Review VF – Ex Machina Tome 4

Les points positifs : Une mosaïques de plus petits épisodes Le tome le plus référencé de la série K. Vaughan se paye son moment « Méta-Morrison » Un auteur avec des choses à dire Les points négatifs : Intro’ religieuse trop longue Peu de retombées au voyageur du tome précédent Bientôt la fin de la série en VF

« Je suis fan. » Mitchell Hundred, face à son créateur

• Scénario : Brian K. Vaughan, Garth Ennis – Dessins : Tony Harris, Jim Lee – – Encrage : Jim Clark, Richard Friend Couleurs : JD Mettler, Snazzy Inc. – Couverture : Tony Harris

• Vertigo Essentiels –  Ex Machina Tome 4 – 24 Juin 2016 – 296 pages – 22,50€

Face à la politique, le super-héros reste méfiant. Parce qu’il est virtuellement immortel, le surhomme Américain aura vu défiler dans son histoire des mandats de l’aile droite, gauche, Républicaine, Démocrate, affronté le scandale du Watergate et la première Guerre du Golfe, soutenu les pompiers du 11 septembre sous le mandat W., et découvert les nouvelles normes de pensée en politique et social au lendemain du XXIème siècle. La Grande Machine n’est cependant pas un héros comme les autres. Si le Yorick de Brian K. Vaughan se pensait déjà un reflet d’un certain « héritage » patriarcal, jeune semi-WASP dans le cocon de la haute société lâchée dans un monde où les femmes prennent le pouvoir, Mitch Hundred est autant le reflet de la pensée d’un auteur qui a envie de vous dire quelque chose sur le monde. Sur la société. Sur nous, en quelque sorte, le peuple lancinant avachi dans le confort du XXIème siècle qui ne s’est réveillé qu’après l’explosion d’une bombe ou le détournement d’un avion – mais aussi à nous, les fans de comics, et les quelques idéaux qui soutiennent cette communauté de niche en particulier.

Dans ce quatrième volume, Mitch commence par parler de Dieu. Le Dieu à l’ancienne, sa conception judéo-chrétienne et de l’église Romaine du St-Vatican, bref, celui auquel la plupart des Américains ont tendance à s’adresser le dimanche et avant le repas. Longue introduction, qui mêle à tout ça un semblant de complot russe et l’interrogation sur les origines des pouvoirs de Mitch, probablement l’antéchrist selon 100% des indigènes interrogés. Cette partie n’est hélas pas la plus réussie du bouquin, quoi que le dessin et l’écriture ne fassent pas faux bond, on note surtout une sorte de décalage avec les habitudes d’écriture de K. Vaughan. Comme si tout ça n’était pas dans le ton.

Ce moment-là passé, le Maire s’en retourne à New-York et s’alignent de petits épisodes dédiés aux seconds couteaux de la ville – Amy, femme-flic et commissaire qui garde la même énergie que les guerrières de Y le Dernier Homme, et Dave, l’homme sur et bras droit de Hundred toujours prêt à rappeler que ce monde n’est pas encore celui de l’équité raciale. Comme d’habitude, le propos est bien traité, pertinent, et transite par des personnages à forte personnalité que Harris s’amuse à rendre sur-expressifs, dans la gestuelle, les mimiques et les jeux de regard. Le comics fonctionne toujours grâce aux interactions du Maire et de son équipe, qui reste écrite avec justesse et offre de savoureux dialogues écrits (et bien traduits) avec un certain sens de la tournure.

L’arc suivant met le Maire face à sa propre Catwoman, dans un arc qui introduit W. à la canonicité de la bande-dessinée (nul doute que ce n’est pas la première fois). Pour donner un ensemble rapide, ce tome n’est pas le meilleur de la saga jusqu’ici – il fonctionne avec les mêmes éléments, mais l’esprit saga et day-to-day-life s’efface devant la pertinence de ces scénettes, qui annoncent un début de fin et le manque de place pour un arc solide sur les revendications posées par l’auteur. Tout fonctionne, encore une fois, mais c’est le dernier numéro qui emporte l’ensemble, avec ce qui n’était pas encore, à l’époque, un gimmick : la rencontre de l’auteur et de son personnage, qui se met ici en scène dans la peau d’un humble habitant de New-York venu réaliser en BD la biographie de Hundred avec son partenaire tonitruant. La chute est géniale, voir crédits du bouquin pour plus d’explications.

Ce tome fait pas mal de références aux comics (Catwoman, la plus évidente, n’en est qu’une des très nombreuses), et adopte même un feeling plus typé BD que série TV dans de précédentes aventures. Les flashbacks donnés à la Grande Machine prennent plus de place, les clins d’oeils sont nombreux, et la culture comic book semble être chère à l’auteur qui revient en arrière sur la déconstruction du mythe proposé par l’époque WildStorm, pour un peu d’hommage à ces myriades d’encapés. En ce qui concerne le trait, Harris reste excellent, et brille par les couleurs de Mettler dans le même bain de réalisme terre-à-terre et de BD colorée où New-York paraît vivante dans les lieux, ambiances et populations.

Ex Machina, quatrième tome, est une BD qui se lit – comme toutes les BD. Elle nous met, nous autres humbles lecteurs habitués à se réfugier dans les enjeux fictifs de ce monde en deux dimensions que nous côtoyons souvent, face à des questions qui ne sont hélas pas l’apanage quotidien des super-héros. Qu’est ce que la politique, qui nous gouverne et comment ? Comment vit une ville, par le haut ou par le bas ? En entamant son histoire, courant 2004, K. Vaughan et Harris ont ouvert la porte à un récit autant en réaction à l’ère nouvelle qu’à l’anticipation de nos modes de vies. Le terrorisme, la peur du quotidien, l’importance prise par les politiques sur des débats qu’il était temps de régler, une somme curieusement importante de messages passe par Ex Machina, ce tome n’en étant qu’un exemple à prendre dans l’ensemble de la série. Des messages sur les super-héros, ces gens bien qui ne vivent que dans le prisme de la fiction (et au fond, la Grande Machine est loin d’être le premier à se présenter en mairie), mais plus généralement, des messages sur la société et la vie urbaine à New-York ou ailleurs. A lire – évidemment.