Off My Mind #24 – Robin, nouvelle génération !

En cette période d’anniversaire pour Robin, on se rend compte quand même que ça fait 75 ans que le personnage existe (soit 3 fois mon âge, fichtre) et comme tout personnage ou concept dans le comics, il faut évoluer avec son temps. Parce que 75 ans, c’est un poil longuet il faut l’admettre, et comprendre qu’on ne pourrait garder le concept du sidekick préféré de Batman de façon immuable, et ces dernières années auront apporté des tentatives d’innovation remarquables. Parce qu’il aura fallu du temps pour vraiment se démarquer du concept original de Robin. Une fois Dick Grayson parti, on remarquera que les personnages qui auront succédé n’en étaient que des copies – pas dans leur personnalité, certes, malgré le cas un peu complexe de Jason Todd (bien explicité dans notre récent dossier), mais qui restent toujours des personnes touchées par une tragédie familiale, avec mort d’un parent, ou des deux, et repris d’une façon ou d’une autre sous l’aile de Bruce Wayne. Oui, je généralise et grossis un peu le trait, j’ose espérer que vous suivrez mon raisonnement.

C’est en ce sens que Grant Morrison frappait déjà fort lorsqu’il amenait Damian Wayne au tout début de son run ; plus que de donner un fils à Bruce, on y retrouvait un personnage dont les deux parents sont bel et bien vivants (sans compter les symboles diamétralement opposés que chacun représente), et qui se retrouve sous le giron de Batman sans que lui en ait pris l’initiative. Au contraire, sa présence est imposée à Bruce et toute la Bat-Family, de la même façon que l’auteur l’impose à son lectorat – ohlala, comment c’est trop méta ce que je raconte. Chose assez amusante au final, quand on verra la réaction virulente du dit lectorat aux débuts du personnage, alors que maintenant il est l’une des figures les plus appréciées du DC Universe (du moins, du côté Batman) malgré sa toute jeunesse (à peine dix ans cette année ! On en ferait presque une thématique spéciale Damian Wayne sur le site, tiens).

Mais malgré tout le travail apporté par Grant Morrison puis Peter J. Tomasi sur Damian Wayne, le fait est que dans son idée, le personnage ne diffère pas tellement du Robin initial ; c’est en vérité ce que je pense pour à peu près tous les personnages qui ont porté le costume (voir notre petit dossier là-dessus), qui malgré toute leur diversité et leurs histoires différentes, ne s’éloignent pas de ce qui avait été pensé initialement il y a 75 ans. Il faut donc dépoussiérer un peu le costume, le moderniser, et la façon qui a été récemment choisie par DC Comics, est en fait de se débarrasser du costume, tout en le transformant en symbole, que chacun peut s’approprier.

Bien sûr, je ne dirai pas que l’éditeur a établi une révolution dans le genre, mais il fallait quand même y penser – et surtout le réaliser. Ainsi est née We Are Robin, une série lancée dans le cadre de l’initiative DC You avec l’auteur/artiste Lee Bermejo au scénario et Jorge Corona, ou Khary Randolph aux dessins. L’idée s’inscrit dans un contexte temporel bien particulier, dans lequel Robin a disparu de Gotham City (il part faire ses frasques dans le titre Robin : Son of Batman de Patrick Gleason) et le Batman n’est plus vraiment le même, thanks to Scott Snyder. En s’inspirant de mouvances populaires et jeunes comme les Anonymous, Occupy Wall Street et révolutionnaires comme le Printemps Arabe, pour lesquelles l’utilisation du net et des réseaux sociaux a été primordiale, Robin devient également un nom de groupe, un symbole de rattachement, qui ne s’illustre plus que par des codes visuels, et certaines valeurs, plutôt que par un costume. L’idée est aux premiers abords séduisante, par sa nouveauté vis-à-vis de l’histoire de Robin en tant que personnage, mais a également ses limites.

Le fait de ne plus avoir UN porteur de costume est à double tranchant. Comme tout le monde peut rejoindre le mouvement (techniquement), la représentativité des membres est laissée libre à l’auteur, et pour la diversité (ethnique, sexuelle, etc..) c’est du pain béni, pour que tout le monde puisse s’y retrouver. A l’inverse, lorsqu’on a trop de personnages, difficile de pouvoir tous les développer, et encore faut-il les développer de façon intéressante. Dans le cadre de We Are Robin, le leader est Duke Thomas, jeune homme apparu dans le premier numéro de Zero Year sous Snyder, et qui a perdu ses parents (oh ! Surprise, un drame familial !) lors des attaques de Joker dans Endgame ; d’autres membres ont étés développés, comme Riko ou Drax, chacun utilisant des pseudos pour communiquer entre eux – et si on apprécie d’avoir une jeune afro-américain ou une asiatique dans les rangs, après plus de six mois de publication, on se rend compte qu’aucun n’a vraiment réussi à avoir le charisme d’un des porteurs originels du costume (ou de ceux qui ont suivi temporairement comme Stephanie Brown). Cette vérité était exacerbée lorsqu’un des membres du groupe mourrait dans une explosion au bout de 5 numéros, alors qu’on avait pas eu le temps de s’intéresser à lui, ce qui plombait tout le ressort dramatique.

En revanche, pour l’identification, le concept reste tout de même séduisant ; qui n’a jamais eu envie de faire partie d’une bande reconnue (certes ici, pourchassée par les forces de l’ordre également, mais bon), de porter un symbole, des valeurs ; qui n’aurait pas envie d’être un super-héros sans n’avoir rien de super ? L’union fait la force, on le répète souvent, et ce précepte est mis en avant, avec un réseau de Robin qui démarre à Gotham City pour prendre ensuite une ampleur qu’on devine bien plus grande (en témoignent certains journaux télévisés, mais Bermejo concentre malgré tout l’action à Gotham City et c’est peut-être là une erreur). L’attractivité du groupe, notamment pour des jeunes qui, comme pas mal d’entre nous, se sentent un peu lésés dans la société, et ont ici la chance d’accomplir quelque chose, de se rendre utile pour la bonne cause, est forte, et devrait attirer un lectorat potentiel de ce côté. Problème : les jeunes d’aujourd’hui ne lisent plus vraiment (ouh, les préjugééééés, disent-ils ; mais sérieusement, j’ai pas un peu raison ?).

Les enjeux en mettant des jeunes « lambda » sous la bannière rouge et jaune du Robin sont également intéressants, dans le sens que contrairement aux porteurs du costume, aucun de ces personnages n’a eu de réel entraînement. Ni par Batman, ni par personne d’autre – et s’ils doivent profiter de leurs capacités innées, tout le monde n’est pas au même niveau. De fait, les dangers qui sont encourus par ces Robin sont d’autant plus importants qu’ils sont inexpérimentés. Et du même fait, on peut questionner la responsabilité de ces gens, de ceux qui laissent faire, comme de ceux qui s’y opposent, à priori non sans raison. Car plus que de ne pas respecter la loi (forcément), il y aussi la question de la mise en danger, de soi et d’autrui. A ce titre là, n’y-a-t-il pas une raison de tiquer lorsqu’on apprend que c’est Alfred qui est à l’origine de ce groupe ? Lui qui a tant veillé pour que DickJason et Tim aillent bien ? Bruce lui même a toujours montré beaucoup de réticence à laisser des personnes rejoindre la Bat-Family, à cause de la mise en danger, alors qu’ici elle est totale. La preuve : un membre est mort (et les parents ?), d’autres sont pourchassés et battus par la police. Ca ne fait pas très sérieux, tout de même.

Concernant les ennemis de We Are Robin, là aussi on peut voir quelque chose d’intéressant. Pour affronter un groupe, il vaut mieux avoir un autre groupe en face, question de rapport de force. Le souci c’est qu’il n’y a pas tellement de groupes d’ampleurs dans Gotham City, et après nous avoir servi un groupuscule obscur des bas-fonds de la ville, on nous a de suite sorti les grands couteaux avec l’intervention de la Cour des Hiboux dans le crossover Robin War ; et dans l’arc qui débute à présent, on a assisté à la naissance d’une sorte de We Are Joker, qui me fait beaucoup penser aux Jokerz de l’animé Batman Beyond. Ce dernier arrive de façon presque évidente (quelle meilleure figure d’opposition pour une bande qui se revendique de l’héritage de Batman ?), et j’attends avec grand plaisir de voir ce que Bermejo fera de cet (ces ?) antagoniste(s). Mais il serait dommage de ne se laisser aller qu’à proposer des affrontements entre bandes plus ou moins organisées, et on pourrait aussi avoir droit à un ennemi, qui par sa puissance ou ses qualités arriverait à mettre à mal tout un tas de jeunots qui portent le symbole de Robin.

Le titre We Are Robin rajeunit donc, ou plutôt modernise, le concept d’un personnage vieux de 75 ans, en y apportant une certaine fraîcheur, un air du temps bienvenu, nuancé par des difficultés scénaristiques propres à son concept. Mais l’idée est là, les bonnes intentions aussi. Il faut maintenant que le titre reste dans l’air du temps (sans se reposer sur l’utilisation à outrance des réseaux sociaux, par exemple) et surtout, se maintienne. A l’aube de Rebirth, et au vu des faibles ventes du titre, on ne sait pas encore de quoi sera fait l’avenir pour les Robins. Mais j’espère que le titre et son idée réussiront à marquer l’histoire du personnage, plus que comme une simple lubie éditoriale qui n’aura durée qu’un an, entre deux semi-relaunchs intempestifs d’un éditeur qui peine à se faire autant d’argent qu’il le voudrait. Allez, on y croit.

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ArnoKikoo

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DarkChap
DarkChap
8 années il y a

Je ne suis pas certain de comprendre le postulat de départ voulant que garder le concept de Robin en tant que sidekick de Batman serait problématique en soit. Il y a beaucoup de personnages qui ont 75 ans, je vois pas en quoi celui-ci, qui pour le coup a au contraire pas mal changé avec chaque itération, devrait nécessairement être entièrement dépouillé de son concept même pour ne plus conserver que le nom. Gail Simone avait écrit exactement la même série il y a deux ans, ça s’appelait The Movement, Bermejo ne fait qu’y coller le nom de Robin parce qu’il a eu l’autorisation de le faire de la part de DC, dans un acte assez froid de brand management.
Le pire, c’est que We are Robin ne veut rien dire. A la différence de Superman, Batman, Wonder Woman (ou même du Joker d’ailleurs), Robin n’est pas porteur de valeurs. Dans un monde où la Trinity existe, les jeunes ne devraient avoir absolument aucune raison de se revendiquer de Robin plutôt que des trois autres.

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