Review VO – Doom Patrol #1

Doom Patrol (2016-) 001-000
Les points positifs :
  • Psychédélique comme il faut
  • C’est vraiment beau
  • Les couvertures, toutes réussies
  • Un monde dans un burrito
  • La lettre d’intention de Gerard Way
  • Le Sneak Peak de Shade the Changing Girl
Les points négatifs :
  • Extrêmement confus
  • Demande une maîtrise solide de l’anglais
  • Trippy sincère, ou trippy forcé ?

« For me, comic books were when the complexity began » – Gerard Way


  • Scénario : Gerard Way – Dessins, encrage : Nick Derington Couleurs : Tamra Bonvillain
  • DC’s Young Animal – Doom Patrol #1 – 14 septembre 2016 – 32 pages – 3.99$

Rares auront été les volumes de Doom Patrol à impacter l’esprit du lectorat autant que celui de l’auteur Grant Morrison. Comprendre la série revient à comprendre son contexte d’apparition, l’après British Invasion et l’imaginaire fou et foisonnant qu’une poignée de scénaristes du vieux continents viennent insuffler à DC Comics, semant les premières graines de ce qui sera plus tard un édifice à part entière, tant éditorial que concret, en la personne de Vertigo Comics. Une génération entière de lecteurs en marge du muscle et du sexy des années ’90 s’est nourri de cet imaginaire à part, et parmi eux, Gerard Way, musicien et fan de BD, ami de du génie aux cinq étoiles et héritier (supposément) légitime de son style à l’époque moderne. A sa manière, Gerard Way vient combler un creux, celui que les lecteurs déçus de la ligne Dark aux premiers temps des New 52 et un éditeur sans grand projet pour ces créations d’antan avaient contribué à creuser. La Doom Patrol est la première arrivée d’une nouvelle ligne, d’un nouvel imprint et d’une nouvelle façon de produire dans l’escarcelle de l’éditeur. Et, en toute logique, la première chose à dire est que, forcément, ça ne parlera pas à tout le monde.

Doom Patrol (2016-) 001-026

En attaquant cette lecture, un conseil à donner à tout le monde sera de commencer par la fin. Dans les dernières pages d’un numéro épais, Way signe une post-face détaillant son rapport personnel aux origines de Vertigo. Sa carrière de lecteur, celle qui l’a menée à écrire et à créer Young Animal, en somme, le pourquoi, le comment et les pistes de lectures éventuelles qui guideront les séries à paraître ou ce premier numéro déjà sorti. Il en ressort un amour de l’étrange et du psychédélique. Parce que l’imaginaire de Way en tant qu’auteur et en tant que musicien s’est nourri des séries bizarres de l’époque, il entend recréer une dynamique de création trippy pour, pourquoi pas, susciter chez d’autres la même envie de concevoir, d’apprendre et de s’affirmer. On ne s’étonnera pas, donc, de trouver un numéro relativement libre en terme d’interprétations, vraiment très confus et vraiment fidèle à l’envie de faire du Morrison des décennies plus loin.

Bref, la série Doom Patrol est curieuse. On y découvre le personnage de Casey Brinke, ambulancière fan de jeux rétro’ et en retard sur le payement de son loyer. Elle aime les phrases alambiquées, parler toute seule et être d’une manière générale aussi optimiste que possible, comme un rayon de lumière dans une nuit sombre (c’est pas moi qui le dit). Accoudée à une vieille borne d’arcade, elle discute philosophie et interaction sociale avec son collègue infirmier, qui conçoit une curieuse métaphore, en comparant l’univers au burrito qu’il est en train de manger. La caméra plonge alors dans celui-ci, et on découvre à l’intérieur une civilisation façon Dune, où Robotman est emprisonné. Oui, c’est un comics avec une micro-dimension, dans un burrito. Ce genre de délire.

Doom Patrol (2016-) 001-015

Le récit s’enchaîne, d’autres personnages interviennent entrecoupé par un passage assez inexplicable sur Niles Caulder, le Charles Xavier de la patrouille pas encore bien inséré dans l’intrigue, un complot robot-extra-terrestre centré sur l’expansion de la viande dans la galaxie (?), et un autre cliffhanger difficile à situer, la série clôt son premier numéro. Si les efforts des volumes post-Morrison pour normaliser la Doom Patrol ont toujours eu du mal à retrouver l’esprit du père, c’est que la série n’aura jamais été aussi géniale que sous la myriade d’influences littéraires ou philosophiques que l’auteur y aura insufflé à force de lectures et de prise de substances diverses. La première impression est donc positive : oui, l’influence est là, énorme et pesante, et cherche à retrouver l’esprit dérangé de l’écossais au crâne désertique (quelques références sont faites à « ses » personnages). Mais si la qualité est là, le récit est fouillis, un enchevêtré de scènes sans queue ni tête pas vraiment connectées, et de dialogues décousus où les personnages ne se répondent pas réellement (ce qui n’a pas l’air de les déranger). C’est pire si votre anglais n’est pas vraiment au niveau.

Finalement, si on apprécie de retrouver du trippy bien exécuté, l’impression qui en ressort est que Way cherche volontairement à imiter l’écriture Vertigo sans chercher à jalonner son récit ou à le rendre accessible (c’est l’inverse). Le rendu est bon, mais on peut en venir à penser que tout ça est forcé et ne constitue que l’effet de style d’un fan qui veut copier son maître, ou bien que ce premier numéro n’est tout simplement pas une bonne introduction et que le premier arc se révélera plus clair une fois pris dans un ensemble (l’un dans l’autre, je suis content qu’on ait arrêté les notes, parce que je n’arrive toujours pas à trancher).

  Doom Patrol (2016-) 001-034

Cela étant dit, ce numéro fait du bien pour la seule réponse éditoriale d’années à attendre un retour au farfelu après des années de normalisation et les quelques passages honteux de la patrouille dans le DC Proper. Un complot d’industriels aliens de la viande et un certain humour au moment d’introduire Caulder sont d’autant plus appréciables qu’on sent que l’auteur peut se permettre à peu près n’importe quoi, débarrassé des contraintes du mainstream et de devoir rendre ses idées plus accessibles, et donc, moins intéressantes. Ce premier numéro est aussi très bien emballé, servi par une couverture géniale et une série de variantes toutes réussies (où un certain Bolland vient faire acte de présence), enrichi par la post-face et le sneak peak de Shade the Changing Girl, exactement dans la même veine complètement perchée, et superbement illustré.

Parce que, si on peut se perdre dans le fouillis de cette tartine de subplots sous LSD, difficile d’émettre une quelconque critique sur l’ensemble graphique irréprochable de Derington et Bonvillain (avouez, c’est un super nom de famille pour travailler dans l’industrie comics). Tout est réussi et superbement colorisé, l’équipe change de style à deux moments selon les ambiances et se révèle à l’aise avec un style d’apparence simple et beau, sans grandes folies de découpages ni effets de styles superflu (parce que le scénario n’a pas besoin d’être encore plus décousu), et Marley Zarcone et Kelly Fitzpatrick impriment un rendu similaire sur Shade. Le graphisme évoque les réussites du style indé’ façon Image Comics récemment, et est à mon sens une raison suffisante pour s’intéresser à la série.

Difficile, difficile de passer après un géant. Demandez à la pelletée de scénaristes qui n’ont jamais réussi à égaler la grandeur de Moore sur Swamp Thing, ou demandez-vous plutôt pourquoi la majorité des volumes de la Doom Patrol post-Morrison n’ont jamais réellement duré en longueur. A ceci, la réponse donnée par Way est simple : faire du vraiment neuf avec du pas vraiment vieux, imiter et expérimenter sur une série en marge, dans un imprint en marge où il est le maître à bord (et où personne ne va donc lui imposer d’être un scénariste normal). Le rendu final est bizarre – j’imagine que c’est fait exprès – et plutôt intéressant dans l’ensemble, et s’explique plus clairement une fois la note d’intention de l’auteur parcourue. Dans l’ensemble, on peut applaudir le retour à un vrai produit de niche chez DC, la première pierre d’un imprint où Dan Didio aura le droit de la fermer, et laisser au scénariste la place d’un premier arc pour développer ses enjeux. On peut aussi espérer que l’éditeur sécurise en exclusivité les artistes de Doom Patrol et Shade, et peut-être comme avec la génération Vertigo, alimenter le mainstream de ces talents nés dans le (presque) indé. 

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9 Commentaires
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n00dle
7 années il y a

Je ne sais pas encore si j’ai aimé Doom Patrol parce que c’est vraiment bien ou parce que j’ai très envie que ça soit vraiment bien… mais au moins, j’ai envie de lire la suite, c’est déjà un signe encourageant.

En tout cas, graphiquement, que ça soit Doom Patrol ou Shade, c’est adopté !

Kani
Kani
7 années il y a
Répondre à  n00dle

mm effet, j’ai un peu peur du format, (mais j’aurais du mal à attendre un recueil), on va attendre deux ou trois numéros pour avoir un avis

Winterwing
7 années il y a

Raah, j’adore les comics complètement perchés, comme celui-ci. Du coup, j’ai bien aimé. Pas étonnant de la part d’un disciple de Morrison, apparemment. On va quand même attendre les prochains numéros avant de trop juger l’écriture de Gerard Way car, comme le souligne très justement la review, il y a ce petit doute quelque part qui me fait me demander si c’est pas barré juste pour faire comme le papa écossais (au crâne désertique, ça m’a bien fait rire ^^) pour la forme mais qu’ensuite c’est plat dans le fond. Du coup, j’ai hâte de lire les prochains numéros.

The Bat
7 années il y a

Je suis d’accord de bout en bout avec la review de Corentin. C’est grave docteur ?

urbanvspanini10
urbanvspanini10
7 années il y a
Répondre à  The Bat

Oui sa veut dire que vous êtes Mort et donc au Paradis!Ou tous est est parfait ^^

Flycatcher
Flycatcher
7 années il y a

Assez d’accord avec tout ce qui est dit. Difficile d’émettre un avis tant il manque de liant entre les différentes scènes de plus en plus incompréhensibles.
C’est un pari très risqué et osé ce numéro pour lancer le label puisqu’il manque trop d’éléments pour espérer comprendre la direction que va prendre l’histoire. Les dessins et le personnage assez inédit de Casey dans sa manière de penser sont en tout cas des accroches suffisamment intéressantes pour susciter la curiosité jusqu’au prochain numéro, en plus de la sensation de lire quelque chose de sensiblement différent à ce qui peut se faire dans l’indé.
Je trouve ça aussi marrant la coïncidence de voir qu’au moment où DC est attaqué en justice par une chaîne de fast food, l’univers fictif de la compagnie devient la cible d’un même type de menace ^^

Harle
Harle
7 années il y a

Bien aimé, y a une sacrée énergie qui s’en dégage, et puis en tant que fan d’Umbrella Academy j’ai toute confiance en Gérard Way ! Quant à Young Animals, j’espère qu’ils feront une petite place à China Mieville, pour continuer Dial H ou un nouveau projet

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