui a pris le nouveau costume de Power Girl – et que l’on voit encore dans la ligne Rebirth. On pourra citer également quelques choix de bouleversements comme l’homosexualité d’Alan Scott – alors que le personnage disparaîtra cette semaine dans le dernier numéro d’Earth 2 : Society.

Mais la plupart de ces personnages restent mineurs et si les lecteurs attentifs peuvent reconnaître ces efforts, il n’en reste que la plupart des têtes d’affiche restent enfermées dans un schéma qui n’est pas très divers. Regardons la ligne Rebirth actuelle : BatmanSupermanAquaman, Flash, Green Arrow, Hal JordanDeathstrokeNightwingSuper Sons, ne présentent en tête d’affiche que des « fucking white male » ; il en va de même dans les titres féminins, peu nombreux, tels que Harley Quinn, Batgirl (et sa déclinaison Birds of Prey), Wonder Woman ou le nouveau Batwoman. Avec les nuances qui vont ici puisque la diversité touche à l’orientation sexuelle (Wonder WomanBatwoman et Harley Quinn font partie de la communauté LGBTQ) et qu’à partir du moment où on entre dans une série de groupe, forcément la représentativité est plus importante (voir Helena Bertinelli). Mais si on regarde les « têtes d’affiche », en diversité ethnique je ne vois que CyborgGreen Lanterns et dans une moindre mesure Blue Beetle qui offrent une autre proposition. Est-ce alors un raccourci évident de prêter une image résolument conservatrice à DC ? Ou par extension, à son lectorat ?

Parce qu’il faut bien remarquer une chose actuellement, c’est que l’éditeur à deux lettres se porte plutôt bien. En dehors d’un relaunch qui a réussi, c’est le « retour aux sources » (alias le « steak-frites » si chez à Dan Didio) qui a réussi à fédérer les lecteurs, par opposition à une période DC You plus riches en expérimentations, mais qui a perdu une partie du lectorat dans des repères déjà fragilisés par le reboot/relaunch des New 52. Faut-il y voir une erreur du côté de l’éditorial ou une franche hostilité des lecteurs en faveur du changement ? Au delà de la réussite commerciale et artistique, on reconnaîtra que le DC proper actuel n’est pas vraiment hyper représentatif de son lectorat (parce qu’il faudrait être fou pour s’imaginer que seuls des fucking white male de mon genre lisent du DC actuellement). Ce qui amène à se poser la question de la légitimité de la diversité dans cet univers mainstream.

Je pose la question notamment en regardant d’un oeil plus ou moins attentif ce qu’il se passe du côté du 2e Big Two, qu’on vend beaucoup pour son progressisme dans ses publications. Comme me l’a fait remarquer par une jolie illustration mon ami Nekofurioso (DC et D’ailleurs), l’éditeur a profondément bouleversé ses plus grands personnages ces dernières années, avec changement de sexe (Thor), d’ethnie (Hulk, Captain America), voir les deux (Iron Man) à volonté. Outre les gros effets d’attention médiatique, et sans prendre en compte les qualités de chacun de ces titres (que je n’ai pas lus, évidemment), on a pu observer ça et là diverses critiques de la part du lectorat qui, là aussi, ne se reconnaît plus dans ces « nouveaux » héros. On peut même reprocher une intention de diversité pour la diversité, que Marvel aurait fait dans le simple but d’attirer l’attention sans pour autant avoir de réelle volonté derrière ces changements. C’est une question qui me laisse forcément perplexe puisque du côté de DC, de tels bouleversements n’ont pas été déployés. On a vu des efforts, cités précédemment, se faire, sans bénéficier d’autant d’attention que ce soit du côté médiatique (hey, Power Girl est black ! Ha, on s’en fout ?) que du côté des lecteurs. Ce que j’observe également, c’est que Marvel commence à stagner au niveau de ses ventes, et que les dernières rumeurs parlent d’un relaunch très similaire au Rebirth de DC pour l’année à venir, avec un retour au fameux « steak-frites ». Malgré une différence de succès commercial, on peut faire un parallèle, avec la période DC You, et là aussi le retour au sources semble inéluctable.

On en vient donc avec cette autre vision, plus conservatrice, pour laquelle les changements ne sont pas à faire, ou du moins pas nécessaires. De fait, la volonté des lecteurs à ne pas voir leurs héro-ïne-s trop changés n’est pas anodine, et si l’on veut que la diversité s’installe dans les comics mainstream, doit-elle le faire par le changement des caractéristiques de ses représentants, alors qu’ils ont été dépeints d’un ensemble de traits qui leur sont propres depuis des décennies ? On met souvent en avant que les super-héros sont avant tout vecteurs de valeurs, qui sont indépendantes du genre, de la couleur de peau etc. Un argument qui justifie et légitime sans aucun doute qu’on puisse avoir un Batman ou un Superman de n’importe quel sexe ou couleur, encore que le même changement pourrait ne pas être bien perçu du côté de Wonder Woman (je n’ose pas imaginer les réactions si on devait en faire un homme ; raisonnement par l’absurde, certes, mais vous comprendrez dès lors les limites de la quête de la diversité). Mais l’inverse est également vrai : si les valeurs et le symbole sont plus importants que l’apparence, quelle raison y a-t-il à vouloir opérer des changements de couleur de peau, de sexe, ou d’orientation sexuelle ? Les personnages doivent-ils forcément appartenir à une communauté pour qu’on puisse parler d’eux ? Allons plus loin : le lecteur-trice a-t-il/elle réellement besoin d’un personnage lui ressemblant physiquement pour lui être acquis ?

Qu’on se le dise, je ne suis pas du tout contre la diversité, bien au contraire, et dans la création de personnages notamment il faut que chacun puisse être représenté, pour que les comics véhiculent l’image du monde dans lequel nous évoluons. En cela les caractéristiques des personnages sont importantes, mais je reste beaucoup plus septique lorsqu’on modifie volontairement des caractéristiques, en quelque sortes « gravées dans le marbre » dans ce même souci de diversifier. Bien sûr qu’il y a la difficulté d’imposer de nouveaux personnages dans les comics mainstream, mais il ne faut pas se leurrer non plus entre l’intention créative, et celle de simplement bien se faire voir, dans une démarche qui restera superficielle. De même, je crois que les questions de diversité peuvent être abordées autrement que par le changement de personnages majeurs, qui me semble par moments presque une solution de facilité – un changement de telle nature, si l’auteur n’a rien à raconter par après, est plus délétère pour la cause et le lectorat qui sont censés en être touchés (le contre-exemple parfait, et j’aurais dû le lister avant, est New Super-Man qui parvient à remanier le personnage intelligemment alors que l’auteur exploite réellement sa culture chinoise dans son histoire). La question reste vaste, donc, et il ne faut clairement pas que les Big Two ne se laissent pas aller à l’expérimentation, car l’enfermement traditionnel n’est pas non plus une solution.

Quitte à créer de nouveaux personnages ou à proposer des modifications drastiques pour certaines de nos icônes, il faut que le tout s’accompagne par le créateur d’un véritable leitmotiv et pas simplement d’une envie d’un coup de pub éditorial. Mais il est probable qu’entre Rebirth et le probable relaunch de Marvel, ce soient les idées et valeurs des héro-ïne-s qui prévalent plus que leur apparence, et que si l’on cherche une réelle diversité, mieux vaut regarder dans l’incubateur bouillonnant que constituent les comics indé’ plutôt que dans le breuvage bien établi depuis 75 ans des Big Two.

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ArnoKikoo

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Harle
Harle
7 années il y a

Multiversity #1 et #2 récemment mettaient en avant des héros très divers en termes d’origines, de sexe et d’orientations sexuelles, un des messages de l’event étant que la diversité (de personnages, de genres d’histoires, de tons…) est ou devrait être une des forces du comics. Pour en revenir au cas Marvel, et même si comme le souligne l’article il est difficile d’imposer de nouveaux personnages, la diversité devrait à mon sens passer par la création de nouveaux personnages, pas la modification de personnages déjà existant. A mes yeux, mieux vaut créer un John Stewart, un Simon Baz ou une Jessica Cruz que changer la couleur de peau ou le sexe d’Hal Jordan, là on a un univers qui s’enrichit et se diversifie vraiment.

The Bat
7 années il y a

Tu as dit tout ce que je pense depuis un certain temps. Et j’aimerais ajouter quelque chose. Chez Marvel, et dans une moindre mesure chez DC, les changements drastiques d’ethnie, de genre etc aboutissent toujours à un retour au status quo. Iron Man redeviendra le Tony Stark que l’on connait, pareil pour Thor, etc. Alors qu’un nouveau personnage créé spécifiquement pour ça mais c’est génial et il n’y a pas de retour possible. La preuve avec New Super-Man comme tu le cites que j’aime beaucoup. J’espère qu’Urban le fera découvrir. Je suis contre les changements chez un personnages (et je ne suis pas un « fucking white male »). Je veux dire, si demain je voyais un Batman noir, unE Batman ou autre je serai le premier à gueuler. Ce n’est pas une question de tolérance. C’est une question d’attachement à un personnage. Après, évidemment, les elseworlds sont une autre histoire. Je parle que de la continuité « classique ».

Raptaman
Raptaman
7 années il y a
Répondre à  The Bat

Tout à fait d’accord, les elseworlds sont d’ailleurs justement l’occasion idéale pour ça Superman d’Earth-9 (coucou Barack) et le couple Green Lantern / Flash d’Earth-36 (une pure idée selon moi). Et j’espère que personne n’a jamais gueuler sur les elseworlds, ou alors pour une raison interne au elseworld s’il est déjà bien établit.

Raptaman
Raptaman
7 années il y a

Tout à fait d’accord avec toi Arno. Étant moi aussi un f*cking white male, je tiens d’abord à revenir sur un point : je n’ai jamais compris ce délire de « si c’est un homme blanc, il me ressemble », ok alors je ne suis pas baraqué comme Batman ou Superman, ni le World’s Greatest Detective ou le dernier fils de Krypton ou un semi Dieu, ni riche ni un journaliste ni à la tête d’une des plus grandes multinationales du monde, alors l’identification « complète » juste parce que c’est des hommes blancs on repassera, et j’ai toujours pensé que ça valait pour tout le monde. Deuxième point très intelligemment souligné : « doit-elle le faire par le changement des caractéristiques de ses représentants, alors qu’ils ont été dépeints d’un ensemble de traits qui leur sont propres depuis des décennies ? », il n’y a rien qui ne me semble plus facile et malhonnête comme démarche pour amener de la diversité que de changer un personnage établit depuis des années, des personnages nés avant nous et qui continuerons bien après nous. Batman, Superman, WonderWoman et autres sont des icônes (même au sens religieux) de la pop culture et je comprends parfaitement que des personnes soient agacés quand on leur fait des changements drastiques (attention, je précise bien « drastiques », bien sûr que les personnages peuvent évoluer et il faut tenir compte de ce qui et établi sur eux et la continuité dans les comics sinon c’est vite le bordel). Là où le bas blesse, c’est qu’il est quasi sûr qu’on ne pourra plus recréer de personnages aussi iconiques et donc pas de personnages plus divers aussi important qu’un Batman ou Superman. Apporter de la diversité devient donc une tâche plus difficile mais qui doit se faire sur le temps pour qu’elle soit bien faite et comme toi Arno je suis totalement pour la diversité (quel bonheur ce fut à l’époque de découvrir Batwoman de Rucka et Williams III, un vrai régal). Je pense que si c’est trop forcé (ex : Thor devient une femme, etc) ça me semble un peu gros pour n’être qu’une démarche artistique et que justement ça sent le « Hey notice me ! ». C’est d’ailleurs pour ça qu’un des plus gros défauts selon moi des New52 est le passage à la trappe de Martian Manhunter (<3), je n'irai pas jusqu'à la théorie du complot du "il fallait un Afro-Américain" dans l'équipe (ben au pire la JL a toujours recruté non ?) mais quand même ça y ressemblait pas mal je trouve, surtout quand on voit que le rôle de Cyborg se résume à "téléporte nous" et "fais de la magie avec les ordinateurs". Attention je n'ai rien contre Cyborg, j'aime bien ce personnage même, mais pas grand chose justifiait son passage de Teen Titans à membre Fondateur de la JL (en plus avec Rebirth j'ai l'impression que parfois les équipes Titans parlent de lui ou peut-être ai-je mal lu, bordel dans la continuité quand tu nous tiens). Pour finir je dirai que ça soulève aussi la question des adaptations et des changements qui s'opèrent sur les personnages. Et là où on entendait les plus grands "tolérants" du monde clamer que les gens étaient racistes s'ils se plaignaient que tel ou tel perso était changé (ceux qui allaient trop dans leurs plaintes loin l'étaient, oui), je pense que ces tolérants n'ont pas compris que ces mêmes personnes gueuleraient tout autant si Cyborg n'était pas noir (en tout cas je l'espère, sinon ça craint et je n'aurais plus foi dans l'Humanité). Voilà c'est tout pour mon pavé.

Wintrfell49
7 années il y a
Répondre à  ArnoKikoo

Pour The Mighty Thor, ça s’intègre de façon organique dans le run de Jason Aaron sur le personnage. Je ne sais pas où a été l’ingérence de Marvel ici mais cela ne se ressent pas, l’auteur fait quelque chose de vraiment très bien. Si Marvel tente de faire le forceps pour que Odinson revienne en titulaire, ça risque de mal se mettre avec Jason Aaron, qui a encore des choses à raconter.
Totally Awesome Hulk est fun mais la vraie série qui fait preuve de progressisme, c’est surtout Champions qui possède un propos sérieux et engagé.

Watchful
7 années il y a
Répondre à  ArnoKikoo

Pour m’être essayé à Unworthy Thor, Cpatain America chez Hydra, Faucon America et Bucky America, mais aussi Iron Black Woman, Iron Doom etc. je n’ai retenu rien de bon dans tout ça.

Pour dire que je ne crache pas sur l’ensemble chez Marvel je tiens quand même à conseiller Nova et Champions.

Wintrfell49
7 années il y a
Répondre à  Watchful

Comment tu fais pour ne pas aimer Unworthy Thor, c’est démentiel ce que propose Jason Aaron, la rédemption de Odinson en se servant de pleins d’élement épars de l’oeuvre de l’auteur chez Marvel, je trouve ça fantastique. Et la caractérisation du personnage est l’une des meilleures que j’ai lu.
Infamous Iron Man est sympa à lire mais comme c’est Bendis, passé le premier arc, ce sera naze, pour la nouvelle Iron Man, j’avoue ne franchement pas aimer le personnage mais les deux derniers numéros se laissaient lire, surtout pour les dessins.
Par contre, je te rejoins sur Captain Steve Rogers, c’est chiant à crever… Le propos de Nick Spencer est intéressant mais la narration est chiante à souhait… ça blablate pour rien pendant des cases et des cases pour expliquer et sur-expliquer ce que tu as parfaitement compris.

Blue
7 années il y a

Entièrement d’accord, si on me dit qu’un jour Captain Carrot devient un lièvre au lieu d’un lapin pour une histoire de diversité chez les lagomorphes, je serais énervé, même constat pour Chimp et Ch’p :/ Ok j’arrête de troll, très bon article en tout cas x)

cosmos
7 années il y a

Quand je regarde les discussions sur la représentation de la diversité, Marvel n’est pas mieux considéré que DC. Généralement les efforts de Marvel pour représenter différentes ethnies sont davantage reconnus (alors que les persos LGBT c’est pas encore ça), tandis que chez DC c’est l’inverse. Et les deux sont critiqués pour le manque de diversité parmi leurs scénaristes notamment.
« On a pu observer ça et là diverses critiques de la part du lectorat qui, là aussi, ne se reconnaît plus dans ces « nouveaux » héros ». Le lectorat n’est pas toujours très futé non plus. Je ne pense pas que la majorité des lecteurs ont vu leurs parents mourir quand ils étaient petits, et pourtant beaucoup de monde accepte ce genre d’événement assez exceptionnel comme élément fondateur de la psyché de tel ou tel héros et de ses motivations. Et sans se demander s’ils vont réussir à s’identifier ou si l’éditeur ne cherche pas à racoler le lectorat orphelin « pour se donner une bonne image ». Peut-être que c’est tellement répandu comme origine que c’est considéré comme la norme, alors qu’en fait c’est juste une possibilité narrative parmi tant d’autres.
Je pense que par rapport à la diversification des personnages, le plus sage est de se poser la question de ce qu’on ressent vraiment :
– Si face à un personnage qui soudain ne nous ressemble plus physiquement, on a l’impression qu’on ne se reconnaît plus dedans, alors qu’est-ce qu’ont pu ressentir jusqu’ici des lecteurs à qui ces personnages n’ont jamais ressemblé ? S’ils/elles ont réussi jusqu’ici, pourquoi on n’y arriverait pas soi-même ?
– Les univers de super-héros sont les seuls à tourner en boucle sur les mêmes personnages créés pour la plupart il y a des décennies. Toutes les autres histoires arrivent à leur terme et laissent leur place à d’autres, ancrées dans leur époque, ce qui crée un renouvellement naturel. Si on n’est pas plus choqué que ça face à une énième mort puis résurrection de tel personnage, ou un énième retour au statu quo, pourquoi l’est-on par un changement d’ethnie/de sexualité chez un personnage ? Ces 3 techniques visent à actualiser un univers tout en ne le changeant pas vraiment, et on sent facilement l’intention derrière chacune d’entre elle. C’est quand même curieux que l’une choque et les autres pas vraiment.
Pour moi il faut aussi vraiment faire la différence entre « nan mais avant personne se posait la question et on ne s’en portait pas plus mal » et « avant il n’y avait pas les réseaux sociaux et les minorités avaient plus de mal à se faire entendre, du coup je ne m’étais jamais posé la question ».
Et se poser la question de tous les moments où on s’est dit plus ou moins inconsciemment qu’un personnage masculin plutôt blanc, hétéro, cisgenre et non-handicapé (pour être vraiment précis), bah c’était un peu le personnage de base, quoi. L’être humain de base. Le standard, quoi. Ce qui n’a juste pas de sens en fait.

Mocassin
Éditeur
7 années il y a

Tu soulèves des questions pour le moins complexe, d’autant plus ces dernières années.
Personnellement, je ne me reconnais pas forcément en un milliardaire déguisé en chauve-souris ou en un père de famille ayant des pouvoirs. Je peux me reconnaître autant avec du Wonder Woman qu’avec du Batman, et pourtant je suis un homme. Ce qui est important pour moi, ce sont les valeurs transmises, les émotions, le message. C’est le fond qui touche, plus que l’apparence que le propos prend. Et puis on pourrait se demander s’il est vraiment nécessaire de se reconnaître. Dans un sens, évidemment, il faut un point d’ancrage pour être un minimum intéressé, mais le but est aussi d’aller vers d’autres choses que ce qu’on connaît déjà et qui nous est familier. Vouloir à tout prix se reconnaître dans les personnages, ce serait être centré sur soi-même et ne pas vouloir sortir de sa zone de confort. « Se reconnaître », c’est avant tout reconnaître des valeurs (les nôtres, et même d’autres qui pourraient nous être transmises).
Ensuite, nous vivons dans une époque où la communication est plus forte que jamais, et cela est à double tranchant. D’un côté, cela permet d’être sensibilisé à plus de choses, de pouvoir se rendre compte de ce qui est présent mais qu’on ne voit pas forcément quotidiennement. Mais d’un autre côté, cette « surexposition » fait que certaines personnes ont tendance à être scandalisées sans forcément qu’il n’y ait de raison. Certains cherchent la diversité juste pour dire de l’avoir, sans forcément se soucier de la cohérence. Un exemple : il y a quelques mois, Greg Rucka a confirmé que WW était bisexuelle. Pour les lecteurs de comics, c’était une confirmation et rien n’était très étonnant, ça n’allait pas et ne devait pas changer le personnage outre-mesure. Par contre, dans ma classe d’argumentation, une fille a sortie son discours de société patriarcale et tout le tralala (je ne dis pas qu’en soi c’est mal) pour critiquer le fait que malgré cette déclaration de Rucka, WW serait avec un homme dans son film, et que c’est mal et discriminant. Pourtant, ce n’est absolument pas le cas : le fait que Steve Trevor, un homme, arrive sur son île et soit le déclencheur de son départ est une constante et un élément fondateur pour le personnage. Supprimer cela au nom d’une volonté de diversité serait une erreur. Tout cela pour dire que pour moi, il n’y a pas de problèmes à être progressiste, à vouloir la diversité, mais il faut qu’il y ait une volonté sincère derrière cela et non pas que ce soit pour remplir un quota ou se donner une image progressiste.

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