Review VF – Les Grands Entretiens de la Bande Dessinnée : Bruce Timm

Les points positifs : Un entretien de grande valeur Riche en informations Rempli d’anecdotes Des questions précises sur chaque étape de sa vie et celles de ses projets Les points négatifs : Réservé aux fans et connaisseurs

« Ils nous ont laissé faire des choses qu’aucune autre série animée ne pouvait se permettre à l’époque. » – Bruce Timm

• Urban Books – Les Grands Entretiens de la Bande Dessinée : Bruce Timm – 11 Mars 2016 – 128 pages – Prix 19 € – Collectionne: Modern Masters : Bruce Timm

Bruce Timm, génie incontournable, qui débarquera bientôt à Paris pour un certain festival, et qui voit son entretien de la collection assez connue aux États-Unis, Modern Masters, qui est la seule collection rassemblant des entretiens avec des auteurs ou personnalités touchant au monde du comics. De nombreux noms y sont passés, de John Romita Jr. à Mike Allred, cette collection compte pas moins de trente volumes, chacun centré sur un auteur spécifique. Urban Comics avait déjà proposé l’un de ces entretiens afin d’annoncer sa nouvelle collection avec Mark Buckingham (un auteur lambda qui a du écrire ou dessiner une petite saga avec Blanche-Neige, je crois). Voyons ce que donne ce volume !

Cet entretien est mené par le créateur de la collection, Eric Nolen-Weathington. Chaque volume viendra donc de cet homme dont on ne sait au final que bien peu de choses, si ce n’est qu’il est un grand connaisseur de l’univers des comics. Face à lui se trouve Bruce Timm, le célèbre créateur des séries telles que Batman The Animated Series, Superman The Animated Series, Batman Beyond, ou encore Justice League et Green Lantern The Animated Series. Tant de séries, tant de chefs-d’œuvre, et il ne s’agit là que d’une partie de ses travaux, puisque bien avant de créer, ou même d’envisager travailler sur le personnage, Bruce Timm a percé dans le milieu de l’animation, à une époque où ces programmes n’avaient pour objectif que de produire au plus vite à moindre de coût. L’auteur divise alors son entretien en cinq chapitres distincts, divisant ainsi les grandes étapes de la vie du Modern Master en fonction de ses projets, comme les cinq marches vers le succès.

Petite discussion avec un piranha empaillé, et autres histoires extraordinaires

Tout réside dans le titre. Ce genre d’anecdotes pour le moins spéciales qui font que l’on apprend de ses idoles des détails, des éléments pour le moins étonnants, qui rendent ce voyage à travers la vie de Bruce Timm extraordinaire. On ne suite pas uniquement sa vie. Il s’agit là aussi de celles de ses projets, de leurs échecs, de leurs réussites, et ainsi, au travers de ces projets vit Bruce Timm. Par là nous apprendrons les personnalités rencontrées, les opportunités qu’il a pu saisir, ou laisser de côté. Ses réussites, mais aussi ses échecs, ses hontes, ses regrets, on en apprend plus sur l’homme qu’il est, et l’on y voit une personne tout à fait normale qui s’est vu dans des situations complexes, dont il a réussi à s’extraire par un moyen comme un autre, et avec un regard critique sur ses créations.

Très loin d’un possible baratin habituel lors d’une promotion d’un film ou autre, que l’on peut appeler l’interview purement américaine, il s’agit là bien plus que d’une interview malgré son apparence. Celle-ci a tout d’abord le mérite d’être bien plus précise dans les questions posées par Eric Nolen-Weathington, et retrace, à la manière d’une frise chronologique, les créations et la carrière depuis sa petite bande dessinée de douze pages jusqu’à aujourd’hui. Bien plus qu’une interview, un fan discutant avec un fan. La réunion de deux passionnés du même univers, dont chacun, d’une certaine manière, a réussi à percer dans le milieu de cette passion. Il en est presque dommage que cet échange ne se fasse que dans un sens, tant Weathington est pointilleux dans ses questions, et a le mérite de connaître son sujet comme le plus ardu des fans de Bruce Timm, ce qui impressionnera plus d’un lecteur de cet ouvrage. Il finit par se révéler presque aussi intéressant que Bruce Timm, posant parfois même une colle au créateur, qui aura réussit à expliquer dans les moindre détails la conception de ses projets, leurs tenants, leurs aboutissants.

Vis ta vie d’un trait, et prie pour qu’elle soit animée

L’un des gros point forts, et la raison majeure pour laquelle cet ouvrage mérite tant d’intérêt, en plus de détails biographiques traitant de Bruce Timm, est le point de vue de Bruce Timm, est sa réponse aux avis des lecteurs, aux réactions qui l’ont marqué, mais surtout sa lutte contre la censure, et l’évolution de son combat entre lui et la chaîne. Une défense des libertés artistiques qui perdure encore et qui a vu l’arrêt de la série Young Justice, comme quoi, ce combat est toujours mené au sein des séries animées par d’autres personnalités montantes dans le milieu. On apprend ainsi les projets avortés qui devaient compléter l’univers animée de notre artiste, les contraintes qu’il a pu rencontrer et les détails qui lui tenaient à cœur, les passions qu’il s’est découvert par le travail mené sur telle ou telle série, et vers quel projet celles-ci l’ont mené. De manière assez subtile, on comprendra les décisions de la chaîne qui est loin de cette allure diabolique, cherchant la censure pour le profit (qui est une triste réalité), mais en contre-partie, on remarquera qu’il s’agit bien de la chaîne qui aura permis la création de grandes séries, devenues de grands univers, et ont pu créer de grands héros qui ont fait et font encore le bonheur de grands enfants.

Avant de clore ce pavé, les dernières questions se dirigent sur le style si particulier de Bruce Timm et on lui demande ce qui a pu l’influencer autant. L’on apprendra qu’il s’agit bien d’éléments divers et variés. Son style est le résultat de son travail depuis ses premiers dessins, et voguant de projet en projet, découvrant, s’intéressant, améliorant son style, sa technique à la manière d’un maître à la recherche de lui-même.

On referme ce livre rigide dans un claquement sourd comme en sortant d’un festival où l’on a pu assister à quelque chose d’unique, comme exclusif. Où les idées, les connaissances, les informations à peine acquises fourmillent encore dans notre crâne en regardant notre idole, ce héros de notre jeunesse, avec un regard neuf. Comme si l’on venait de découvrir ce nouveau chapitre qui nous était caché. Comme si ces séries n’étaient que la surface, le résultat d’un travail dont on n’avait que peu conscience, et qui était une œuvre défendue par son créateur qui a toujours su quand s’arrêter, et qui a toujours travaillé selon son envie pour nous y attirer et partager cette envie à grande échelle par les fondations de ses projets. Et avec un peu de recul, l’on remarque qu’après avoir lu cet entretien datant de 2011, Bruce Timm ne fait encore que gagner en grandeur dans le cœur de ses fans, qui ont grandi, mais replongeraient bien une dernière fois leur cuillère dans leur bol le temps d’un épisode.