Review VO – Green Lantern & Superman : Legend of the Green Flame

Les points positifs : Des guests inattendus La partie graphique époustouflante Une justification habile pour un voyage onirique réussi Les points négatifs : Court, genre beaucoup trop court La meilleure idée a été piquée à Alan Moore Une exécution plus maladroite que sur ses travaux ultérieurs

« Who I am ? I am a friend, Kal-El, when you most need one. » – Phantom Stranger

• Scénario : Neil Gaiman – Dessin : Michael Allred, Terry Austin, Mark Buckingham, John Totleben, Matt Wagner, Eric Shanower, Arthur Adams, Jim Aparo, Kevin Nowlan et Jason Little

• DC COMICS – Green Lantern & Superman : Legend of the Green Flame – Novembre 2000 – 48 pages – 5.95 $

Legend of the Green Flame, c’est l’histoire d’un script de Neil Gaiman resté inutilisé durant des années. En effet, à la fin des années huitante, avant que l’Écossais ne s’attelasse sur Sandman, lorsqu’il n’avait que Black Orchid au compteur, l’éditeur aux commandes à l’époque, un obscur Mark Waid qui allait ensuite bâtir sa réputation sur un stand de hot-dogs très prisé à Brooklyn, lui demanda s’il était intéressé à apporter une conclusion au titre Action Comics Weekly – en fait le Action Comics original passé temporairement à une publication hebdomadaire et à un format anthologique. Neil Gaiman, intéressé, confia son intention de réunir Hal Jordan et Clark Kent dans une seule et même histoire pour terminer la série. Le hic, c’est que suite aux retcons qui avaient suivi Crisis On Infinite Earths, Clark Kent n’était plus au courant de la double-identité de Hal Jordan et vice-versa. Tenant à ce détail, Neil Gaiman ne préféra pas insister, et c’est à Elliot S! Maggin qu’incomba la tâche de pondre un nouveau script à l’arrache. Pendant des années, ce script inutilisé prit donc la poussière. C’est grâce à Karen Berger, pour changer, qu’il est finalement arrivé dans les mains du public. La maman de Vertigo avait en effet aiguillé Neil Gaiman vers un petit recueil d’histoires de sa plume glanées ci et là, celui-ci devait s’intituler Midnight Days. À cette occasion, Neil Gaiman songea au script de cette histoire de Superman et Green Lantern qui n’avait jamais servi. Il appela son éditeur pour s’assurer que ce ne serait pas un problème si le récit ne respectait pas la continuité : feu vert. Le problème, c’est que ni Neil Gaiman, ni DC Comics, n’avaient gardé une copie du script (inconscients les gars, un script inédit de Neil Gaiman, c’est le truc à vendre sur Ebay ! Ah si ça se trouve c’est justement pour ça qu’ils ne l’avaient plus). Après toute une série de péripéties, une photocopie du script a finalement été retrouvée chez un certain James Barry, et le récit, avec le concours d’une pléthore de dessinateurs talentueux, a finalement été publié en novembre 2000, non dans la collection Midnight Days mais sous la forme d’un graphic novel original.

Bon, okay, je me la joue expert, mais en réalité je n’ai pas grand mérite à vous raconter toute cette histoire puisqu’elle figure en intégralité en préambule de la présente œuvre.

Hal Jordan, de passage à Metropolis, décide de rendre visite à son ami Clark Kent. Manque de pot, Lois Lane débarque et annule tous leurs rêves de biture en leur fourrant dans les mains deux invitations pour le vernissage d’une nouvelle exposition au musée. Chaque objet présenté à cette exposition est accompagné d’une histoire particulière. Quelle n’est pas alors la surprise des deux compères lorsqu’ils y découvrent ce qui a l’air d’être une lanterne du Green Lantern Corps, posée au milieu de bibelots sans intérêt ! La notice affiche : « Lanterne trouvée en 1949 à Berlin. Constituée d’une substance métallique inconnue à ce jour ». Ce sacré Hal Jordan ne trouve rien de mieux à faire que de tenter de déclamer son serment en y appliquant son anneau, et les deux héros se retrouvent embarqués dans une aventure sans précédent.

On croit rêver en voyant les crédits

Tous les atouts de ce graphic novel sont d’une certaine manière résumé par l’équipe créative qui l’a pondu : Neil Gaiman, Michael Allred, Marck Buckingham, John Totleben, Matt Wagner, Jim Aparo, etc. Sans compter une couverture réalisée par Frank Miller, autrement plus sexy que celle récemment révélée pour le mini-comics qui accompagnera sa mini-série The Dark Knight III. À ce stade-là, un fan de comics sait déjà qu’il tient entre ses mains un véritable must-have, d’autant plus inhabituel que les comics dits ‘mainstream’ écrits par Neil Gaiman sont rares – pour autant qu’on puisse qualifier de ‘mainstream’ un comics écrit par Neil Gaiman.

Les team-ups entre Hal Jordan et Superman sont d’ailleurs eux aussi relativement rares ; pour être franc c’est même le seul qui me vient à l’esprit. La relation qui les unit est franchement sympathique, Superman est entouré de cette aura inspirante qui pousse Hal Jordan à s’adresser à lui alors qu’il ne connaît pas la meilleure forme. L’amitié qui les unit peut paraître évidente au vu des nombreuses années qu’ils ont passées à combattre le crime au sein de la Justice League, mais il n’est pas habituel de la voir mise en avant, et c’est ce que Neil Gaiman fait ici assez bien. Mais ce Legend of the Green Flame ne s’arrête pas là parce qu’il fournit des guests inattendus en à peine 48 pages. Y apparaissent en effet le Phantom Stranger (est-ce que c’est normal si je n’arrive pas à ne pas penser à Aquaman dès qu’on mentionne le Stranger ?), Deadman ou encore les Blackhawks. Certes, leurs apparitions sont courtes, et, à l’exception de celle du Stranger, de faible incidence sur le déroulement des événements, mais elles n’en dotent pas moins le récit d’une richesse qu’un amoureux des comics saura apprécier.

À peine ouvert, déjà refermé

Toutefois, il a ses faiblesses, au nombre desquelles on peut compter son extrême brièveté. Cela a d’ailleurs une influence sur les rôles des caméos précédemment cités, qui les assimile à de simples figurants. L’idée à la base du voyage de Green Lantern et Superman dans le monde des morts et en Enfer est certes astucieuse, mais s’apparente vite à une sorte de prétexte pour enchaîner de toutes petites scénettes qui, on le sent, étaient la principale source de motivation de Neil Gaiman lorsqu’il s’est attelé à l’écriture de ce Legend of the Green Flame.

Ces petites scènes – oniriques, éthérées, mystiques, mettez-y le qualificatif approprié – ne sont pas vraiment ratées, mais sont sans doute plus timides que celles du même acabit observées dans des travaux plus tardifs du même Gaiman, avec le Sandman en premier lieu, dont l’univers se prêtait particulièrement bien à ce genre de mises en scène. De l’aveu de l’auteur même, la paternité de l’idée d’emmener Superman en Enfer et l’apparence de cet Enfer reviennent toutes deux à Alan Moore, or il s’agit probablement des meilleurs moments de ce Legend of the Green Flame, un peu dommage d’apprendre qu’ils n’appartiennent pas à Neil Gaiman. Par ailleurs, lors de son passage en Enfer, Superman semble subir un véritable calvaire, mais Neil Gaiman reste trop évasif sur la nature de ce calvaire.

Il est évident que voir des personnes en train de souffrir est le genre de choses qui laisse difficilement Superman indifférent, mais à ceci Neil Gaiman rajoute une ligne de dialogue qui pourra paraître maladroite : ‘And you know what made it worse ? I knew, I don’t know how, but I knew they didn’t want me to help them. They were there because they wanted to be.‘ À priori, on n’est jamais contre un peu de matière à creuser dans les comics (faut dire que c’est tellement rare), mais ici cette remarque semble tellement contre-instinctive (franchement, qui aurait envie d’aller en Enfer et, dans le cas où Superman passerait faire coucou, qui n’aurait pas envie de se tailler avec lui ?), qu’on peine à saisir ce qu’il signifie, et on en vient à le soupçonner de n’être pas resté volontairement évasif pour compenser par le mystère une détresse chez Superman qu’il n’aurait su exprimer explicitement. Dans ce subtil mélange d’implicite et d’explicite, on le trouvera certainement plus habile dans les pages de Sandman.

Une variété graphique qui fait sens

Concernant la partie graphique, on se doute déjà en voyant le casting des dessinateurs qu’on s’attaque à un plat extrêmement savoureux. On pourrait cependant avoir la crainte que la diversité des styles de ces dessinateurs ne nuise à la cohérence graphique de l’ensemble, d’autant plus qu’ils sont nombreux à avoir un pinceau extrêmement personnel. Heureusement ici, scénario et dessins s’accordent à merveilles puisque les pinceaux changent de main lorsque l’intrigue passe d’un endroit à l’autre. Autrement dit les variations graphiques trouvent une justification dans le récit, et contribuent encore à rendre ‘étrangers’ des endroits difficiles à se figurer tels que les limbes ou l’Enfer.

Porté par une équipe créative d’un niveau rarement égalé, Green Lantern & Superman : Legend of the Green Flame est un récit d’amitié entre deux icônes du DC Universe enrichi de guests inattendus. Il est également porté par des scènes oniriques qui rappellent leurs cousines dans les pages du Swamp Thing d’Alan Moore, dont on sent ici l’influence, mais aussi les futurs travaux de Neil Gaiman. Toutefois, sa brièveté lui nuit certainement et fait souffler sur lui le spectre de l’anecdotique. On aurait préféré voir ce script étoffé en mini-série, mais bon, du Neil Gaiman, du Michael Allred, du Matt Wagner, du John Totleben, avec en plus une couverture de Frank Miller, le tout pour moins de 10 dollars, on ne va pas se plaindre, hein.