Review VF – Garth Ennis présente Hellblazer Tome 1

Critique de Garth Ennis présente Hellblazer
Les points positifs :
  • De l’horreur grand cru
  • Avec ça, une bonne dose de tendresse
  • Le portrait de Constantine tout en nuances
Les points négatifs :
  • La barbe avec vos vampires
  • Quelques p’tites maladresses scénaristiques sans gravité
  • William Simpson pas toujours au top

« Oh putain. Encore dans la merde. » – John Constantine


  • Scénario : Garth Ennis – Dessin : William Simpson, Steve Dillon, David Lloyd, Mike Hoffmann

Après les incursions timides de John Constantine dans deux tomes isolés des Dossiers de Hellblazer (retrouvez ici et nos reviews), Urban a enfin décidé de retrousser ses manches et de s’attaquer plus sérieusement à la plus longue série publiée chez Vertigo. Pour se faire, l’éditeur reproduit une tactique déjà opérée sur le catalogue régulier de DC Comics : la navigation par auteur. Quelle meilleure manière en effet de découvrir ce titre emblématique du label adulte de DC Comics, surtout lorsqu’on commence par l’énorme pointure qu’est Garth Ennis ? Pas de réponse ? C’est bien ce que je pensais.

Contenu : Hellblazer #41-50, 52-56.

John Constantine est un spécialiste du paranormal. Mais John Constantine, c’est également un gros fumeur cynique, solitaire, négligé, menteur et, surtout, anglais. Toujours fourré dans des emmerdes qui semblent le suivre comme des mouches sur un tas de merde, il semble avoir plongé dans le plus gros cloaque jamais visité – et pourtant, Dieu sait s’il en a visité – lorsque son médecin lui apprend qu’il est atteint d’un cancer des poumons, en phase terminale. C’est le moment pour Constantine de régler ses derniers comptes sur Terre avant de rejoindre Satan, ses hordes de démons et les mille salopards qu’il y a envoyés, et qui attendent avec impatience de le revoir. Mais est-ce que Constantine a vraiment dit son dernier mot, fumé sa dernière clope ?

Et ça nous émeut

En effet le run de Garth Ennis, qui signe ses débuts chez DC Comics d’une manière tonitruante, démarre sur une idée élémentaire un peu casse-gueule si mal exécutée : on va buter Constantine. Sauf que, plutôt que d’y voir l’occasion de transformer le titre horrifique en charnier dégoulinant et puant (ce qui aurait pu être fun), Garth Ennis en prend le contre-pied, et troque la menace démoniaque habituelle contre une cancer effroyablement réaliste, ce qui plonge la série dans une ambiance nostalgique tandis que Constantine rend visite aux rares potes qu’il lui reste ci et là, et qu’il a négligés durant ses années de chasse au démon. C’est merveilleusement bien écrit, Garth Ennis se mettant un point d’honneur à ne jamais tomber dans le pathos – le risque était grand – et limite chacun de ces adieux au minimum, accroissant par la même occasion leur impact émotionnel. N’importe quel bon type ne pourra manquer d’être ému en voyant Constantine boire des bières dans une ultime biture entre potes, qui préserve le peu de chaleur de vivre qu’il lui reste en dépit de la proximité de la mort.

Cette approche très sincère du titre dote Constantine d’une humanité plutôt inédite chez ce personnage créé par Alan Moore qui préservait toujours sa part de mystère. Ici, le masque du cynique se fissure. Un peu, pas trop, sinon on y aurait perdu au change. Mais Garth Ennis révèle que, derrière son cynisme grinçant, Constantine est en réalité un personnage plus nuancé, plus subtil, plus humain, dont on se sent proche et ce, même si c’est un magicien, un salopard et qu’il a toujours des démons qui lui court aux fesses. Cette humanisation passe également par l’introduction du personne de Kit Ryan, le grand love-interest de Constantine. Qu’un individualiste comme Constantine puisse tomber franchement amoureux d’une nana, ça a l’air d’une idée saugrenu, mais ça contribue justement à nuancer un personnage autrement plus fade lorsqu’il se limite à quatre-cinq traits de caractères qui lui étaient attribués lors de ses premières apparitions.

De l’horreur subtile, et toc

Ceci dit, même s’il sait émouvoir le lecteur, Constantine reste un bel enfoiré. Et ça s’accorde au ton général du titre qui, malgré l’accent mis sur l’amitié et l’amour (sans dec), reste un récit horrifique qui ne se débarrasse pas des codes du genre : gore, occultisme, fantastique traditionnel (coucou les vampires), et tutti quanti. Si tout ce que vous aimez, c’est les franches parties d’amitié tendres et édulcorés, pas sûr que Hellblazer puisse vous plaire à cause de son faible pour l’irrévérencieux. Il y a là de la débauche, beaucoup de sang, et les jurons pleuvent à en faire chavirer l’arche de Noé. Et même si ça reste, à ce stade, plus sage que Preacher, ces huit numéros restent imprégnés d’une noirceur destinant de manière assumée cette œuvre aux amateurs du genre.

Excellent mélange d’horreur et d’émotion, deux mots qui ne semblent pas aller de pair, mais le talent de Garth Ennis est justement de glisser une subtilité inattendue dans des titres qui ont l’apparence d’être brutaux, violents, sanguinolents, décérébrés, et son travail sur Hellblazer ne fait pas exception, aux côtés des merveilles qu’il a accomplies sur PreacherHitman ou encore Punisher du côté de la concurrence.

Cependant, à voir si c’est à attribuer au jeune âge de l’Irlandais lorsqu’il s’est mis aux commandes du titre, tout n’est pas parfait. Il y a d’abord quelques maladresses scénaristiques, typiquement Garth Ennis fait répéter à un politicien anglais des menaces à Constantine si ce dernier s’avisait d’ébruiter une affaire un peu compromettante en s’adressant à la presse – alors que ce même politicien vient d’ordonner à son homme de main de liquider Constantine aussitôt l’affaire réglée. Dès lors, quel besoin de menacer Constantine, puisqu’une fois mort il a peu de chances d’être écouté par les journalistes ? En fait, si les quatre premiers numéros, qui tournent autour du cancer de Constantine, frisent le sans-faute (à l’exception des dessins, auxquels nous reviendrons plus tard), la suite connaît quelques pertes de vitesse ci et là. Citons notamment un numéro plongeant la tête la première dans le mythe des vampires, avançant des pions pour la suite du run d’accord, mais cette direction vient s’ajouter sans grande audace à une grosse sur-exploitation du mythe qui va aujourd’hui jusqu’à l’écœurement. Certes, en 1992, l’overdose devait être moins violente, mais aujourd’hui entre les mille et unes déclinaisons de suceurs de sang au cinéma, à la télévision, en romans et en comics, il doit y en avoir nombreux qui, comme moi, commencent à en avoir leur claque des vampires,  nombreux qu’une énième variation sur les faiblesses et les forces des vampires (« L’ail est amer, pas plus que le citron […] ») laisse ni chauds ni froids. Le personnage de Cassidy dans Preacher, davantage dans la réserve (du moins sur son côté suceur de sang), est à ce titre un meilleur exemple d’une interprétation réussie du mythe des vampires par le même Garth Ennis, plus inspirée et évitant mieux l’écueil du cliché.

Danny n’aime pas le métro

Toujours dans les faiblesses du tome, l’arc qui conclut le présent volume se montre d’une virulence amusante à l’égard de la royauté en Angleterre et, d’une manière générale, à l’égard du gouvernement anglais dans son entièreté. Or, à nos oreilles modernes, cette animosité sonne bizarrement, cependant il faut garder à l’esprit qu’en tant qu’Irlandais de Belfast né en 1970, Garth Ennis peut avoir de très bonnes raisons de garder un peu de rancune envers des brit’ qui n’ont pas toujours été très fair-play dans leurs tensions avec l’Irlande sur la fin du XXe siècle. De même le sentiment vaguement anti-religieux qui anime le numéro spécial Noël est à mettre en parallèle avec une Irlande encore profondément imprégnée de tradition catholique, ce qui constitue d’ailleurs une source de différends de plus avec leurs cousins anglais. Heureusement, cet aspect ne prend pas le pas sur le ton chaleureux et optimiste qu’il donne à ce numéro spécial dans l’ensemble vraiment émouvant, et qui aurait pu faire l’objet d’un Showcase spécial Noël particulièrement savoureux en Décembre dernier.

Ses origines irlandaises ne se ressentent pas qu’à travers les faiblesses du tome, Garth Ennis multiplie ainsi les références à la culture irlandaise, en citant une chanson des Pogues ici (‘Rainy Night in Soho’), là en faisant tourner un numéro autour d’une chanson traditionnelle irlandaise (‘Lord of the Dance’). À ça s’ajoute le penchant qu’ont la plus part des personnages pour la boisson, comme ce vieux pote de Constantine dont l’usage principal de la magie sert à changer de l’eau bénite en la meilleure bière du monde. Si ça vous donnerait pas envie de relire la Bible Satanique, hein ?

Des visages aléatoirement réussis

Viennent les dessins. On est ravis de reconnaître les regards de Steve Dillon à l’occasion d’un unique numéro – le spécial Noël très réussi mentionné plus haut – annonçant ici leur future collaboration sur Preacher avec bon goût. C’est également étonnant de reconnaître le style caractéristique de David Lloyd, dessinateur anglais particulièrement discret surtout connu pour avoir apporté les planches du superbe V pour Vendetta d’Alan Moore. Si on s’arrêtait là, le bilan serait très réjouissant, mais l’essentiel du tome est assuré par le moins renversant William Simpson, qui déçoit souvent sur des visages très changeants d’une case à l’autre. Reconnaissons-lui cependant une aisance pour dépeindre les scènes horrifiques et gores, d’une composition souvent inspirée.

Bon départ pour Garth Ennis Présente Hellblazer, qui nous fait découvrir le plus vieux titre de Vertigo avec un de ses meilleurs moments. C’est également l’occasion de se pencher sur les débuts de l’auteur irlandais, qui venait tout juste d’avoir 21 ans (!!!) lorsqu’il s’est mis aux commandes de Hellblazer. Grand malade, il s’impose direct avec un des meilleurs arcs de toute l’histoire du titre (‘Dangerous Habits’). Les quelques pertes de vitesse que connaît la suite du tome une fois ledit arc bouclé n’entament heureusement pas notre délectation de ce savant mélange d’horreur et de subtilité comme peu savent le manier à part Garth Ennis.

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TheRiddler

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bestyole
bestyole
9 années il y a

Cette édition est une véritable réussite, un plaisir indescriptible de lecture, cella se savoure d’une traite.Tout y est, la désinvolture du célèbre John Constantine, l’horreur , la crasse les magouilles ….et surtout ce qu’il faut mettre en avant c’est la qualité de l’édition, hyper respectueuse du matériau de base, le comparatif entre l’édition du précédent refourgueur ( on va pas dire éditeur il ne le mérite pas oui je suis un grand malade j’ai la précédente version vf de mauvaise qualité avec des traductions inutile et bâclées ) et celle proposée par Urban Comics je disais la comparaison des deux montre clairement qu’une fois de plus Urban propose ce qu’il ce fait de mieux, c’est gigantesque j’aime je kiffe je surkiffe et je resurkiffe j’attend la suite avec une impatience

Jibé
Jibé
9 années il y a

La couverture en jette à fond et donne gravement envie. La critique aussi.
Sait-on combien de volumes sont prévus pour ce run ?

Ares
Invité
Ares
9 années il y a
Répondre à  Jibé

3 si je ne m’abuse.

Sasahara
Sasahara
9 années il y a

Pas encore lu, alors je ne fais que survoler la critique… le parallèle avec Preacher revient souvent, mais c’est curieux Preacher ça ne m’attire vraiment pas du tout, tout comme Punischer d’ailleurs (le peu que j’en ai lu fut assez vite oublié). C’est que Constantine, sans être forcément un mec sympa, a ses talents de mages pour lui (ce n’est pas un simple gus qui tire dans le tas): il nous guide dans le monde du surnaturel et c’est pour ça qu’on aime le suivre !

Paik
Paik
9 années il y a

J’adore. Je viens de le lire 2 fois de suite et j’epprouve le meme plaisir que lorsque je l’ai decouvert dans les annees 90.
Et oui je suis un vieux mais je prend toujours un immense plaisir a lire cette serie.
Vivement la suite… Toujours prevu en 4 tomes?

Ares
Invité
Ares
9 années il y a
Répondre à  TheRiddler

Il me pique mes répliques xD

Paik
Paik
9 années il y a
Répondre à  TheRiddler

Yes, je viens de voir que c’était écrit dessus… en 3 volumes.
Désolé question c..

Pipadou
9 années il y a
Répondre à  Paik

« Cette série, complète en trois volumes, publie pour la première fois l’intégralité des épisodes écrits par Garth ENNIS […] » ce qui est écrit sur le quatrième de couverture

Jibé
Jibé
9 années il y a

Je me suis finalement laissé tenter, et je ne regrette pas du tout ! J’ai rarement dévoré 400 pages de bd aussi rapidement. Dommage toutefois que la qualité graphique ne soit pas toujours au rendez-vous.
La présente critique ne sonne en tout cas que plus juste après lecture de l’ouvrage.

jihem
jihem
9 années il y a

je trouve quand meme « bidon » le point negatif sur les vampires

Jibé
Jibé
9 années il y a
Répondre à  jihem

L’épisode en question n’est pourtant clairement pas le meilleur du bouquin…

jihem
jihem
9 années il y a
Répondre à  Jibé

je ne remets pas en question la qualité de l’episode mais le fait de dire qu’il y a une overdose de vampire… au moins l’auteur de l’article a l’intelligence de contextualiser dans l’epoque et bien avant la « mode vampire » actuelle…

Pipadou
9 années il y a

Aïe, ce tome est un pavé qu’on dévore rapidement. Hâte de voir la suite, je suis rassuré de lire que l’histoire sur les Vampires permet de placer des pions pour plus tard car même s’il y a des infos utiles pour les nouveaux lecteurs (mention sur Astra et Newcastle et le passé de Constantine), ça n’en reste pas moins anecdotique (je rencontre le roi, on discute, je lui cloue verbalement le bec, je me casse…)
Davantage que la première histoire, c’est certainement Sang Royal et l’histoire de Danny qui m’ont le plus plut dans le sens où je venais pour l’occulte, la boucherie et les démons et ces histoires ont assouvi mon envie/attente. J’ai été surpris en bien par le développement de Constantine dans la première histoire, ses adieux, ainsi que l’arrivée de Kit. Le scénario et la narration m’ont totalement fait oublié les dessins que je trouvais vraiment pas terrible lorsque les cases ne contenaient que des visages…en espérant que ça s’améliorera dans les prochains tomes.

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