Review VO – Arkham Manor #6, dernier numéro

Les points positifs : La fin d’un vrai bon arc de Batman Inspiré par les récits passés sur l’asile d’Arkham Des portes ouvertes sur l’avenir Fait un bon usage de la continuité Les points négatifs : Le numéro #5 était le véritable bouquet final Des questions laissées sans réponses

« Ooh, my ears are burning » – Victor Fries

• Scénarisé par Gerry Duggan – Dessiné par Shawn Crystal

• DC Comics – Arkham Manor #6 – 25 mars 2015 – 32 pages – $2.99

Cette dernière semaine de mars aura vu la mort de nombreuses séries. Parmi celles-ci, certaines seront regrettées, d’autres moins, et d’autres encore, comme la série Arkham Manor de Gerry Duggan et Shawn Crystal, laissent un sentiment d’entre deux – à la fois achevée trop tôt, et peut être suffisamment pour ne pas trop s’appesantir sur une bonne idée. Arkham Manor demeurera, finalement, une série brève et de bonne qualité, dont on se souviendra dans les années à venir comme on se souvient d’Arkham Asylum – Living Hell, à une fin près. Ceux qui auront lu cette mini de Dan Slott et Ryan Sook, publiée en VF sous le titre « Les Patients d’Arkham » retrouveront un peu de cette écriture, typique aux titres se déroulant dans l’ambiance capitonnée des murs de l’asile bien connu. A une petite différence près : ici, le héros, c’est bien Batman.

Après avoir infiltré l’asile sous les traits de Jack Shaw, un alias de complément au gangster Matches Malone, Bruce mène et résout une enquête entourant une série de meurtres survenue dans l’Asile d’Arkham, relocalisé au manoir Wayne suite aux événements de la série Eternal. Cinq numéros plus tard, il ne reste encore au détective qu’à rattraper le jeune Seth Wickham, autre pensionnaire victime de la folie de Gotham City, qui a profité de l’incident pour s’évader. L’intrigue de ce numéro #6 est donc une sorte d’aftermath de la série, où l’auteur range ses jouets et rend Bruce et ses copains en camisole aux scénaristes en charge de la bat-family, un petit au revoir, avec quelques promesses sur l’avenir.

Au niveau de l’écriture, Gerry Duggan fait bien les choses. Pas d’analyse approfondie de la folie ou de l’esprit criminel, mais quelques pistes de lecture laissées libres aux interprétations. Qui était le tueur ? Pourquoi tuait-il ? Le jeune Wickham lui même a-t-il vocation à devenir un futur super vilain, ou ne sert-il ici que d’exemple alpha de ces autres fous, ceux sans collant ni costume, qui sont juste obsédés par l’idée de tuer et forment une immense forêt, cachée par quelques criminels hauts en couleur ? Un Batman qui renoue avec un peu de cette folie si importante dans la psyché du justicier. Duggan évite ainsi l’écueil de nombreux scénaristes, qui sacralisent la rogue gallery du Chevalier Noir en oubliant que ses adversaires sont aussi des paraboles sur la folie du genre humain. Un beau travail d’écriture, assez subtil, et qui évite d’en faire trop ou trop grossièrement. De même, le récit peut aussi se lire sans chercher à y voir plus qu’une bonne histoire avec de bons dialogues, une bonne enquête et de bons personnages – avec un petit coup de coeur pour ce Mr Freeze pacifié, une jolie performance pour un personnage rangé dans un placard depuis pas mal d’années.

On ne regrette finalement pas, contre toute attente, que la série se termine ainsi. Sans modifier le statu quo ou apporter un lot d’événements colossaux pour bouleverser à jamais la continuité, ce numéro replace l’ensemble de la série dans une case, confortable, de bonne histoire à lire en relié lors de la publication tpb. Intelligemment conçu, le récit a par ailleurs fait l’effort de s’intercaler avec adresse entre d’autres pans des séries Batman – Eternal, Endgame et Gotham Accademy – sans que cela gène ou encombre le propos, mais comme pour signifier son côté temporaire. En gros, la série vaut le coup, mais n’avait pas vocation à durer, on passe maintenant le flambeau au reste de l’univers, et on en reste là.

La seule interrogation demeure les portes laissées ouvertes par Duggan sur l’avenir des patients d’Arkham, voire de son staff médical. Quelques questions posées sur le professeur Arkham lui même (là encore, dans la tradition de la famille Arkham telle que racontée par Morrison dans Serious House on Serious Earth, et un peu du All-Star Western de Gray/Palmiotti), ou encore, de la créature née du Joker et de Gueule d’Argile créée pour la série (appelons la le Clay-Ker, je trouve ça rigolo). L’asile n’est toujours pas relocalisé, Bruce n’exclut pas de reprendre un jour les traits de Jack Shaw, et certains des patients d’Arkham semblent avoir encore quelques histoires à raconter – dans un avenir franchement incertain.

Reste que ce numéro est de très bonne qualité, à l’instar du reste de la série. Shawn Crystal, fidèle à ses crayons, livre des intérieurs de toute beauté, toujours emprunts d’une même ambiance sombre et pourtant légère, des personnages sombres aux regards noirs dans des formes cartoony très exagérées. Quelques effets et découpages marquent bien, et l’ensemble de la série gagne en efficacité sous le trait toute en ambiance de l’artiste, un beau travail qui se distingue des intérieurs de Capullo, Manapul et même Patrick Gleason, tout en gardant pourtant le même respect pour Gotham City. Un Batman pour tous : le bat-blockbuster, le bat-détective et bien sur, le bat-papa, DC n’oublie pas non plus le Batman de la folie dans une ambiance de roman. Allez, on referme, on repose le numéro, c’est le moment de conclure.

A l’image du reste de la série, Arhma Manor #6 est un très bon numéro. La série se pose en douceur au sortir de son intrigue, à la fois auto-contenue et pourtant bien imbriquée dans le reste de la continuité des séries Gotham City, avec sa propre ambiance, ses propres enjeux et son message, bien écrit et mis en image par un duo de talent. Dans la tradition des séries Arkham, ou de ces récits  propres au Chevalier Noir sur le crime et la folie, le tout parvient à être tantôt léger, tantôt très grave, dans un ton d’enquête criminelle qui frôle parfois un ton d’horreur littéraire, dans les décors XIXème siècle du manoir Wayne. Une seule hâte désormais, voir la série republiée en TPB (et en VF. Pour toi qui lis ces lignes, anglophobe qui lis les reviews VO pour se plaindre que ça ne sort que dans six mois) et s’apprécier d’un seul tenant.