Showcase #54 – Martian Manhunter #3

Pour ce cinquante-quatrième Showcase, notre bien-aimée Harley Huntress avait prévu ce numéro de Martian Manhunter (Vol. 2) #3, sorti il y a précisément seize ans soit en Février 1999. Ni une, ni deux, notre correctrice MadAsAHatter avait lâché l’effaceur et fondu sur son clavier pour s’inscrire, la dame est en effet une fan inconditionnelle du Limier Martien et la soupçonne même de posséder physiquement le numéro qui fait l’objet de cette critique. Hélas, par un concours de circonstances pas assez étonnants pour qu’on prenne la peine de le détailler, le compensant ainsi avec un peu de mystère autrement plus savoureux, MadAsAHatter n’a pas pu, à regret, s’acquitter de sa mission, et je me suis porté volontaire pour la remplacer, en réparation d’une faute commise par moi-même il y a quelques semaines faute qui, elle aussi, n’est pas assez intéressante pour qu’on prenne la peine de la raconter et aisément échangeable contre une deuxième dose de mystère autrement plus savoureux.

En vérité, ça ne me dérange pas tant que ça de parler de ce numéro, ma pénitence n’est donc pas si douloureuse. Tout d’abord j’aime beaucoup John Ostrander. S’il n’a pas l’éclat d’un Grant Morrison, on lui doit des runs mémorables qui ont approfondi des personnages pas forcément évidents du DC-verse. Ces temps, on a beaucoup mentionné son excellent travail sur la Suicide Squad, dont il a fondé, en binôme avec sa femme, la déclinaison moderne sous la houlette d’Amanda Waller, telle qu’on la retrouve encore aujourd’hui. Mais il ne s’est pas contenté de ça, et DC semble s’en souvenir puisque l’éditeur américain est en train de rééditer méthodiquement les deux runs plus tardifs qu’il a montés avec le dessinateur Tom Mandrake – le premier sur le titre The Spectre, et le deuxième, qui nous concerne ici, sur Martian Manhunter.

La popularité du Martian Manhunter était en recrudescence depuis la relance de la JLA en 1997 par Grant Morrison, où il faisait, comme à son habitude pour tous les personnages, une utilisation intelligente des capacités du Limier Martien. Mieux encore, Grant Morrison avait créé dans son premier arc un pan nouveau de la mythologie du personnage pour en faire les premiers adversaires de la Justice League : les Martiens Blancs. C’était une une première depuis grosso modo dix ans, DeMatteis avait en effet un petit peu développé l’univers de J’onn J’onzz en parallèle à son implication dans le titre Justice League International, rajoutant par exemple l’idée que la forme authentique du Martian est en réalité moins humanoïde que celle qu’il adopte au quotidien dans la ligue, ou encore en inventant le dieu martien du feu H’ronmeer. Mais à part le nom d’un dieu et l’apparition d’une deuxième race martienne, le public ne connaissait quasiment rien du Martian Manhunter, tout de même un membre fondateur de la Ligue de Justice en 1960, et avait soif d’en savoir plus.

C’est là que DC décide de lancer un titre spin-off à son blockbuster JLA, sur lequel il installe John Ostrander, qui avait déjà fait des merveilles sur le titre The Spectre, étoffant le personnage de Jim Corrigan comme personne avant lui. C’est véritablement à John Ostrander qu’on doit la version moderne du Martian Manhunter, telle qu’elle apparaît notamment dans la série animée de la Ligue des Justiciers, et telle qu’elle disparut avec les New 52 pour laisser place à un personnage plus brutal et plus impulsif qui est venu sur Terre furieux pour péter la gueule au responsable de la décimation de son peuple – responsable qui, dans les New 52, n’est pas le génial personnage qu’est Ma’alefa’ak. Vous connaissez peut-être ce méchant du Martian Manhunter-verse grâce à son apparition dans le film d’animation Justice League : Doom (Justice League : Échec en VF), mais saviez-vous que, comme d’innombrables éléments de la mythologie moderne du Martian Manhunter, c’était à John Ostrander qu’on la devait ? Aussi, pour faire court, si vous vous intéressez au personnage, il n’y a pas d’alternative, il faut lire le run de John Ostrander sur le personnage. Et si ce Showcase vous a fait découvrir ce run et, mieux, vous a donné envie de vous y intéresser, alors la rubrique aura porté ses fruits !

Ce numéro #3 est représentatif de la qualité du run en son ensemble. Il débute avec une scène comique montrant ‘une des identités alternatives’ de J’onn J’onzz. Perso, déjà là, je dis chapeau : l’idée que le Limier Martien n’ait pas une seule identité humaine – celle du détective John Jones – mais plusieurs en parallèle, interchangeables à volonté grâce à ses pouvoirs de métamorphe, me paraît géniale. Celle qu’il adopte dans ce numéro est particulièrement savoureuse, il s’agit d’un truand maladroit, naïf et simplet, qui fait tomber à l’eau tous les plans des gangs qu’il intègre à cause de ses gaffes. Bien sûr, grâce à ses pouvoirs d’invisibilité et d’intangibilité, la couverture de J’onn J’onzz ne finit elle-même jamais au panier à salade, s’échappant de justesse à chacun des hold-ups qu’il finit par faire capoter.

L’intrigue en tant que telle démarre seulement ensuite, lorsque Cadmus appelle le Martian Manhunter à la rescousse à cause d’un souci au labo impliquant des télépathes. Là, J’onn J’onzz se rend compte que Dubbilex, le célèbre télépathe de Cadmus aux deux cornes que certains d’entre vous ont peut-être découvert dans la série Young Justice, s’est fait siphonner l’esprit par ce qui est probablement un autre télépathe très puissant. Rapidement Martian Manhunter se rend compte que cette menace provient d’une galerie des monstres que le labo entretient dans un coma permanent, et qu’il s’agit d’une extra-terrestre qui est parvenue à extraire son esprit de son enveloppe corporelle pour aller vagabonder dans les labos en quête d’esprits à siphonner parce qu’elle a la dalle. Pour éviter à Cadmus de devoir gazer tous les bestioles qu’ils gardent en captivité, ce qu’ils proposent d’abord, Martian Manhunter se voit contraint d’emprisonner l’extra-terrestre dans sa carcasse comateuse quand bien même celle-ci n’est pas fondamentalement animée de mauvaises intentions. Le numéro se termine sur un cliffhanger fabuleux qui annonce en fait le développement d’une grosse intrigue sur les prochains numéros – une intrigue non moins fabuleuse qui reste un des meilleurs moments de son run sur Martian Manhunter.

Ce numéro a de nombreux atouts, l’un deux est le soin que John Ostrander à mettre de la nuance partout : si certains connaissent uniquement un J’onn J’onzz introverti et mélancolique grâce à la série animée Justice League, ou un J’onn J’onzz violent et effrayant grâce à sa déclinaison dans les pages de Justice League of America, ici on en découvre un possédant de multiples facettes, puisqu’il sait s’amuser – en témoigne son identité de truand gaffeur – mais il sait également faire preuve d’empathie – comme avec l’extraterrestre, le méchant ne tombant pas dans la caricature malveillante – il sait être ferme – comme avec les autorités de Cadmus – et il reste à jamais déconnecté de l’humanité, un aspect qui brille dans une magnifique réplique qu’il balance à un des responsables de Cadmus que je vous mets ci-dessous.

En gros, et MadAsAHatter m’approuvera dans cette démarche, je vous le dis encore une fois : Martian Manhunter est un personnage cool, moins intégré parmi les humains qu’un Superman arrivé à l’âge d’un bébé. Sage, tourmenté, mais aussi attaché à ses amis et passionné des oreos, il est plus subtil qu’il ne pourrait y paraître et le run de John Ostrander ne cesse de l’illustrer. Et pour terminer, je vous laisse sur l’ultime case de ce single, qui vous donne un aperçu du cliffhanger : avez-vous déjà vu John Jones en train de fumer une cigarette ? Bizarre, n’est-ce pas…