Review VO – The Kitchen

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Les points positifs :
  • Violent, froid et sans compromis
  • Un polar mafieux au féminin
  • L’ambiance noire des années ’70
Les points négatifs :
  • Manque d’emphase dans les premiers numéros
  • Les dessins ne plairont pas à tout le monde

« Remember, just ’cause you ain’t got a dick don’t mean you gotta be treated like one. Don’t take no shit.  » – Tommy


  • Scénario : Ollie Masters Dessins, Encrage : Ming Doyle –  Couleurs : Jordie Bellaire – Couverture : Becky Cloonan
  • Vertigo Comics – The Kitchen #1 TPB – 25 novembre 2015 – 16.99 $ –  Contient : The Kitchen #1-8

Edité en relié en fin d’année dernière, la série The Kitchen fait partie de celles qui ont vu le jour pendant la période creuse de Vertigo. Après le départ de Karen Berger, dans le brouhaha de séries indés’ lancées chez Image Comics, Vertigo a peu à peu gravi les échelons à l’envers, jusqu’à se retrancher dans l’arrière cour de DC pour devenir le terrain de jeu des auteurs maisons en quête d’indépendance, ou un autre terrain que Dark Horse pour les séries d’horreur à tendance psyché’. Le regard porté sur la présidence de Shelly Bond a de quoi décevoir de loin, mais n’a pas empêché la persistance de bons projets en marge des modes et du regard général. The Kitchen fait partie de ces bonnes séries à isoler dans la recherche du genre, et une bonne lecture à conseiller aux fans de BD à l’Américaine. Un bon polar, avec des idées et un message en sous-texte sur les personnages féminins. Tout commence dans le quartier de Hell’s Kitchen, dans les années ’70.

The Kitchen (2014-) 001-005

C’est de cette partie de New-York que la série trouve son titre. Hell’s Kitchen, un pan de Manhattan célèbre pour avoir été l’un des plus importants foyers de criminalité il y a quelques décennies – c’est dans l’urbanisme gangrené de ces rues que naîtra, entre autres, le mythe du Daredevil de Frank Miller dans les années ’80. La ville ici peinte par Ming Doyle et Jordie Bellaire est un décor idéal de polar, une cité violente et sans lois organisée autour du crime et de petites communautés d’Irlandais immigrés. Les couleurs de Bellaire posent une ambiance superbe sur les dessins de l’artiste, une époque inquiétante où la morale n’a pas sa place.

Qu’en est-il de l’histoire ? The Kitchen retrace comment trois femmes de caïds locaux reprennent en main le crime organisé, après que leurs maris soient envoyés à l’ombre. Kath, Angie et Raven prennent la relève de l’extorsion sur le quartier, d’abord timidement, puis d’une main de fer, évoluant dans différentes directions vers le statut de criminelles accomplies. Elles s’associent à Tommy, l’ancien homme de main de la famille, un excellent personnage à mi-chemin de la rédemption. Tout bascule finalement, lorsque les maris sortent de prison, et entendent reprendre à leur femme tout ce qu’elles ont bâti après eux. C’est ici que le second sens de The Kitchen intervient, l’histoire de femmes négligées qui sortent de l’ombre du mari ou du père pour s’émanciper. Sous-estimées par les habitants et les autres familles mafieuses, il leur appartient de prouver leur capacité à être meilleures encore que leur mari, décidées à se battre, à tuer, et à refuser de reprendre leur vie d’avant. Une manière de renverser la dictature patriarcale, ou le stéréotype hyper viril qu’on prête généralement au genre du polar mafieux.

The Kitchen (2014-) 004-008

Tout n’est que violence au fil des huit numéros. Pas de scène d’action ou d’adrénaline, les balles ne pleuvent que dans un silence froid ou d’exécutions enchaînées. A l’écriture, Ollie Masters déroule un récit travaillé, poignant, qui jongle entre les différents angles généralement abordés dans les récits du genre : le questionnement moral, les dilemmes familiaux, le goût du meurtre, etc… L’authenticité passe par des dialogues emprunts d’une gouaille d’immigrant lower-class, et d’un récit qui va à l’essentiel sans s’attarder sur un personnage en particulier. Problème, certains passages mériteraient plus d’explications, et l’intro’ rushée ajoutée à un certain manque de background donnent l’effet d’un scénariste encore trop proche des faits. Tout fonctionne correctement dans ces huit numéros, où se pressent quelques scènes hautes en couleur. Un message réussi sur la place des femmes dans ce monde qui les refuse, et toujours le même appétit pour la violence bien dosée. Master emprunte au cinéma de Coppola (référencé dans plusieurs dialogues) le goût des exécutions choquantes et expéditives, et les mafiosis sans foi ni loi prêts à trahir à la moindre occasion. La sempiternelle pente glissante du crime vient achever le récit, et court sur chaque numéro jusqu’au dénouement, brutal et cathartique, là encore dans les canons de ce qui fait le sel des polars de truands.

Le principal défaut reste la retenue générale et le manque d’originalité – si The Kitchen est une BD intelligente qui construit bien les enjeux de son récit, il y avait de quoi être plus intime envers ses héros. L’imperfection générale tient à une quête d’identité, d’un auteur qui n’ose peut-être pas assez et reste encore assez académique dans l’évolution de son histoire. La fin laisse une meilleure impression que le début, moins expédiée et avec une conclusion qui boucle bien.

The Kitchen (2014-) 006-014

Servie par Ming Dole, la série bénéficie d’un véritable parti pris artistique. Atypique jusque dans son encrage, l’artiste dessine des personnages expressifs et marqués par la vie. Loin du cliché de femmes fatales sexys, celles-ci sont autant de « gueules » que l’écriture exige : en milieu de trentaine, des femmes aux traits secs, parfois cruels, toujours froidement réalistes. Dans une ville à l’atmosphère pesante, crasseuse, les meilleurs moments sont ceux qui ne passent que par l’expressivité des dessins et se passent de dialogues, Masters et Doyle réussissant un joli travail d’équipe. De son côté, Bellaire colle à toutes les ambiances, avec des couleurs irréprochables et toujours travaillées. En bonus track, la série se paye l’anecdote d’une Becky Cloonan au poste de cover artist, qui reste elle aussi à la hauteur de son immense talent. Le graphisme général rebutera certains, mais sur la longueur, se laisse apprécier comme un boulot de qualité, avec une forme presque underground au service d’un fond réussi.

The (Hell’s) Kitchen : les années ’70, un propos féministe où des ménagères négligées en mal d’argent reprennent le syndicat du crime tenu par leurs maris absents, qui se transforme rapidement en polar mafieux sale et impitoyable. Une histoire de revanche sur la vie, de crimes et de trahisons, qui donne dans le long-métrage typé en BD sur fond de violence et de familles criminelles Irlandaises ou Italiennes. Doyle, Masters, Bellaire et Cloonan livrent ici une vraie bonne lecture, classique dans son exécution mais sans ambages ou effets forcés, un bon comics Vertigo à recommander aux fans de genre, de filles et de flingues. 

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Corentin

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2 Commentaires
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Vakarian
Vakarian
8 années il y a

« Where is Brian ?
– Brian is in the Kitchen. »
Ok ok je sors ^^

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superman
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