Review VO – Wonder Woman : The Hiketeia

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Les points positifs :
  • La caractérisation de Wonder Woman
  • Une belle porte d’entrée dans l’univers de l’héroïne
  • L’opposition Batman/Wonder Woman assez subtile
  • Un standalone court et maîtrisé…
Les points négatifs :
  • …mais trop court pour marquer pleinement l’histoire du personnage ?
  • Une conclusion inévitable et donc sans surprise

« Greek tragedy is always a story of the insoluble.  » – Wonder Woman


  • Scénario : Greg Rucka Dessins : J.G. Jones – Encrage : Wade Von Grawbadger –  Couleurs : Dave Stewart 

Il y a des annonces qui tombent plutôt bien. C’est à l’heure où nous nous décidons enfin à célébrer Wonder Woman sur le site que DC Comics a dévoilé une bonne partie de ses plans pour Rebirth. Parmi eux, le retour de Greg Rucka sur le titre principal de la belle Amazone a attiré l’attention de beaucoup. Alors pour faire d’une pierre deux coups, un retour sur l’oeuvre sur laquelle Rucka a débuté son travail sur le personnage s’impose. L’occasion donc de porter un regard sur le passé récent du personnage mais aussi peut-être un peu sur son futur. Wonder Woman : The Hiketeia est un roman graphique sorti en 2002 chez DC Comics. Il s’agit pour Rucka de la première pierre d’un édifice qui deviendra un run de trois ans sur le personnage.

Avant de revenir sur les détails du récit, il convient d’en comprendre son point de départ et, en particulier, ce qu’est cet étrange Hiketeia. « Hiketeia » donc était une cérémonie d’allégeance totale dans la Grèce antique durant laquelle un suppliant se mettait au service et sous la protection d’un personnage important. Une fois le rituel accepté par les deux parties, seul le suppliant était capable de relâcher son maître en le libérant du lien qui les unis. Par contre, si le maître échouait, volontairement ou non, dans la protection de son élève, il devait alors en payer le prix devant les Dieux. Ainsi dans The Hiketeia, quand une jeune femme du nom de Danielle Wellys débarque à la porte de Diana en faisant serment d’allégeance envers elle, Wonder Woman n’a d’autres choix que d’accepter ce lien en ignorant tout du passé de sa suppliante. Seulement voilà, quand Batman débarque, lui aussi, en révélant que Wellys est recherchée pour meurtre, les problèmes commencent pour les deux héros qui verront leurs conceptions du monde et de la justice s’opposer.

Si The Hiketeia n’a peut-être pas l’aura des plus grandes histoires sur le personnages, encore que ça se discute,  c’est bien parce qu’il ne s’agit pas d’un récit qui en a la prétention. Pour l’apprécier pleinement il faut d’ailleurs voir cette histoire pour ce qu’elle est : un standalone, sous forme de conte tragique, court et maîtrisé. Là où le travail de Rucka devient intéressant, c’est qu’il ne s’agit pas d’une étude du personnage de Wonder Woman dans le sens où le scénariste, très grand fan de Diana, se refuse à complètement entrer dans la tête de son héroïne et choisit plutôt d’aborder son oeuvre en montrant comment elle est perçue par le reste du monde. Un modèle pour la jeune Wellys, une amie qu’il ne peut s’empêcher de sous-estimer pour Batman mais aussi une sorte d’idéal fantasmé pour le grand public. Au milieu de tout ça, Rucka parvient finalement à dresser un portrait assez juste et « réaliste » de son personnage sans pour autant trahir la dimension mythologique et iconique de celui-ci.

Même si certains pourront trouver l’affrontement Wonder Woman / Batman plutôt décevant en s’arrêtant uniquement sur l’aspect frontal de la chose, c’est bien parce que Rucka traite ses personnages avec un réel respect et se refuse à la facilité et ne les transforme jamais en deux gros bourrins décérébrés. S’il est vrai que les héros finissent par en venir aux mains, leur conflit repose sur de réels enjeux et sur leurs conceptions du monde et de la justice qui s’opposent. D’un côté, Batman et sa lutte sans compromis contre le crime et de l’autre Wonder Woman et ses codes moraux ancestraux. Alors que Batman n’agit qu’en suivant des choix froids et pragmatiques, Diana, elle, est beaucoup plus prompte à se laisser guider par ses croyances profondes et sa volonté d’accepter sa destinée d’aider Danielle Wellys sans jamais questionner le passé de cette dernière. Comme dans toute bonne tragédie qui se respecte, tous les personnages ici finiront par être prisonniers de leurs choix de départ sans pouvoir en changer, ce qui guidera évidement le récit vers son inévitable conclusion.

Vous l’aurez compris avec ça, The Hiketeia base ses enjeux sur ce qui oppose fondamentalement ses personnages. Ces oppositions marquées se retrouvent aussi logiquement dans tout ce qui les entourent. On retrouve donc le monde moderne avec des éléments mythologiques très marqués et un sens de la narration héritée des tragédies grecques. Des Erinyes, ou furies, qui jouent à la fois le rôle d’oracles mais qui sont aussi chargées d’apporter la punition divine en passant par le rôle central de concepts qui viennent de la Grèce antique, tout y passe, sans que l’auteur ne cherche à rationaliser complètement ces éléments. Il les incorpore cependant habilement dans l’univers DC moderne du début des années 2000 afin de créer un conte tragique qui fonctionne parfaitement avec les icônes que sont Wonder Woman et Batman.

Finalement après tout ce qui vient d’être dit, le véritable tour de force de l’histoire réside peut-être dans le fait que l’auteur parvient à créer une oeuvre qui fait sens dans l’univers de son héroïne mais qui se montre aussi assez unique en à peine 90 pages. Le tout, en plus, sans sacrifier une réflexion assez fine sur les deux héros principaux mais en sachant rester direct et limpide dans sa narration. Tout ça vient faire montre d’une réelle réflexion en amont aussi bien sur la forme que sur le fond de la part de Rucka et de son équipe. Malgré tout, aucune oeuvre n’est parfaite et celle-ci n’échappe pas à cette règle. Alors certes, le récit est court et ce n’est pas un défaut en soi mais est-il trop court ? C’est plutôt paradoxale par rapport au paragraphe précédent mais il faut bien avouer que, par endroit, le récit aurait gagné à s’étendre un peu plus sur son sujet. L’oeuvre de Greg Rucka finit, en effet, par manquer de coffre pour offrir un développement totalement satisfaisant de ses personnages secondaires. C’est notamment le cas en ce qui concerne Danielle Wellys. Véritable élément déclencheur de l’intrigue, le personnage peine à marquer durablement après la lecture. Évidemment, Rucka est un auteur assez expérimenté pour parvenir à la rendre attachante et à revenir sur son passé en assurant l’essentiel. Néanmoins, le final tragique aurait pu avoir encore plus d’impact si seulement le scénariste avait passé plus de temps à développer la relation naissante entre Wellys et Diana.

En ce qui concerne la partie artistique, il s’agit là aussi d’une belle réussite avec un J.G. Jones fidèle à lui même. On ne présente plus, aujourd’hui, l’artiste et son style si spécifique qu’il met parfaitement au service de l’histoire de l’auteur. Plus que le trait de Jones, c’est bien son sens de la composition qui fait toute la différence dans The Hiketeia. En effet, même s’il glisse des illustration très détaillées aussi bien pour les arrière-plans que pour les expressions faciales de ses personnages, c’est grâce à son découpage assuré, et donc à son sens du storytelling par l’image, que l’artiste se montre brillant. Certes, ici et là quelques pages apparaissent moins précises en terme de finitions mais dans tous les moments charnières de l’intrigue, l’artiste répond présent et sait rendre ses personnages iconiques et dignes. Du côté des couleurs, le choix de Dave Stewart est, là aussi, très judicieux puisque ce dernier parvient à donner vie aux dessins de Jones en y apportant une certaine texture sans jamais trop en faire. Il se dégage alors globalement une vraie clarté des illustrations.

En définitive, The Hiketeia est bel et bien une tragédie qui va voir ses personnages principaux s’opposer en mettant en cause leurs engagements moraux, leurs honneurs et leurs conceptions du monde jusqu’à une conclusion inévitable, que je ne dévoilerai pas ici mais que vous pouvez deviner facilement après tout ça. Même si l’oeuvre de Rucka peut paraître assez anecdotique, remise dans le contexte de la longue histoire du personnage principal, elle n’en reste pas moins une histoire à la portée universelle grâce à ses thèmes mais aussi, plus simplement, un récit direct, sincère et iconique opposant deux des plus grandes figures de DC Comics. C’est aussi le début d’une belle histoire d’amour entre l’auteur et le personnage et tout le monde sait que le début d’une histoire, c’est ce qu’il y a de plus beau.

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rgprod
rgprod
7 années il y a

Bonne chronique…
Un des seuls récits sur l’amazone que je possède mais qui m’a énormément marqué.
Un histoire prenante très bien dessinée.
Je l’ai en version VF, sorti à l’époque chez Semic (2003).

DarkChap
DarkChap
7 années il y a

L’introduction parfaite au run de Rucka, exploitant le statut de Wonder Woman en tant qu’ambassadrice de Themyscira (ici, principalement sur la question de son immunité diplomatique) et jouant habilement avec la confrontation entre les mondes antique et moderne.

Loufok
Loufok
7 années il y a

D’ailleurs, le run de Rucka existe en VF ?

DarkChap
DarkChap
7 années il y a
Répondre à  Loufok

Actuellement, non. Maintenant, entre le film qui sort l’an prochain, la réédition du run en VO à partir de juillet et le retour imminent de Rucka sur le personnage, j’imagine qu’Urban ne devrait pas trop tarder à s’en occuper.

Loufok
Loufok
7 années il y a
Répondre à  DarkChap

Ça serait cool… Est-ce que les prix du run en VO sont abordables malgré tout ? Ça pourrait être un chouette achat. ^^

DarkChap
DarkChap
7 années il y a
Répondre à  Loufok

Les prix de sa réédition en VO à partir de juillet le seront.
Les TP actuels, en rupture de stock depuis des années, c’est une autre affaire…

kriskent
kriskent
7 années il y a

j ai la chance d avoir cette histoire en VF et c’est vrai que c’est une belle reussite cette histoire.
j avais beaucoup aimé a l époque,d ailleurs cette chronique me donne envie de relire cette histoire de Wonder woman!!

Piratski
Piratski
7 années il y a

Je rejoins les avis des autres commentaires, belle review pour une superbe histoire que je possède aussi en Semic VF. Moi ça me donne envie de lire le run de Rucka sur WW car je ne possède pas grand chose sur l’amazone.

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