Review VO – DK III : The Master Race #1

Preview DKIII #1
dk3 review  
Les points positifs :
  • L’héritier du chef d’oeuvre
  • Fidèle à l’esprit
  • Narration et rythme
  • Artistiquement réussi
Les points négatifs :
  • Dark Knight Strikes Again, again
  • Trop introductif pour se faire une idée
  • Les tie-in à venir déjà contestables

« How did we let our distractions become our focus ? When did we stop thinking ? Why did you come back to this ? » – Comissaire Yindel 


  • Scénario : Brian Azzarello, Frank Miller – Dessins : Andy Kubert, Klaus Janson – Couleur : Brad Anderson – Couverture : Andy Kubert, Klaus Janson

Il y a quelques années, les hautes sphères de la création se sont tournées vers le passé. Capitaines d’industries, marchands d’imaginaires, les grands leaders du cinéma, des comic books et de la télévision ont réalisé à un certain moment, au milieu de la précédente décennie, qu’il importait moins de créer quelque chose d’original, que de créer quelque chose de rentable. Au regard de l’immense histoire des comics, cette nouvelle impulsion s’est matérialisée dans la pertinence de reboots, justifiés ou pas selon les opinions. Une manière de faire table rase du passé et d’offrir à un parterre de lecteurs nouveaux ou anciens un champ d’expression inédit, qui, pour beaucoup, s’est employé à raconter une même histoire sous un autre titre par d’autres artistes. Dans le cas des indémodables chefs d’oeuvres du passé, on a repassé au feutre ou apporté une extension superflue, sous forme de préquelles différemment accueillies. Ainsi naquirent Batman : Zero Year, Before Watchmen, et ce mercredi, The Dark Knight, troisième épisode : The Master Race. Oeuvre attendue, et fruit d’un intense travail promotionnel de la part de DC Comics, l’oeuvre en devenir pose déjà quelques questions sur le pourquoi de sa création (à part « pour l’argent » ou « pour les fans »), et au sortir de ce premier numéro, mettons que la réponse n’est encore pas tout à fait entière.

1

The Dark Knight III reprend trois ans après la fin du controversé Dark Knight Strikes Again. Quelques références assez évidentes sont faites au dernier récit en date de Frank Miller sur la chauve-souris, comme la relation Superman / Wonder Woman (au coeur de DK II), l’âge de Carrie Kelley ou encore le fait que le président doive attester de son existence physique, après que celui de Strikes Again se soit révélé n’être qu’un hologramme programmé par Lex Luthor. Trois années sans Batman, jusqu’à ce que le Chevalier en armure soit aperçu dans les rues de Gotham City, s’en prenant à des policiers corrompus prêts à abattre sans motif un jeune des quartiers. La presse s’empare de l’événement, le commissaire Yindel est appelée à intervenir, s’en suit un affrontement déterminant qui clôturera ce premier numéro. En parallèle, cette introduction présente le statut de Wonder Woman, Superman et leur fille Lara, loin des troubles de Gotham ou de la persistance du Chevalier dans son interminable croisade.

A peine passé les premières pages, le lecteur familier du travail de Miller retrouve tout ce qu’il connaît du style de l’auteur. Simple prête-nom sensé légitimer le projet de la série, scénariste et dessinateur marchent dans les pas du maître, au spectre omniprésent. Brian Azzarello s’épanouit dans un mimétisme inconditionnel, depuis les codes incontournables du Dark Knight Returns (la narration par les médias) jusqu’à la personnalité de ses personnages, figures de héros taiseux traversés par une personnification presque mythologique. Ce premier numéro n’est ni bavard ni textuel, les héros eux mêmes semblent en deuil de ce Batman disparu, et cherchent, particulièrement à travers la figure conjointe de Lara et de Carrie Kelley, une suite donner aux symboles du passé, et à l’image du père. Héritières ? Imitatrices ? La nostalgie de l’écriture et du dessin (très appuyée dans ce travail d’Andy Kubert) trouve un écho auprès des personnages, désabusées d’exister dans ce monde sans Bruce ni Clark, cherchant ce qu’il est advenu de cette époque glorieuse des héros d’autrefois. Un Batman rebelle contre une armée de policiers, refusant de tomber, refusant l’échec, prêt à se battre pour ce droit d’enfiler le costume, quand rien ne semble l’y autoriser. Ce troisième Dark Knight Returns s’interroge sur l’après. Dans le fond comme la forme, le récit est une interrogation sur le deuil du père, et de la réponse que doivent donner ceux qui, après coup, cherchent une fois encore à porter son message. Personnages ou auteurs. Personnages ou artistes.

2

On peut en revanche critiquer de nombreux points de cette introduction. Pour commencer, difficile de dire que ce premier numéro est autre chose que symbolique : aucun enjeu de long plan n’est déployé, mis à part dans le mini-comics compagnon. De même, ce deuil de héros introvertis, pas très causants, donne l’impression d’un premier numéro assez maigre, loin du rythme frénétique du Dark Knight Strikes Again, ou du premier Dark Knight Returns (quoi que, après la seconde lecture, je me demande s’il n’est pas futile de comparer les deux). Parlant de cette continuité à part, on peut à peu près considérer que le défaut de ce Dark Knight III est aussi (voire surtout) de placer Strikes Again et sa cohorte d’idées discutables directement dans le canon. Parce que : en définitive, il n’y avait pas besoin de faire Dark Knight II. Et donc, pas besoin non plus d’un Dark Knight III. Si les auteurs présentent intelligemment leur projet, en faisant résonner ce besoin de toujours donner suite jusque dans la quête de leurs personnages, on ne peut pas ne pas critiquer DC Comics, qui ne ressuscite Miller que par bête intérêt financier. L’énorme collection de couvertures variantes ou de projets sous le projet aura certainement fait plus de mal que de bien à la réception de ce premier numéro, dont une partie du lectorat ne veut pas ou plus, déjà écœuré de son énorme enrobage marketing.

3

L’autre partie de ce premier numéro se présente dans cette perspective. Frank Miller dessinateur (!), Brian Azzarello au scénario, pour un mini-comics Atom bien plus verbeux et discutable que sa contrepartie « principale ». On retrouve Ray Palmer, figure importante de Strikes Again, dans un récit qui hésite encore entre le tie-in injustifié, et l’apport conséquent aux numéros à venir. Sans trop en dire, le héros miniature est appelé à l’aide par Lara pour une mission qui aura sans doute une importance future, mais qui pour l’heure se résume à quelques pages de redite, qu’on apprécie surtout parce qu’elles nous rappellent que, malgré la légende, les crayonnés de Miller ne sont plus ce qu’ils étaient.

C’est avec un soulagement mesuré que s’achève la lecture de ce premier numéro de The Master Race. Au lieu d’ouvrir les vannes d’un récit fleuve trop entreprenant, Brian Azzarello opte pour une entrée en matière solennelle, une introduction ponctuelle où l’on se contente de replonger dans ce monde à part, tel qu’il fut présenté jadis par un Frank Miller au sommet de sa carrière. Une entrée qui prend ses marques, se contentant d’appeler au souvenir et au renouveau, la réponse méta-textuelle de deux artistes qui passent après le géant. Frank Miller et Bruce Wayne se confondent dans cette image de paternité (avec Superman), où la métaphore du passage de relais à la génération suivante recoupe la réalité de l’oeuvre et de son propos. Derrière les magnifiques planches d’un Andy Kubert copycat comme jamais, Dark Knight III n’est pas une provocation, ou l’élucubration violente d’un auteur furieux. Le récit cherche le pourquoi de son existence avec sobriété (et un peu de sang), derrière un projet commercial de plus arrivé sur les bureaux de DC dans un mauvais jour (on peut déjà applaudir le peu de similitudes avec Batman V Superman, une crainte pour pas mal de gens). A voir si le lectorat saura pardonner cette énième tentative de raviver les flammes du passé, ou si le récit saura aller plus loin que l’hommage ou l’auto-justification dans les numéros à venir. En attendant, c’est un fait. The Dark Knight Returns. The Dark Knight Strikes Again. The Dark Knight is back. 

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Corentin

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stingrayfell
stingrayfell
8 années il y a

Mon problème avec ce DK3 c’est que vu que c’est une suite à l’horrible DK2, je ne me sent pas de le lire ni de l’avoir dans ma Comicsthèque à côté de DK1 sans DK2… quel dilemme ! lol

stingrayfell
stingrayfell
8 années il y a
Répondre à  Corentin

Je vais essayer de redonner une chance au DK2 avant, lol

Vittorini
8 années il y a

Merci pour cet article très rassurant sur une œuvre dont on pouvait craindre un fond discutable. Et puis, avec Azzarello aux commandes, on devrait en avoir pour notre argent, à priori.

Harle
Harle
8 années il y a

Me suis toujours demandé si DKII avec des dessins et une colo moins gerbants serait pas beaucoup mieux passé, quand on voit que les dessins de Jim Lee font presque digérer All Star Batman (presque hein…).

Harle
Harle
8 années il y a
Répondre à  Corentin

Ah j’ai pas encore écouté le podcast ! Mais ça me rassure de voir que je suis pas le seul. Y a pas longtemps j’ai vu une vidéo de Linkara sur All-Star Batman qui théorisait que Sin City avait détruit les dialogues de Miller, qui continuait d’écrire de cette manière pour toutes ses séries là où ça ne fonctionnait que dans le contexte ultra exagéré assumé de Sin City. Je me demande maintenant à quel point ça n’a pas aussi affecté son dessin : peut-être qu’en passant sa couv’ Wonder Woman en noir & blanc ça donne un truc potable pour une prostituée ninja dans une série b poussée à l’extrême ?

Harle
Harle
8 années il y a
Répondre à  Corentin

Parfois il me fait penser à James Ellroy ; est-il premier degré, ou bien joue-t-il de son personnage jusqu’à se perdre dedans ?

Garwald
Garwald
8 années il y a
Répondre à  Corentin

Allez, première intervention de ma part dans cette communauté.

Moi je suis un lecteur récent de DC. Seulement deux ans environ. On va me jeter des pierres, mais c’est le New52, qui m’a fait intégrer ces univers. Et surtout readdccenter, car je suis handicapé et je ne peux plus manipuler un livre depuis à peu près 2002.

J’ai bien aimé DKI, que j’ai commencé sur les conseils d’un ami après avoir lu quelques autres séries. Par contre je n’ai pas acheté DKII, car j’ai toujours entendu des critiques très virulentes. Ayant entendu parler de la sortie de DKIII, et connaissant les positions fascisantes concernant l’islam de Monsieur Miller, je me suis dit  » Bon, ce serait quand même dommage d’ignorer un des rares auteurs dont je partage les opinions politiques « . Du coup j’ai acheté DKII.

Et je dois faire parti des rares à ne pas avoir une impression négative de l’œuvre. Bon, je n’ai pas aimé énormément le dessin, mais je suis très difficile dans le domaine. N’ayant pas la culture comics, j’ai vraiment du mal avec tous les styles Old School, si c’est le bon terme. Mais j’ai bien aimé DKII, au final. Du coup, je me dis qu’effectivement nos positions politiques doivent nous influencer pas mal. Car au final, les seules choses qui m’ont un peu dérangé sont les quelques sous-entendus qui peuvent avoir une résonance homophobe, que je ne partage pas. Et encore, je suis mitigé sur cette accusation là, car je trouve que Carrie est un personnage ambigu, sur le sujet.

Mandalorwarrior
Mandalorwarrior
8 années il y a

Très bonne. et etonnente nouvelle ! J’ai hâte qu’il sort en VF, du coup… Mars va être le mois DC, cette année :p !

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