Review TV – Gotham S02E03 « The Last Laugh »

« Some say Bruce has a split personnality. » – Jérôme

• Gotham Saison 02 – Épisode : 03 – Titre : The Last Laugh

• Réalisé par Eagle Egilsson – Écrit par John Stephens – 05 octobre 2015

Après les deux premiers épisodes de cette seconde saison, le projet de cette review partait pour n’être qu’un défouloir. Gotham, débarrassée de ses atours de série policière, avait réussi le pari d’être jusqu’ici moins intéressante que dans la réalisation d’enquêtes hebdomadaires. Restait les défauts des intrigues de long-terme de la première saison. Pour ceux qui se souviennent, le scénario parvenait déjà à atteindre des sommets de gratuité et d’absurde, dans l’exode de Fish Mooney ou l’écriture de Selina Kyle, achevant de rendre désagréable une série avec du potentiel et de vrais bons moments (autour de bons vilains, comme le Scarecrow, ou les intrigues mafieuses autour du Pingouin et de Sal Maroni). En définitive, cet épisode trois s’en sort mieux, et achève une simili table rase du « prologue » consacré à Théo Galavan. On gomme les habituels défauts, à l’échelle de ce que peut proposer Gotham, c’était finalement pas si mal bricolé, pour peu qu’on accepte une fois pour toutes la condition « elseworld » de cette adaptation.

L’épisode de cette semaine conclut le premier arc consacré aux fous de Gotham et aux remous de la fin de saison. Tout est rentré dans l’ordre : Bullock est revenu au GCPD, Loeb est sorti du tableau, les évadés d’Arkham se sont peu à peu faits éliminer pour réduire ce supporting cast aux éléments essentiels. Galavan échafaude son plan, Selina semble reprendre le droit chemin, et si la série continue d’empiler les intrigues de second plan, cet épisode ferme le début de saison pour aller vers le premier arc. Sans atteindre un quelconque sommet d’écriture, ce retour au calme est bien reçu, après le grand n’importe quoi des sabres de samurais et des push-ups de l’absurde. La série s’arrange même ici assez bien de son côté cartoon, très mal géré jusque là, pour mettre en scène un passage proche de ce que beaucoup de lecteurs connaissent des aventures de Batman en dessin animé. Au cours d’un gala qui tourne mal, la réalisation et l’écriture rendent leur hommage au Joker animé, prompt à se mettre en scène en public ou en TV. Le jeu d’acteur tient la route, exception faite de David Mazouz (avouez. Avouez que vous êtes surpris. Non, sérieux.), qui opère à un niveau de profondeur proche du caillou. A plusieurs occasions, l’acteur ressemble à un figurant, qui se serait perdu.

Étonnamment, si la série a toujours montré un mépris constant envers les fans de comics, elle ose ici quelques petits clins d’œils envers la connaissance basique du fan de BD. L’attitude d’Alfred avec Leslie Thompkins évoque une réalité de papier où les deux personnages ont le même âge et une attirance mutuelle. Le Pingouin qui trépigne devant ce « Jokerome » qui lui vole la vedette, un coup de marteau de Barbara (« Harley Kean » du petit écran), le pistolet à eau de Jérôme, et quelques répliques ça et là (« some say Bruce has a split personnality »),  donnent un sous-texte léger, qui agacera certains et en fera sourire d’autres, mais qui ose quelques clins d’oeils timides et hésitants, que le public de CSI ou des séries ABC ne comprendrait pas forcément. Une idée plus intéressante est aussi développée (il me faut ici pousser ceux qui n’ont pas vu l’épisode au paragraphe suivant, puisque celle-ci apparaît lors des dernières minutes) et revient à la promesse initiale de la série de ne pas développer le Joker autant que le Pingouin ou Edward Nygma dans la série. A la conclusion de cet épisode, Jérôme est assassiné. Cette méthode revient à l’idée que le Joker n’a jamais été présent dans la série, et que tout ça n’était qu’une fausse piste, puisque le « vrai » Joker ne sera pas là avant que Batman n’apparaisse. Elle permet aussi d’excuser à demi-mots le portrait cliché de l’enfance de Jérôme, enfant battu – donc – devenu chaotique et violent. On retrouve une idée similaire à cette fin dans le Detective Comics de Layman, qui avait en tie-in à Death of the Family présenté des aspirants Jokers influencés par le Clown en cavale dans Gotham City. Le fait que l’idée du rire et du chaos passe à travers plusieurs personnages est un choix intéressant de la série, et aurait plus de valeur si le teasing « un Joker par épisode » avait été appliqué dans la saison un. On enterre donc Jérôme (sans regrets), on garde la symbolique, un peu cassée par la mise en avant de ce personnage. Mettons que le rebondissement fonctionne assez bien.

L’épisode a d’autres défauts. Beaucoup de grotesque s’immisce dans les scènes de transitions, à commencer par une ébauche de triangle amoureux entre les Galavan et Barbarley. L’écriture de Selina, pose problème, comme souvent, les tentatives d’humour passent mal, et le rythme de l’épisode, pas trop mal fichu, semble avoir du mal à se trouver. Au point d’occulter en partie les subplots concernant le Riddler et le Pingouin (qui font du sur place, en attendant d’être appelés au guichet). Costumes, budget coiffeur, des bisous et encore des bisous, un méchant célébré en héros pour avoir poignardé un gosse à la télé, c’est l’écriture sous-acide qu’on connaît (et que vous aimez, pour certains), et qui passe encore assez mal compte tenu des moyens déployés. L’ambition fait envie, mais l’écriture est toujours difficile, on se rapproche presque d’une Gotham sur Terre-3 où tout ressemble à ce qu’on a l’habitude de voir, mais où les concepts de logique et de moralité échappent à tout le monde. La réalisation et l’ambiance sont aussi largement perfectibles (intéressant de se rendre compte que des dessins animés vieux de vingt ans arrivaient à rendre Gotham City plus inquiétante en affichant dix fois moins de morts au compteur), et, entre les mains d’un showrunner de talent, le show aurait les moyens de faire mieux qu’une simple adaptation de licence.

Gotham a des qualités. Et : beaucoup de défauts. Certains apprécient la série indépendamment des comics, et j’avoue que je les envie. D’autres trouvent ça forcément bon, tant qu’elle reste moins adolescente que les séries CW. Pour ma part, j’y vois chaque semaine un immense gâchis. De bons acteurs, de bonnes idées, quelques bons personnages, des décors, des moyens et une direction artistique auxquels ne manqueraient qu’une écriture solide pour fonctionner. Pour cet épisode, comme beaucoup de d’autres, on apprécie les qualités, réelles, tout en ne pouvant que constater la récurrence des défauts. En comparaison de ce début de saison 2, l’équilibre entre les deux est ici mieux géré, il y a de l’audace dans certains rebondissements, des clins d’oeils presque naïfs aux fans, et toujours pas de freak of the week à l’horizon. Cet épisode vaut donc à la série la mention « encouragements », tout en espérant encore qu’un jour, pour celle-ci ou une autre, une adaptation de comics en série TV aura droit à mieux que ça.