Review VF – Justice League of America Tome 0 : Année Un

Critique de Justice League of America - Tome 0
Les points positifs :
  • Caractérisation sans faute
  • Un tourbillon inattendu de références et de personnages
  • Ce classicisme qui fait la force des grands récits
Les points négatifs :
  • Une étrange romance entre Black Canary et Barry Allen
  • Les similitudes avec La Tour de Babel
  • L’absence de la Trinité, malgré tout

« Mesdames et messieurs, voici… la LIGUE DE JUSTICE D’AMÉRIQUE ! » – Black Canary


  • Scénario : Mark Waid, Brian Agustyn, Grant Morrison – Dessin : Barry Kitson, Curt Swan

Après avoir assisté de la naissance de la Ligue de Justice dans la collection DC Renaissance sous la plume de Geoff Johns, on pourrait oublier qu’avant la Justice League des New 52, il y a eu d’autres ligues ; avant les New 52, il y avait d’autres univers, et d’autres ennemis. Or à la fin des années nonante, les origines post-crisis de la Ligue étaient peu claires puisque celles de Superman, notamment, avaient été rebootées, tandis que celles d’autres personnages non, rendant impossible sa participation à la fondation de la team, alors qu’historiquement c’était le cas. Mark Waid (Kingdom ComeSuperman – Les Origines) fut donc désigné pour démêler cet imbroglio, et ce fut un choix fort avisé.

Contient : JLA – Year One #1-12, Secret Origins (Vol. 2) #46

Ils sont les plus grands héros de la Terre (ou presque) : FlashGreen Lantern, Black Canary, le Limier de Mars et Aquaman commencent à peine à travailler en équipe que déjà ils doivent faire face aux responsabilités d’une telle association de justiciers. Ceci implique contacts avec la presse, mais également lutte aux prises avec les pires malfrats de la Terre, sans compter qu’une menace sans précédent pointe à l’horizon. Alors que la Ligue vient à peine d’être formée, est-elle sur le point de vivre sa dernière aventure ?

Black Canary en fleuriste féministe

Ce récit est partagé habilement entre des moments intimes qui développent les personnages, et des scènes d’action qui les assemblent dans des combats dantesques. Les premiers cités sont particulièrement bienvenus puisqu’ils permettent très rapidement de se prendre d’affection pour les héros de l’histoire, ainsi une des toutes premières planches du volume nous montre Barry Allen, en civil, en train de se demander ce que va impliquer sa nouvelle implication dans la Ligue. Sur toute la durée du récit, les identités civiles des personnages prennent ainsi une grande place, mais sans jamais étouffer l’intrigue puisque Mark Waid l’utilise intelligemment pour permettre un coup de théâtre au crépuscule du récit, lequel n’aurait pas été possible sans cette attention soutenue accordée au quotidien des super-héros.

Comme toujours avec Mark Waid d’ailleurs, la caractérisation est à la fois très classique et très réussie. On assiste ainsi inévitablement à la scène où Aquaman entre dans un établissement portuaire, faisant un de ses premiers contacts avec l’humanité, et exploitant inévitablement le décalage entre les mœurs rustres des marins et ceux d’Aquaman, hérités de longues années de réclusion océane. Les traits tête-brûle et fanfaron de Hal Jordan sont de même mis en avant, tout comme la difficulté pour Barry de concilier son amour pour Iris et sa carrière de justicier. Le caractère réservé du Martian Manhunter le contraint d’être en retrait, mais ça lui donne son charisme, ainsi qu’une sagesse particulière. Enfin Black Canary n’est pas non plus négligée, permettant des vannes féministes souvent savoureuses, dans la même veine que celles que le même personnage lâchait dans la JLI, et, de plus, permet de faire un pont vers la génération précédente de justiciers, à savoir la Justice Society of America.

Ça cligne beaucoup des yeux

Mark Waid ne cesse par ailleurs de regarder vers le passé. À ce titre, les références sont légion, à tel point que le lecteur pourra en avoir le tournis. L’Américain fait preuve d’une science parfaite du Silver Age de ses personnages, ce qui lui permet de renvoyer aux premières aventures de la Justice League of America, comme en témoigne l’importance de Snapper Carr, absent de quasiment aucun numéro du Silver de la Ligue, ou les références aux combats contre Starro ou Despero. Tout le récit n’est d’ailleurs qu’un long clin d’œil au Justice League of America #9, amusant quand on songe que c’est dans ce même numéro que les origines de la Ligue étaient décrites pour la première fois ! Mais ces références ne se limitent pas aux frontières de la Ligue, Mark Waid renvoie aussi à des ennemis qu’ont affrontés les justiciers individuellement dans leurs propres magazines du Silver, comme lorsqu’Hal Jordan mentionne le ‘Destructeur Invisible‘ à Pieface, qu’il avait affronté dans le Showcase #23 ! La mention de Middleton et la présence de la policière Diane auprès du Martian Manhunter sont de même autant d’attestations de la connaissance du Silver Age que recèle Mark Waid, ce qui enrobe sa mini-série d’une nostalgie très savoureuse.

Profusion de références, mais également profusion de personnages, à tel point qu’on pourra être surpris, en ouvrant un volume sur lequel est affiché ‘Justice League of America’, de tomber sur autant de personnages secondaires, dont le nombre ne cesse de grandir tandis que le final approche. D’ailleurs, ces invités ne se limitent pas à des caméos timides, il suffit de considérer la place que prend la Doom Patrol tandis que ses ennemis de toujours, Brain et Monsieur Mallah, s’en prennent à la ligue ! Là aussi, c’est un plaisir pour l’amoureux du DC Universe de retrouver la même passion chez Mark Waid lorsque celui-ci met en scène autant de personnages, aussi obscurs soient-ils – on y voit même Animal Man !

Ils sont tous invités à la fête

Cette pléiade de super-héros ne s’apparentent jamais à du fan-service, en partie parce que leur utilisation est toujours réfléchie : si on y aperçoit fugitivement Ted Kord et Maxwell Lord, c’est pour faire le pont vers la Justice League International qui est censée suivre chronologiquement. Et ce pont est jeté très rapidement : en deux répliques les motivations de Ted Kord sont dessinées et forment une référence savoureuse. L’implication de ces personnages secondaires est en outre servie par une affection sensible de la part de Mark Waid, doublée d’une fidélité instinctive pour ce qui fait leur essence, et par extension, leur charisme. La seule dérogation à cette règle pourrait être la manière inattendue dont Mark Waid tente de broder une romance entre Barry et Black Canary, opération d’autant plus bizarre qu’elle semble d’emblée condamnée à une impasse à cause de la fidélité canon de Barry pour Iris. Cette romance occupe une sorte de sous-intrigue, dans laquelle s’inscrit une révélation inattendue sur la mère de Dinah, qui rappelle une autre similaire dans le Watchmen d’Alan Moore (clin d’œil intentionnel ?), mais qui ici semble plus forcée.

Par ailleurs, on aurait préféré que Mark Waid se passe franchement de Superman plutôt que de tenter de justifier son absence en l’impliquant dans une aventure de la Ligue, puisque ses excuses, faute d’être développées, laissent un peu sur sa faim, et n’expliquent pas son revirement futur. Batman de son côté n’est pas complètement absent, mais sa présence tient plutôt du caméo, bien que Mark Waid semble sous-entendre tout au long du récit qu’il joue un rôle dans l’organisation de la Ligue, pour que le lecteur se rende compte tout à la fin qu’il ne s’agissait que d’une fausse piste ! Bien joué, Waid. Du reste, l’absence de la Trinité ne se fait pas tant souffrir dans les interactions internes de la team, grâce à l’écriture soignée des personnages qui leur donnent assez de charisme pour qu’on n’ait pas le sentiment de ‘manque de stars’, dans la même idée qu’on pouvait apprécier une JLI portée avant tout par Blue BeetleGuy Gardner ou Booster Gold. L’absence de la Trinité offre d’ailleurs un clin d’oeil meta intéressant puisque dans les premières aventures de la LigueBatman et Superman appartenaient à d’autres bureaux éditoriaux, ce qui empêchait Gardner Fox de, premièrement, afficher L’Homme d’Acier ou le Croisé Encapé sur ses couvertures, et deuxièmement de les mettre au centre de ses intrigues, l’obligeant de composer avec les possibilités de FlashGreen Lantern ou Martian Manhunter. Le bougre s’en sortait pas trop mal et a certainement contribué à donner ainsi au Martian Manhunter le statut du héros indissociable de la Ligue et qui n’a pas tellement de vie à côté de celle-ci. Mark Waid réitère l’exploit et ne souffre pas de la privation de ces figures hyper-vendeuses.

Le Martien porte un lourd secret…

L’étirement de l’intrigue sur douze numéros est à la fois un plus et un défaut. C’est utile à Mark Waid dans la mesure où ça lui permet d’embrasser une grande multitude de personnages, et de solidement développer les membres principaux, ainsi que les interactions qui les lient, voire même d’y insérer une évolution. En revanche, la longue montée vers le final souffre parfois de son extension, obligeant Mark Waid à distiller au compte-gouttes la nature de l’ennemi, rendant les premiers chapitres plutôt confus. D’autre part, cette lente progression contraint le final à prendre une démesure apocalyptique qui ne sera pas du goût de tout le monde. Enfin – attention spoilers, sautez au prochain paragraphe – le rôle du Martian Manhunter dans toute cette histoire et la tombée du masque avant le final rappellent à de nombreux égards l’attitude de Batman dans La Tour de Babel : dans les deux cas, bien que pour des motifs différents, les deux héros conservent des fiches sur leurs alliés, qui finissent, on s’en doute, par être utilisées par leurs ennemis pour mieux les neutraliser. Malheureuse coïncidence, pourrait-on objecter pour se consoler, si on ne retrouvait pas le même nom derrière les deux œuvres. C’est toujours un peu décevant de reconnaître les mêmes patterns de scénario d’un récit à un autre venant du même auteur, sans compter que ça diminue ici considérablement l’efficacité du twist.

Glissons une mention particulière au plan de Vandal Savage qui profite de la menace principale pour s’en prendre aux héros. Son arrivée à la fin du récit survient après un retrait considérable au fil des douze numéros, mais ce dernier était brisé par une poignée de scènes savoureuses, notamment celle, franchement géniale, à Stonehenge. À cause de sa discrétion jusque-là, on pourrait avoir l’impression qu’il débarque de nulle part à la conclusion explosive, mais cette impression est rattrapée par son plan aussi machiavélique que ‘cérébral’. Son utilisation particulièrement maligne inscrit Year One dans la lignée des bonnes histoires impliquant ce personnage plein de reliefs, préfigurant son rôle fantastique dans le DC One Million qui approche. Grâce à son immortalité, on le retrouve aux débuts des temps, aux débuts de la Ligue, et à sa fin possible dans un plus de 800 siècles.

Du Curt Swan et Grant Morrison gratis, on va pas dire non hein !

Urban a ajouté à cette édition l’extrait consacré à la Ligue du Secret Origins #56. À l’écriture, on retrouve un tout jeune Grant Morrison, encore chevelu, qui était encore à ses débuts chez DC Comics, n’ayant à son compteur que le Arkham Asylum tout juste sorti et quelques numéros sur Animal Man. Pourtant, l’Écossais y étale déjà sa brillante inventivité, plaçant le récit du point de vue de la montagne qui abrite le premier QG de la Ligue, une idée aussi formidable que bien exécutée, en dépit de la brièveté du récit, et qui lui permet de se passer du quota d’action paresseux dans lequel se complaisent bien des auteurs.

Ce court numéro est d’ailleurs dessiné par le tout grand Curt Swan (Swan et Morrison, une collaboration inattendue !), autant vous dire qu’on tient la crème de l’histoire de DC synthétisée en quelques pages. Barry Kitson, sur les douze numéros de JLA : Year One, n’a pas beaucoup à rougir de son illustre successeur, parvenant tant bien que mal à éviter les (mauvais) canons esthétiques de cette fin de siècle, privilégiant un style, s’accordant en ce sens avec l’écriture de Mark Waid, classique et non dénuée de nostalgie. Il privilégie ainsi parfois les anciens designs des personnages, comme Green Arrow qu’on retrouve ici sans son incontournable barbiche. L’artiste s’en sort avec honneur, même si on lui préférera son travail aux côtés du même Mark Waid sur la mini-série Flash & Green Lantern : The Brave and the Bold, où ce parfum de nostalgie était encore plus sensible.

JLA : Year One est une origin story à l’ampleur insoupçonnée, embrassant une quantité phénoménale de personnages, faisant pleuvoir les références, et progressant lentement vers un final à la dimension cataclysmique. On n’y trouve pas de révolution formelle, mais le tout est d’une solidité classique, de l’écriture des personnages à la construction de l’intrigue, qu’on serait bien emprunté à l’idée de ne pas le recommander.


Un deuxième avis c’est bien aussi !!

Bon, moi les « origins story », j’en ai un peu ras le bol, rarement passionnantes, rarement originales (difficile quand on passe en quinzième), vous comprendrez que j’estime qu’il est difficile de faire un chef d’oeuvre avec ce genre d’histoire. Mais là, c’est différent parce que là, c’est intéressant, et ça fait la différence. En effet Waid et Agustyn reprennent une histoire classique (en l’occurrence celle de Justice League of America #9 de 1962) et l’étalent sur douze numéros, tout en explorant la dynamique de groupe qui se met en place et en fouillant la psyché des personnages.

En écartant d’emblée la trinité, ils permettent de se concentrer sur des personnages moins usités (à part peut être Flash et Green Lantern), évitant les redites et donnant un souffle de fraîcheur au récit. Et à part la caractérisation du  Limier Martien, un peu trop proche de celle d’un Batman à mon gout, celles des autres personnages sont parfaites, avec notamment une Black Canary qui à du mal à se défaire de l’ombre de sa mère et des ses illustres collègues de la Société de Justice d’Amérique. De plus des thématiques moderne émaillent le récit, comme la fidélité dans le couple ou la filiation, terminant de rendre l’histoire originale.

Les dessins de Barry Kitson sont, certes, un peu datés, mais ils ajoutent un cachet « classique » au récit sans être réellement vieillot, je ne suis pas super fan mais je peux comprendre que cela plaise.

Bref un récit à découvrir d’urgence, rien que par l’oeuvre de rajeunissement des origines de la League effectuée par les auteurs. En refermant le livre on prend bien vite conscience d’avoir lu, un récit important de DC. J’ai adoré et je ne peux qu’appuyer la note donnée pas mon collègue Helvétique. En plus pour seulement 42 Francs Suisses (si quelqu’un comprend cette dernière phrase qu’il m’écrive car je ne suis pas sûr de moi même la comprendre…) !

– Darthfry

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8 Commentaires
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Hulkoguy
Hulkoguy
8 années il y a

Merci pour la review . Ca me conforte sur l’idée que je m’en faisais, c’est partit !
*Je note que tu fais tjs attention de mettre le prix en frcs =)

myckha
myckha
8 années il y a

belle review tu as finis de me convaincre d’investir ^^

jihem
jihem
8 années il y a

donc en gros waid utilise les meme recettes dans tour de babel qu’il avait deja utilisé ici?

kriskent
kriskent
8 années il y a

je viens de finir de lire ce jla tome 0 et j ai adoré franchement c’est le genre d histoire que je conseil a tout le monde SI le coté « rétro » de l écriture et des dessins ne vous dérange pas.une joie d avoir cette album dans ma bibliotheque.

pioupiou
pioupiou
8 années il y a

Étant actuellement en pleine lecture de Sandman (mieux vaut tard que jamais), je n’ai pas encore ouvert ce tome qui m’attend dans les prochaines semaines.

Red(Tornado)son
Red(Tornado)son
8 années il y a

ça fait plaisir de revoir la justice league avec martian manhunter :-)

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