Off My Mind #27 – Martian Manhunter sous le feu des projecteurs

Depuis novembre déjà, Martian Manhunter a eu l’occasion de fêter ses 60 ans. Très bel âge pour un personnage plutôt bien connu de l’univers DC mais malheureusement souvent mis de côté avec trop peu d’histoires convaincantes en solo. Il reste pourtant l’un des fondateurs de la Justice League, et même l’un des plus puissants héros jamais créés, avec une origin story très intéressante et une place dans l’univers DC qu’on ne saurait à attribuer à un autre héros.

Apparu pour la première fois dans Detective Comics #225, créé par Joe Samachson et Joe Certa en 1955, on y découvre immédiatement les origines du martien telles qu’on les connaît actuellement puisque cette première aventure s’intitule « The Strange Experiment of Dr.Edel ». Il apparaît alors comme un martien téléporté par accident sur Terre suite à une expérience d’un certain Dr. Edel qui est très surpris par l’apparition et les pouvoirs de l’homme vert au point d’en mourir d’une crise cardiaque. Des origines déjà bien sombres pour un héros fraîchement Terrien qui doit assister impuissant à la mort du pauvre homme. Il se met alors à parcourir son nouvel environnement et cette première aventure se clôt sur son nouveau patron qui lui annonce qu’il est engagé en tant que détective. Nous sommes alors au début de l’Âge d’Argent et le détective John Jones commence à peine ses nouvelles aventures.

Publié dans Detective Comics jusqu’en 1964 avant de passer dans House of Mystery jusqu’en 1968, il vit alors sa vie tranquillement, arrêtant les malfaiteurs dans son travail de détective, et laissant ses lecteurs découvrir peu à peu l’ampleur de ses pouvoirs. Le bilan de ses capacités est alors le suivant : Il peut voler, a une force surhumaine, une rapidité hors-normes, est invulnérable aux balles, peut changer d’apparence, faire de la télékinésie, passer au travers des objets solides, devenir invisible. Mais il a aussi des contraintes, notamment le fait de ne pas pouvoir utiliser ses pouvoirs s’il n’est pas visible et sous sa forme martienne et, plus connue, sa grande faiblesse du feu qui l’empêche d’utiliser ses pouvoirs et peut même, après une longue exposition, mettre sa vie en danger. D’autres pouvoirs apparaîtront plus tard, comme la vision laser ou la télépathie, et son incapacité à user de ses pouvoirs autrement que sous sa forme martienne disparaît. Il est aussi bien entouré dans ses aventures par son patron, la fille de ce dernier, prénommée Diane et qui est secrètement attirée par le mystérieux détective. Plus tard, il trouve un coéquipier en une étrange créature du nom de Zook, venue d’une autre dimension. Cependant, une différence fondamentale qui rend ces histoires plus légères que celles que l’on retrouvera plus tard vient très certainement en partie du fait que la planète Mars est toujours habitée à ce moment de la continuité et qu’il souhaite un jour y retourner pour retrouver ses parents et son petit frère, qui n’a rien à voir avec le jumeau maléfique, Ma’alefa’ak, que lui attribueront les scénaristes plus tard.

Il aura le droit à certains numéros aux côtés de la Justice League of America ainsi que quelques autres aventures en solitaire, mais c’est véritablement lorsque le personnage est confié à John Ostrander que J’onn J’onzz aura droit à une caractérisation plus élaborée, avec des origines plus précises qui lui donnent beaucoup d’enjeu, qui est aussi un excellent point de départ pour le personnage. Étalée de décembre 1998 à novembre 2001, la série rajoute des éléments à la mythologie tout en faisant certains clins d’œil à l’Âge d’Argent dans un univers plus cohérent et moins farfelu. C’est ici notamment qu’apparaît pour la première fois Ma’alefa’ak, parfois appelé Maléfique, ennemi qui sera ensuite repris plusieurs fois comme némésis de J’onn. Il apparaît notamment dans le film d’animation Justice League : Doom, basé sur le très populaire Justice League : Tour de Babel. Mais c’est finalement dans la série animée La Ligue des Justiciers de Paul Dini et Bruce Timm, diffusée entre 2001 et 2006, qu’un public plus large non-lecteur de comics va réellement faire la connaissance du gentil martien. Parmi les oeuvres importantes qui mettent bien en valeur le personnage de J’onn J’onzz, on peut encore citer la mini-série de Darwyn Cooke DC : The New Frontier (ou La Nouvelle Frontière en français) qui est non seulement une très bonne histoire avec de beaux dessins mais aussi un bon point d’entrée pour ceux qui s’intéressent au Limier de Mars, ou à la Justice League en général. Dans les titres les plus populaires qui traitent du personnage, on retrouvera un Martian Manhunter de plus en plus sombre avec l’accent mis sur le tragique de la destruction de toute vie sur Mars ou sur l’injustice subie sur Terre où il est moins populaire que les Kryptoniens à cause de son apparence moins terrienne ou à l’inverse, notamment au sein de la Justice League Internationale, sur son délicieux humour pince-sans-rire et son amour incommensurable pour les Oreos.

Bien que l’on reconnaisse la valeur du personnage aujourd’hui, il existe cependant certains problèmes récurrents qui empêchent au Limier Martien d’être aussi présent dans les comic books qu’il pourrait l’être ou d’explorer tout son potentiel dans les intrigues où il figure. En effet, le personnage est doté d’un grand nombre de pouvoirs, ce qui rend difficile aux scénaristes de réaliser une histoire avec un challenge suffisant. Parfois, les solutions trouvées ne fonctionnent pas trop mal, parfois en revanche c’est douloureux pour les fans du martien. Durant l’Âge d’Argent, les scénaristes n’hésitaient pas à aller assez loin dans l’usage des pouvoirs de J’onn J’onzz, en faisant parfois des utilisations très audacieuses voire un peu cheatées, mais qui, ancrées dans cette période particulière entre les années 50 et 70, font un rendu du personnage tout à fait satisfaisant. Mais le tout manquait certainement d’un peu de finesse par moment. Par la suite, plusieurs techniques sont employées. L’une des possibilité est de mettre le personnage suffisamment en retrait pour éviter de trop donner de détails sur ses compétences au combat, technique qui fonctionne mais reste un peu frustrante puisque le personnage est intéressant. Une autre astuce, probablement la plus agréable pour les lecteurs mais plus délicate pour les scénaristes, donner au personnage un challenge suffisamment grand pour qu’il ait des difficultés même en mettant ses puissants pouvoirs à contribution. Le personnage de Ma’alefa’ak apparaît alors comme un bon soutien scénaristique puisqu’il possède souvent les même pouvoirs, mais il est aussi possible d’exploiter la faiblesse du martien, soit le feu, ou alors jouer sur des limites psychologiques, comme il est possible de le faire avec beaucoup de personnages. Finalement, il existe un autre moyen d’introduire Martian Manhunter sans ruiner son scénario à cause de ses capacités trop grandes mais qui, pour ma part, n’a rien d’une idée convaincante et qui pourtant reste largement utilisée. Cette solution consiste à négliger totalement certains pouvoirs du personnage ou à l’affaiblir sans justification pour éviter peu habilement le problème. Très répandu, on verra ce stratagème régulièrement et même parfois dans des histoires dans lesquelles le personnage est pourtant plutôt bien caractérisé, notamment dans la série animée La Ligue des Justiciers où il arrive très fréquemment que J’onn J’onzz soit mis hors d’état de nuire dès le premier coup reçu, que ce soit un caillou ou une attaque d’un vilain, pour le voir rester évanoui le reste du combat. Événements certes frustrants mais compréhensibles puisqu’il reste difficile d’imaginer un scénario plausible pour un personnage aussi puissant, mais l’exercice vaut la peine et quand il est réussi, c’est remarquable. D’ailleurs, pour rendre justice à cette série animée, il est arrivé plusieurs fois, bien que brièvement, que Martian Manhunter montre l’étendue de ses pouvoirs, faisant preuve d’un excellent timing en jonglant entre ses capacités, et survit même après être déchiré en deux morceaux, ressortant sans une égratignure. Un dur à cuire, ce J’onny.

Martian Manhunter est un personnage plein de qualités. Il a des pouvoirs très puissants, une faiblesse très humaine qui ressemble à une phobie, un côté très sombre, triste et solitaire mais aussi une vision optimiste qui le rend très lumineux quand il se retrouve en équipe. Il peut paraître froid et contrôlé, mais aussi faire beaucoup d’humour. C’est un personnage qui peut potentiellement parler à tout le monde et même à quelques années de la retraite, il n’a pas pris une ride et à mes yeux, il est toujours aussi parfait. <3