DC Comics va mal (oui, mais pour du vrai cette fois)

Loin de moi l’idée de vouloir jouer les oiseaux de malheur, d’autant plus que si vous suivez le site depuis plus ou moins longtemps, vous savez très bien que je suis toujours prêt à défendre becs et ongles DC Comics contre ceux qui n’en parlent pas en bien, accusant volontiers de faire du « DC Bashing » – une pratique il faut le dire, assez répandue et populaire en france. Car oui, je le reconnais, on peut me qualifier de fanboy (t’façon faut pas se leurrer, on est tous comme ça dans l’équipe), mais un de la bonne sorte, car je sais, ou en tout cas crois savoir rester critique quand les choses sont mauvaises, et j’essaie toujours de tirer le maximum d’informations avant de délivrer un article polémique, n’en déplaise à mon titre bien putassier. Mais ça, c’est juste parce que je veux du clic.

Depuis quelques jours, quelques informations ont été relayées sur Bleeding Cool (dont le webmaster arrive à savoir beaucoup de choses dans les coulisses de DC), et j’aimerais donc vous en parler et, pourquoi pas, ouvrir discussion ensuite dans les commentaires. Si vous suivez les Chiffres de Vente depuis que j’ai repris la rubrique, vous aurez remarqué que mis à part pour le premier mois de Convergence, l’éditeur se porte assez mal sur le marché comparativement à Marvel, son principal concurrent. Il est important de préciser « comparativement » car les études des chiffres bruts, et non en pourcentage, montrent que DC vend malgré tout beaucoup de comics, simplement moins qu’à côté. Mais aussi moins de façon générale.

En effet, Bleeding Cool nous rapporte que DC Comics aurait, à ce moment de l’année, un manque à gagner de 2 millions de dollars par rapport à ses prévisions pour l’année 2014/2015. Je ne suis pas économiste ou quoi que ce soit, mais on reconnaîtra que c’est une grosse somme. On peut chercher à l’expliquer par plusieurs facteurs : le site mentionne notamment le coût important qu’a été le déménagement des locaux de New-York à Burbank ; on parle aussi de la réception de Convergence qui n’aura pas atteint ses espérances (il n’y a qu’à voir comment les ventes se sont ramassées lors du second mois de publication – mais ça, de mon point de vue, j’ai envie de dire que c’était un peu mérité…) ; ou bien encore du mini relaunch DC You qui aura peiné à attirer des nouveaux lecteurs sur son premier mois, et par après. Mauvaise stratégie de communication, de pub ? Changements trop importants opérés sur les personnages clé ? Trop de nouvelles directions prises (ce qui serait un comble, non ?), pas assez de continuité ? Un manque de noms vendeurs, trop de talents partis voir ailleurs ? Le sujet est très vaste et pourrait laisser place à énormément de discussions – un sujet qui me passionne d’ailleurs, et j’ai un peu les boules que ces news soient tombées alors que je viens de finir mon dernier DC (Trash) Talk, que j’aurais bien aimé consacrer à un sujet de la sorte. Mais pourquoi l’autre blaireau est-il allé faire du catch, hein ?

Un manque à gagner, donc, je vous disais. Et les décisions chez DC Comics devraient être prises. Bleeding Cool nous rapporte en effet que du côté de l’éditorial, on demanderait aux équipes créatives d’arrêter de faire de la « Batgirlisation ». Ce terme un peu rustre mais que ne désapprouverait pas notre prof de français préféré Zeppeli désigne les nouvelles approches, tant scénaristiques que graphiques, qui ont été opérées sur bon nombre de séries récemment, en référence à ce qui a été fait sur le titre Batgirl lorsque Simone a laissé sa place à Cameron Stewart et sa bande. Des changements qu’on a d’abord retrouvé dans les autres titres de la Bat-Family (avec Catwoman, le lancement de Gotham Academy – on vous parle de tout ça en détails dans notre dossier sur la fin des New 52) puis de façon plus large chez l’éditeur, l’apogée venant avec le lancement du DC You en juin dernier. DC Comics aurait trop voulu jouer sur l’effet du succès Batgirl et Harley Quinn et « forcé » l’arrivée de nouveaux titres « différents », en oubliant, peut-être que si ces titres marchaient, c’était par leur personnalité, et qu’il ne fallait pas forcément chercher à faire de même sur tous les autres titres (je caricature un peu, bien entendu).

Arrêter donc le « Batgirling » comme ils disent dans la langue de Jay-Z, et revenir à quelque chose de plus conventionnel. Comme si le lectorat, finalement, était plus conservateur, et pas tellement en recherche de nouveauté. Comment cela se traduirait-il ? S’il était bien entendu évident que Bruce Wayne aille retrouver son costume de Batman assez vite, selon Bleeding Cool, les plans éditoriaux auraient changé pour Superman, qui aurait dû conserver ce statut plus longtemps, mais qui devrait donc retrouver ses pouvoirs plus rapidement – en espérant que ça ne fasse pas un arc bâclé au final. Je n’y avais pas fait trop attention au moment de leurs annonces, mais on peut également voir DC se resserrer sur ses valeurs sûres – à savoir : Batman – pour la fin de l’année, et la venue de Dark Knight III et Batman : Europa, en plus du retour (même s’il était prévu) d’une hebdo’ Batman & Robin Eternal, ne peut pas être prise de façon tout à fait innocente.

Mais les choses ne s’arrêtent pas là, et c’est à partir d’ici que même avec mes plus belles oeillères il devient difficile de ne pas appréhender certaines choses. Bleeding Cool continue dans sa lancée en rapportant les propos d’Heidi McDonald, éditrice chez DC, qui explique que la nouvelle direction voulue avec DC You n’était pas vraiment du fait du célèbre Dan Didio, qu’il ne l’avait pas vraiment choisie. L’homme est vivement critiqué depuis des années pour ses choix éditoriaux, et pourtant DC You dans l’idée n’avait pas l’air d’une mauvaise chose, et pour ma part en tant que lecteur j’ai plutôt envie d’y croire car j’ai vu de très belles choses arriver (tout comme des titres être tout aussi mauvais, soyons sincères). On nous dit alors que Dan Didio pourrait vouloir reprendre les choses en main (avec cette idée de faire machine arrière : « go back to the New 52 ? » qui serait de mon avis catastrophique), mais l’éditrice se veut rassurante en disant qu’il est trop tôt pour annoncer quoi que ce soit, même si certaines idées qui courent seraient « choquantes ». On a pas fini de criser avec l’Anti-Didionitor, c’est moi qui vous le dit.

Ce qui fait le plus peur, c’est en plus cette volonté d’arrêter de vouloir prendre plein de direction différentes (nique la diversité), c’est le sort de certaines de ces séries. De ce qui est raconté, DC You promettait que les ongoings auraient au minimum 12 numéros, histoire de laisser les équipes créatives s’exprimer, une chose qui ne serait plus vraiment d’actualité ; et qu’il faudrait donc s’attendre à voir certains titres être rapidement annulés, comme à la bonne vieille époque… Alors que pourtant, le fait de mettre des mini-séries à côté des titres aurait dû être là pour éviter ce genre de dérives. Autant vous dire, de mon côté, que je crains le pire pour l’avenir de titres comme Prez, qui ne pèse pas beaucoup, et qui pourrait bien ne pas revenir pour sa seconde partie. La nouvelle est également inquiétante quand on voit certaines des nouvelles mini-séries annoncées pour 2016, qui semblaient au contraire continuer dans la direction amorcée avec DC You – y aura-t-il un changement de cap ? Des annulations avant même leur lancement ?

Apparemment, DC Comics compterait énormément sur Dark Knight III pour faire grimper ses ventes et rattraper son manque à gagner, mais pourrait avoir d’autres choses en tête. On nous dit que les éditeurs vont devoir faire plus d’efforts pour améliorer les ventes en librairie (et juste, au hasard : diminuez les prix des hardcovers, vous verrez, vous en vendrez plus) ; mais aussi qu’il y aurait encore plus de pubs (comme si le TwixGate ne suffisait pas) et que, du côté des équipes créatives, les tarifs pour les pages produites seront revus à la baisse (alors que l’éditeur est censé avoir de bons tarifs par rapport à la concurrence). Un régime d’austérité donc, qu’on peut voir d’un mauvais oeil surtout pour le dernier point : on a déjà observé une multitude de talents s’en aller de chez DC (Jeff Lemire, Andrea Sorrentino, Tom Taylor, Yildiray Cinar, etc…), sans qu’on ne connaisse trop les raisons (s’agit-il uniquement de sous ?), mais si les gains des équipes doivent diminuer, quelles raisons y aura-t-il pour pouvoir garder les talents chez DC ? D’un autre côté, et c’est un peu un autre sujet, j’apprécie le côté « découvreur de talents » que l’éditeur peut avoir par moments (cf. les auteurs et artistes cités auparavant), mais il faut reconnaître qu’il n’y a que peu de « gros » noms chez l’éditeur. La faute à la concurrence (Marvel et indé’ confondus), mais pas que.

Enfin, la dernière crainte que l’on puisse avoir, c’est que DC Comics décide de revoir sa politique tarifaire sur les singles. Il y a encore quelques semaines, je lisais un article qui expliquait que DC est l’éditeur le plus « abordable » car il propose encore la moitié, ou un peu plus, de ses titres à 3$ alors que son concurrent principal a abandonné cette idée depuis longtemps. Avec une trentaine de titres concernés, dont certains qui ne se vendent pas si mal que ça, DC pourrait donc combler son manque à gagner simplement en passant tous ses titres à 4$. Peut-être pas de façon aussi brute, certes, parce que ça risque de râler… Oh mais en même temps, je suis sûr que les gens finiraient quand même par acheter. En tous les cas, c’est quelque chose qu’il faudra surveiller attentivement dans les prochains mois : les chiffres de ventes, les sollicitations (pour les éventuelles annulations), etc…

Je ne pensais pas prendre autant de place pour vous relater ces quelques actualités/rumeurs (car soyons francs, il faudrait bien plus de place pour en discuter sérieusement, car je dois passer à côté de plein de choses… mais, qui sait ? J’en reparlerai certainement avec vous au fil d’une chronique prochaine…), et sans vouloir tirer de sonnette d’alarme, parce que bon hein, DC va pas s’arrêter de faire des comics dans un mois non plus, il est intéressant de voir un peu la situation telle qu’elle est, avec cette grande interrogation : si l’éditeur est réellement dans la mouise, comment fera-t-il pour arranger les choses ? Et quelle que soit la réponse, c’est nous, lecteurs, qui en seront les premiers témoins…