Review VF – Top 10 : L’intégrale

Critique de Top 10
Les points positifs :
  • Tous les personnages sont hyper attachants
  • Intrigues variées
  • Des parallèles avec le monde réel
  • Plein de très bonnes idées
Les points négatifs :
  • Thématiques provocatrices, telles que l’homosexualité, l’inceste, etc
  • Nette baisse de qualité graphique et scénaristique vers la moitié

« Nous sommes en Amérique ! J’ai des droits ! » – Loki, dieu du mal


  • Scénario : Alan Moore – Dessin : Gene Ha & Zander Cannon Colorisation : Obs-Curaint Quaunu – Couverture : Gene Ha & Zander Cannon
  • Vetigo Essentiel – Top 10 – 11 décembre 2015 – 656 pages – 35 € / 51.70 CHF

Quand des gens parlent comics, on entend tout de suite des noms comme Geoff Johns, Frank « bordel y a pas de C à mon prénom » Miller, Grant Morrison, et j’en passe. Puis sort le nom Alan Moore. Et là, c’est le grand silence. On peut rire du réchauffement climatique, du sida, de la guerre en Syrie, mais on ne déconne pas avec Alan Moore. Quand on entend son nom, on pense immanquablement à Watchmen, V pour Vendetta, Swamp Thing, toutes des oeuvres aussi profondes que génialissimes, mais les connaisseurs savent que récemment, le monsieur prend un virage dérangeant avec des titres comme Neonomicon ou Lost Girls, qui partent dans des délires sexuels provocateurs et pas tellement intéressants.

Top 10 est une oeuvre sortie entre 1999 et 2001, vers la fin de la carrière de Moore. Comme avec Watchmen, l’auteur exprime un point de vue novateur au sujet des superhéros, et il le fait cette fois-ci sous la forme suivante : et si on faisait une ville (Neopolis en l’occurrence) où tous les habitants sont des superhéros ? L’album recueille l’intégralité de la série, c’est-à-dire Top 10 #1-12, en plus de Smax #1-5, un extrait de America’s Best Comics 64-page #1 et la préquelle Top 10 : The Forty-Niners #1-4, le tout scénarisé par Alan Moore.

Robyn Slinger est la nouvelle recrue de la force de police de Neopolis, le 10ème commissariat, aussi appelé Top 10. Entre les accidents de téléporteurs et les infestations d’ultra-souris, Robyn va aider ses équipiers dans cette ville où tous les habitants sont des superhéros, et où chaque petit problème peut aboutir à de véritables catastrophes surnaturelles.

Une caractérisation sans faute

C’est sans doute la partie la plus difficile pour un scénariste : la caractérisation, le développement des personnages, leur profondeur, ce qui fera qu’on aura de l’attachement pour eux, ou au contraire, qu’on les détestera (mais pour de bonnes raisons). Mais si la caractérisation d’une oeuvre est réussie, le résultat est très rentable, l’oeuvre devenant beaucoup plus facile est plaisante à lire. Dans le cas de Top 10, la caractérisation n’est pas réussie. Elle est géniale. Le travail qui a été porté à ce sujet est réellement grandiose. Il n’y a pas de mode d’emploi pour faire des personnages réussis, c’est donc un challenge difficile que de réaliser cet exploit. Challenge remporté haut la main par Alan Moore. Presque tous les personnages principaux sont très réalistes et très bien développés, sans jamais tomber dans la facilité des stéréotypes.

Une méthode fort populaire pour réaliser un tel exploit est de donner un passé à son personnage, en consacrant des pages et des pages à expliquer ses origines, si possible tristes (sinon ça a pas vraiment d’intérêt). Mais Moore est au-dessus de tout ça. Un exemple ? Lorsque Joe, l’intelligence artificielle (spoil) qui remplace Girl One après sa mort, débarque, quelque pages suffisent à donner une profondeur et une réelle personnalité au personnage, propulsant ainsi ce dernier à la première place sur la liste de mes personnages préférés (une touche de subjectivité ça fait pas de mal de temps en temps).

Mais il ne s’agit pas seulement du robot. Presque (je dis bien presque) tous les personnages ont droit à un traitement de maître. Cela donne un côté très réaliste à l’histoire : on a l’impression que ces personnages existent vraiment. Vous voyez bien que l’on peut faire quelque chose de réaliste sans faire du « dark ».

Bon ensuite, c’est sûr que peu d’entre vous diront que leur personnage préféré sera Girl One ou Hector. Mais ils n’apparaissent pas très longtemps. À l’exception de Robyn, les personnages principaux sont très bien développés. Top 10 est probablement une des meilleures oeuvres qui existent en matière de caractérisation et développement de personnage (après Watchmen peut-être).

Une mine d’or de bonnes idées

Comme dit le proverbe que je viens d’inventer : « C’est bien d’avoir un bon concept de base, mais encore faut-il savoir l’utiliser usine à gaz » (je devais trouver une rime avec « concept de base »).

La série aurait pu se cantonner à une simple série policière sans ambitions particulières, en reposant ses lauriers sur le simple fait de se passer dans une ville où tout le monde est un superhéros, à la manière de Iron Sky dont le seul argument de vente était de parler de nazis sur la lune. Mais Moore exploite très bien son concept, en utilisant notamment le fait que les problèmes quotidiens d’une ville comme celle-ci doivent être d’une nature bien supérieure à ceux du monde réel, mais tout de même similaires en beaucoup de points. Ainsi, on envoie des chatomiques lorsqu’un appartement est infesté d’ultra-souris, on assiste à des accidents de téléporteurs, les « aéroports » conduisent sur des terres parallèles et Godzilla détruit des immeubles en venant chercher son fils qui a été bouclé par un policier.

Si dans beaucoup de cas, toutes ces bonnes idées ne servent généralement qu’à « assaisonner » l’histoire, il arrive qu’elles en soient le centre d’attention, comme ce passage complètement loufoque où Smax et Robyn arrivent dans un bar de dieux, où Ganesh prend une bière aux côtés de Thor, et dans lequel il y a eu un meurtre. Je ne vais pas en dire plus, mais ce passage montre d’ailleurs bien à quel point les intrigues mythologiques deviennent stupides et ridicules lorsqu’on les transpose dans le monde réel.

Une version alternative mais similaire de notre univers

Je peux en avoir perdu certain en disant « des parallèles intéressants avec le monde réel », il faut donc que je m’explique : dans cette série, Moore fait beaucoup de métaphore de notre univers. Un exemple : à Neopolis vivent des IA, appelés par « Metallos » par la plèbe raciste. Oui, raciste. Ils disent qu’ils dérangent et volent notre travail. Moore a utilisé les robots pour aborder le sujet du racisme dans cette oeuvre.

Mais ces métaphores, il en fait plusieurs, comme l’existence de cette maladie sexuellement transmissible et courante chez les prostituées, la M.O.R.T, qui a des effets complètements aléatoires, et qui tue dans la majorité des cas, même s’il arrive que la maladie ne se déclare jamais. C’est le sida !

Toutes ces métaphores ne sont jamais abordées de manière trop évidente ou trop subtile. Et même si ce côté sert souvent à donner un petit plus à l’histoire, il y a certains passages qui exploitent à fond ce côté. Un bon exemple : Joe, l’intelligence artificielle (encore). Presque tous les éléments qui gravitent autour de lui font explicitement référence au racisme et à la traite des noirs.

Alan Moore fait du Alan Moore

Pour ceux qui ne connaissent pas le côté sombre d’Alan moore, laissez-moi vous l’expliquer : Moore est parfois très provocateur, n’hésitant pas à aborder de manière très cru le viol, l’inceste, et autres joyeusetés du genre. Mais ces thématiques sont abordées d’une manière aussi subtile qu’un coup de masse d’armes dans la tronche.

Toutes ces thématiques sont surtout présentes dans la deuxième partie de l’oeuvre, lorsque l’histoire se concentre sur les Forty-Niners et celle sur Robyn et Smax qui vont au pays natal de ce dernier. Une idée qu’il soulève notamment porte sur l’inceste : est-ce mal vu dans notre société parce que c’est fondamentalement mal et immoral ? Peut-il exister une société où l’inceste est parfaitement normal ?

L’ennui, c’est que Moore n’aborde pas ce sujet au passage, il en fait vraiment l’enjeu principal d’une partie de l’histoire. Si, dans le cas de la questoin de l’inceste, ça peut sembler encore correcte voir plutôt mignon (hum…), ça l’est moins pour le viol. Ici, le sujet est mis en page de manière complètement gratuite et sans apport réel à l’histoire. Ce n’est pas pour rien si Urban a écrit « pour lecteurs avertis » sur la quatrième de couverture. On a l’impression que Moore essait juste de choquer en écrivant quelque chose qu’il considère mature. Attention cependant, ce côté provocateur n’est réellement présent que dans la deuxième partie de l’histoire. Et des oeuvres comme Neonomicon font bien pire en matière de provocation gratuite.

J’en profite d’ailleurs pour parler de ce qui me désole le plus dans ce tome : une nette baisse de qualité dès que l’histoire avec le voyage de Smax et Robyn commence. Tout d’abord niveau dessin : le trait de Gene Ha est vraiment beau, d’une part précis, net et rempli de détails, mais aussi doux et agréable à regarder, et suffisamment dégeulasse lorsqu’il faut dessiner quelque chose de dégeulasse, comme une créature alien. Mais dès qu’on passe sur Zander Cannon, c’est le jour et la nuit. Le trait beau et détaillé se transforme en un cartoon plus brouillon qu’autre chose. Sérieusement, regardez Smax : il n’est absolument pas le même sous le trait de l’un et de l’autre.

Mais cette baisse de qualité se situe aussi au niveau du scénario. Le côté superhéros et série policière est sacrifié pour un univers féérique et une ambiance d’aventure, et on perd beaucoup au change, le côté « mine d’or de bonnes idées » étant en retrais sur cette partie, qui préfère se concentrer sur le périple de Smax. C’est pas mauvais, c’est juste dommage que la série prenne cette direction inattendue. Quand on lit Top 10, on veut une série policière dans une ville de superhéros. Le choix d’Urban d’inclure Smax #1-5 dans cet album n’est pas très judicieux.

Ce chef-d’oeuvre est un des meilleurs travaux d’Alan Moore. Les intrigues abordent des thématiques très variées et le soin apporté au développement des personnage est tout simplement remarquable. Cet album aurait mérité cinq étoiles sans la présence du spin-off sur Smax, qui fait ressortir le côté provocateur de Moore qu’on a pas envie de voir. Malgré tout cette oeuvre reste incontournable pour tout lecteur de comics qui se respecte, et à tout le monde, même (surtout) aux gens qui n’aiment pas les super-héros, je recommande plus que fortement cet excellent album.

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Leonidas

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Un étudiant suisse passionné de cinéma, d'informatique, et bien évidemment de comics.
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ramzacom
ramzacom
8 années il y a

Perso en Moore récent, je citerais sa contribution dans l’univers de « crossed », que j’ai trouvé très réussie. A découvrir sous l’intitulé « crossed+100 ». Il nous a fait une très belle anticipation post-postapo dans cet univers horrifique, avec d’excellents idées telles que la perte de la syntaxe.

Sasahara
Sasahara
8 années il y a

perso j’adore la partie sur Smax, une parodie réjouissante des oeuvres d’Heroic-Fantasy, avec un vrai enjeu dramatique et un humour constant, c’est parfait! On n’est plus au commissariat, et alors ? Moore raconte autre chose, et c’est tout aussi passionnant!

Wlad
Wlad
8 années il y a

Thématiques provocatrices ? Il ne vous en faut pas beaucoup…

medbond
medbond
7 années il y a

L’intégrale (en 3 tomes) est dispo sur vente-privée pour 17 € ‘Il y a aussi du DMZ, Scalped et 100 Bullets pour les intéressés

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